Focus austral au Théâtre de Chaillot – Dancenorth et The New Zealand Dance Company
Le Théâtre de Chaillot complète son projet d’une géographie mondiale de la danse contemporaine : après les terres nordiques, un programme baptisé Focus Austral nous amène des antipodes trois compagnies dans les deux salles du théâtre. La soirée proposée dans la salle Firmin Gémier regroupait deux troupes, l’australienne Dancenorth et la New Zealand Dance Company pour un programme en trois parties. Une soirée enthousiasmante qui nous fait voyager et découvrir d’autres univers chorégraphiques.
Mais on n’avait faillit ne rien voir. Lors de la première, un bug informatique avait privé les artistes et les spectateur.rice.s de lumières et au bout de 15 minutes, il fallut interrompre. Le public patienta près d’une heure avant qu’on lui annonce que la représentation ne pourrait pas reprendre. Ce sont les aléas du spectacle vivant. Avides de découvrir malgré tout cette danse des antipodes, de nombreuses personnes se sont rabattus sur les deux représentations restantes. Et ils ont bien fait car si les trois pièces ne sont pas exemptes de défauts et de quelques longueurs, elles donnent à voir des chorégraphies singulières et des interprètes de haut vol qui ont en commun de belles qualités athlétiques et artistiques.
La compagnie Dancenorth, bien qu’elle jouisse d’une réputation établie en Australie, s’est encore très peu produite en Europe. Installée à Townsville dans l’état du Queensland, elle témoigne qu’il y a une vie culturelle et des chorégraphes en Australie et pas seulement à Sydney. Le programme parisien inaugurait d’ailleurs une mini tournée qui va se poursuivre en province. La directrice artistique Amber Haines avait choisit Syncing Feeling, créé en 2015 qu’elle danse en duo avec Kyle Page, son partenaire sur scène et dans la vie. Le détail serait de peu d’importance si cette pièce ne semblait explorer le partage entre deux êtres des sensations et des émotions.
Syncing feeling débute dans le noir complet avant un halo de lumière qui laisse émerger un immense drap noir s’agitant pour dessiner une série de vagues sur lesquelles est assise Amber Haines. Ce prélude sans musique laisse ensuite la place à un duo qui débute tout en douceur, où Les danseur.se.s et chorégraphes Amber Haines et Kyle Page, à genoux face à face pour un jeu où leurs mains et leurs bras, s’entrelacent. Puis émerge un pas de deux virevoltant qui empoigne tout l’espace de la scène. Cela va à toute allure dans un registre athlétique émaillé de portés acrobatiques avec une danse au sol virtuose. C’est le moment le plus fort du spectacle et les séquences suivantes qui alternent solos et duos ne retrouvent jamais la force du premier pas de deux. Reste un spectacle très plaisant et un couple à la technique acérée. La suite de la tournée en province permettra de découvrir le reste de la compagnie qui dansera Spectra, pièce pour sept danseur.se.s également chorégraphiée par Amber Haines et Kyle Page.
Place ensuite à la Nouvelle-Zélande, qui n’avait pas jusqu’à récemment de grande compagnie de danse contemporaine. Créée en 2011, The New Zealand Dance Company a rempli ce vide et s’est rapidement imposée comme une troupe professionnelle de poids grâce à un large choix de chorégraphes et la qualité de ses artistes. Pour cette première parisienne, deux pièces étaient présentées : The Geography of an Archipelago de Stephen Shropshire et In Transit de Louise Potiki Bryant. Soit deux pièces ambitieuses même si elles ne sont pas totalement réussies.
The Geography of an Archipelago, soit La Géographie d’un Archipel, est la plus séduisante. Elle offre une première partie tambour battant interprétée par deux danseuses et deux danseurs dans une scénographie et des costumes où domine le bleu. Ils livrent un ensemble de superbe facture interprété à grande vitesse, dans un style qui allie vocabulaire classique et danse athlétique. La pièce se termine par un long adage sur la sonate au Clair de lune de Beethoven revisitée qui laisse un peu dubitatif.
Le danseur Xin Ji déborde du cadre de ce groupe et impose une personnalité artistique séduisante, que l’on retrouve dès l’entrée de In Transit. Tenant une longue branche en équilibre sur la tête, il danse au sol avec une grâce infinie. In Transit est la pièce de la soirée la plus composée convoquant vidéos et accessoires. Elle n’est pas la mieux construite et ne fait pas la part aussi belle aux danseur.se.s malgré de très beaux moments, notamment lorsque les artistes et leurs avatars en vidéos s’entremêlent.
Dancenorth et The New Zealand Dance Company au Théâtre de Chaillot, dans le cadre du Focux austral. Syncing Feeling par Dancenorth, de et avec Amber Haines et Kyle page. The Geography of an Archipelago de Stephen Shropshire et In Transit de Louise Potiki Bryant, par the New Zealand Dance Company, avec Luke Hanna, Xin Ji, Chrissy Kokiri, Katie Rudd, Carl Tolentino, Emily Adams, Lucy Lynch et Breanna Timms. Jeudi 12 avril 2018. Théâtre de Chaillot. DanceNorth à voir en tournée en France jusqu’au 21 avril.