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Robot, l’amour éternel – Kaori Ito

Depuis qu’elle chorégraphie elle-même ses pièces, après avoir été interprète pour Angelin Preljocaj ou Aurélien Bory entre autres, la danseuse Kaori Ito déploie un univers très singulier, proche de la quête personnelle, comme en témoignait Je danse parce que je me méfie des mots. Dans ce nouveau solo Robot, l’amour éternel, la chorégraphe questionne la solitude et la mort, sans se départir d’une ironie touchante. Evoluant sur un praticable en forme de boîte rectangulaire, elle déroule un étonnant dialogue introspectif avec la commande vocale de son smartphone. Une sorte de miroir à la fois angoissant et drôle de notre condition humaine 2.0.

Robot, l’amour éternel – Kaori Ito

Sur une scène en volume, recouverte d’un tissu blanc, se déploie avec lenteur le corps de Kaori Ito. Les mouvements ont la précision millimétrée et un peu gauche des robots à effigie humaine. Soudain, la voix mécanique et hachée de Siri, application de commande vocale, se met à débiter le quotidien intime de la danseuse : déplacements dans des villes du monde entier, hôtels, réflexions sur ses états d’âme d’artiste et de femme… Tandis que s’égrènent – non sans un certain humour – les détails de sa vie d’interprète, l’artiste se déplace, ramassant au passage des moulages de parties de son corps, tels des prothèses, qui jonchent la scène. Au gré de ses déambulations, elle s’en recouvre et s’en déleste, comme des mues successives.

La pièce avance et l’intelligence artificielle continue de réciter sa litanie du quotidien limite narcissique de l’artiste. Et Kaori Ito continue de dessiner une chorégraphie élastique et légère. Comme une marionnette désarticulée, elle s’évertue à recoller ces fragments de corps épars en silicone, symboles de sa vie disloquée. Par moments, elle fait penser à une sorte d’insecte sensuel, rampant, se contorsionnant dans une gestuelle fascinante et très personnelle, synthèse des multiples influences qui nourrissent son travail.

Robot, l’amour éternel – Kaori Ito

Le praticable sur lequel elle bouge est parcouru de cavités dans lesquelles elle disparaît pour réapparaître plus loin. Incroyable scénographie où la danseuse se laisse engloutir comme dans des sables mouvants dans une infinie lenteur. Mais à l’anéantissement de la mort, à l’angoisse de finitude, succèdent le jaillissement de la vie, la renaissance. Beaucoup de détails font référence à la récente maternité de Kaori Ito, et tout porte à croire que cet événement a intimement nourri la réflexion de cette pièce.

Dans un monde contemporain guidé par la voix déshumanisée sortie de nos smartphones, il existe des échappatoires possibles. Celle choisie par Kaori Ito prend les couleurs baroques de la chanson O solitude, my sweetest choice de Purcell. « Ô Solitude, Ô que j’aime la solitude ! Que ces lieux consacrés à la nuit. Éloignés du monde et du bruit, Plaisent à mon inquiétude ! »Ô que j’aime la solitude !« . Un pur moment de grâce.

Robot, l’amour éternel – Kaori Ito

 

Robot, l’amour éternel de et avec Kaori Iton, dans le cadre de Séquence Danse Paris 2018 au CENTQUATRE-PARIS. Jeudi 5 avril 2018. A voir les 25 et 26 mai au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines (78).

 

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