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Spectacle de l’École de Danse de l’Opéra de Paris – Clustine/Kylián/Neumeier

Chaque mois d’avril, la salle du Palais Garnier bruit des rires de petits rats, petites rates qui, venu-e-s en famille, se faufilent entre les fauteuils d’orchestre, les cloisons (ou ce qu’il en reste…) des loges, les colonnes du grand foyer. Dirigée par Élisabeth Platel depuis 2004, l’École de Danse de l’Opéra de Paris se targue d’une existence tricentenaire, gardienne du « fameux style français » qui renferme l’essence de la danse classique. Mais, à l’image du Ballet de l’Opéra de Paris, l’école ne se spécialise plus uniquement dans l’académique. Le néoclassique et le contemporain s’invitent à parts égales dans le répertoire. Cette année, la programmation du spectacle a ainsi mis à l’honneur Suite de Danses (Ivan Clustine), Un Ballo (Jiri Kylian) et Spring and Fall (John Neumeier). Un format habituel de triple bill illuminé par deux entrées au répertoire.

Suite de danses d’Ivan Clustine – École de Danse de l’Opéra de Paris

La soirée débute par les tableaux blancs de Suite de Danses, un ballet créé par Ivan Clustine à l’Opéra de Paris en 1913, directement inspiré des Sylphides de Fokine et qui devait influencer, plus tard, la Suite en blanc de Serge Lifar. Sage et muséal, le ballet explore l’imagerie romantique, dans sa dimension abstraite, de la danse à la française. Le bas de jambe est ainsi à l’honneur, permettant à Jeanne Palayret, ballerine mise en lumière le soir de la première, de montrer un travail de pied exquis et des arabesques d’une rare justesse.

Puis le tulle des tutus « à la Taglioni » s’efface pour laisser place à une courte pièce contemporaine, Un Ballo, saisissant de contrastes qui emporte l’adhésion. À l’entracte, on affirme avoir vu « des Étoiles » sur scène. Les élèves de l’École de Danse se meuvent en effet avec une grande liberté, une grande aisance plastiques dans ce registre pointu qui questionne la figure du couple sous une forme sensible. La scénographie est efficace, les ensembles sont graphiques, le format est assez bref pour ne pas lasser. Maïlène Katoch, Raphaël Duval, Lucie Devignes, Daniel Lozano Martin, Luna Peigné, Guillaume Diop, Maya Candeloro, Anicet Marandel, Inès McIntosh et Enzo Cardix habitent la pièce. Un Ballo ne manque pas d’humour et, sous les ors du Palais Garnier, le portique de bougies suspendues qui figure le faste des bals d’antan, semble presque nous narguer : « voilà ce qu’il reste de votre prestige passé« . Quelques clins d’oeil chorégraphiques citent d’ailleurs les danses de cour qui ont forgé l’ADN premier de l’école, d’autres déploient des drapés majestueux qui évoquent les belles robes du Second Empire. Un monde révolu mais joliment restitué par les élèves.

Un Ballo de Jiří Kylián – École de Danse de l’Opéra de Paris

Le spectacle prend fin avec Spring and Fall, de John Neumeier, une pièce néoclassique abstraite de plus dans la veine épurée chic. Son esthétique pastorale rappelle, dans les grandes lignes, le mythe de Daphnis et Chloé. Cette impression est renforcée par les corps d’éphèbes des danseurs, les lignes fluides et romantiques des danseuses, tous et toutes nimbées d’une lumière pastel.  Spring and Fall, printanier et automnal, jaillissant et tombant, se regarde sans déplaisir grâce à la maturité de ces interprètes en devenir, plus tout à fait Petits rats mais pas encore artistes éclos. Carola Puddu, Nathan Bisson et Daniel Lozano Martin s’affirment. La pièce manque toutefois de cette attaque chorégraphique, de ce propos émouvant qui électrisent le public. On en ressort en se demandant, en bon profane, ce qui a bien pu sous-tendre cette acquisition. Une chose s’éclaircit à tout le moins : on se dit que Benjamin Millepied n’est pas parti bien loin chercher l’inspiration pour sa version de Daphnis et Chloé.

Suite de Danse, Un Ballo, Spring and Fall… Le langage chorégraphique très XXe siècle du programme était peut-être trop abstrait pour pouvoir envoyer un message artistique limpide au public. Mais une certitude s’impose. Ces petits rats, petites rates, méritant-e-s, forcent l’admiration. Ils ne feront pas tous carrière à l’Opéra de Paris mais les portes du monde entier leur sont ouvertes !

Suite de danses d’Ivan Clustine – École de Danse de l’Opéra de Paris

 

Spectacle de l’École de danse de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. Suite de danses d’Ivan Clustine avec Jeanne Palayret, Aurélien Gay, Apolline Anquetil, Emilia Sambor, Ysée Brétignière, Grégoire Duchevet, Marius Rubio et Kylian Tilagone ; Un Ballo de Jiří Kylián avec Maïlène Katoch, Raphaël Duval, Lucie Devignes, Daniel Lozano Martin, Luna Peigné, Guillaume Diop, Maya Candeloro, Anicet Marandel, Inès McIntosh et Enzo Cardix ; Spring and fall de John Neumeier, avec Carola Puddu, Nathan Bisson, Guillaume Diop et Daniel Lozano Martin. Vendredi 13 avril 2018. À voir jusqu’au 18 avril. 

 

Commentaires (1)

  • Antonello Amdrei

    Je voudrais quelque information sur le petit danseur italien que s appelle Valentino Andrei.

    Merci

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