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Rencontre avec Anne-Marie Pol et sa plume chorégraphe

Elle fait danser sa plume depuis trois décennies et avec elle, plusieurs générations de petites danseuses qui ont grandi à travers Nina, l’héroïne de la série « Danse ». Anne-Marie Pol, auteur bien connue des balletomanes, a conjugué ses deux passions : l’écriture et la danse avec les volumes de La danse comme un roman. C’est l’occasion pour DALP de dresser le portrait d’une écrivaine férue de danse et d’histoire.

Anne-Marie Pol

Dans son salon bardé de livres, reliures anciennes et romans contemporains, Anne-Marie Pol reçoit avec de la porcelaine anglaise et des macarons couleur pastel. Son chien, un adorable Westie blanc, est de la Tea Party. On a vue sur un jardinet fleuri. C’est dans ce cadre bucolique qu’Anne-Marie Pol aiguise sa plume, du matin au soir. Si elle est d’abord connue pour les 42 tomes de sa série Danse !, elle affiche un répertoire éclectique comme le démontrent ses récentes parutions (De Feu et de neige ou Un Tigre dans le jardin). Son goût de l’écriture lui est venu très tôt, dès l’enfance, concomitamment avec celui de la lecture. Issue d’une famille où on lisait beaucoup, elle dévorait les ouvrages de la littérature enfantine. La Comtesse de Ségur, bien sûr, mais aussi Peter Pan de J. M. Barrie, un héros imparfait selon elle, qui emporte ses lecteurs dans un pays imaginaire où l’enfance est reine. Rétrospectivement, elle estime que ce choc littéraire a influencé son choix d’écrire pour la jeunesse. « La littérature jeunesse ne date pas du XXe siècle » rappelle-t-elle, « elle était déjà très forte fin XIXe« .

Bien que l’écriture ait toujours été son loisir de prédilection, Anne-Marie Pol ne s’est pas professionnalisée tout de suite. L’idée d’écrire pour un public plus large que son entourage lui est apparue alors qu’elle était mannequin et comédienne en Espagne. Rentrée en France, elle est tombée sur des histoires sentimentales et a alors eu l’impression que l’écriture professionnelle était à sa portée. « Mais écrire pour des gens qui n’ont pas l’habitude de lire est en fait difficile » précise-t-elle. Après deux ans d’exercices, elle s’est dit que la littérature jeunesse était « une première étape avant la littérature adulte« . Son premier roman paru en 1986, La reine de l’île, lui a été inspiré par un fait divers mais il évoque l’air de rien des thématiques inscrites dans sa chair qui reviendront comme une ritournelle tout au long de ses oeuvres : les drames familiaux, le déclassement social et des histoires d’amour atypiques qui bousculent les codes. Ses récits campent toujours des personnages solides, le fameux rite initiatique de l’enfance vers l’âge adulte. Sans le savoir, elle a déjà trouvé sa voie et ne quittera plus « le paradis de l’enfance« .  Evidemment, elle lit toujours beaucoup, de la littérature jeunesse mais avant tout adulte, citant, parmi ses récentes lectures frappantes Le Ministère du bonheur suprême, Le Fleuve ou les oeuvres de Claude Simon.

La série de Nina a déjà 18 ans et aucune suite n’est prévue pour la ballerine en herbe. Ses personnages ne meurent pas, toutefois, « je les laisse vivre à travers les lecteurs et lectrices« . Et son lectorat, justement, elle le dorlote. Attentive à leur ressenti, elle lit les courriers, le rencontre volontiers au Salon du livre, jamais avare d’une signature ou d’une photographie. Pour autant, elle ne cherche pas à « écrire pour plaire« . D’ailleurs en 2000, « la danse n’était pas un sujet à la mode » lors du lancement de la série Danse !. Une grande maison d’édition a d’ailleurs refusé le projet : « ça ne se vendra jamais« .

Son amour de la danse lui vient d’abord de sa famille. « Ma mère aimait beaucoup la danse. Enfant, on m’emmenait voir les ballets du Marquis de Cuevas à Cannes« . Elle a été subjuguée par l’image d’une danseuse en arabesque dans un tutu baigné d’une lumière bleuâtre. Plus intime encore, sa tante, Yvette Bouland-Vinay, a dansé avec Serge Lifar aux Ballets de Monte-Carlo. Elle lui a enseigné les bases de la danse classique mais dans son enfance, Anne-Marie Pol, scolarisée dans un pensionnat, n’a pas pu danser.  Pour soulager son chagrin, elle lit des livres sur la danse : elle n’a jamais oublié Ballerina de Vicki Baum, dont l’héroïne, Katia, a préfiguré Nina.  La danse est, depuis,  une source inépuisable d’inspiration pour Anne-Marie Pol. Danse et littérature sont intimement liées dans son esprit, sans surprise c’est d’ailleurs Eugène Onéguine son ballet préféré. Elle préfère, en général, les ballets narratifs. Si elle devait adapter un roman en ballet, elle choisirait le Roman comique de Scarron, imaginant une chorégraphie aux accents baroques pour l’occasion. Anne-Marie Pol s’intéresse aussi au contemporain : Angelin Preljocaj et Jean-Christophe Maillot l’ont émue.

Je laisse vivre les personnages de Danse ! à travers les lecteurs et lectrices

Quand elle a écrit les aventures de Nina, elle s’est entretenue avec Nina Vyroubouva, à qui elle doit le prénom de son héroïne. Pour La Danse comme un roman, opus 2, elle a interviewé les interprètes qui l’avaient marquée dans ces grands rôles littéraires du répertoire de l’Opéra de Paris. Élisabeth Maurin, Isabelle Ciaravola, dont la Tatiana (Eugène Onéguine) l’a bouleversée. Elle a aussi approché de jeunes danseuses comme Héloïse Bourdon, dont elle apprécie le côté classique, chic et sobre, ou encore ses professeurs de danse Sabine Pasteur et Frédéric David car « la transmission de la danse se fait autant par les professeurs que par les Etoiles« . Passionnée de danse sur scène, à la barre (elle pratique la danse à titre amateur) et dans les livres, Anne-Marie Pol se distingue par la qualité littéraire mais aussi historique de ses écrits, tous très documentés. Elle se plonge corps et âme dans chaque période, forte d’une riche bibliographie d’époque et de nombreux contacts dans le milieu de la danse. Sa sensibilité naturelle fait le reste. Prolifique, Anne-Marie POL ne s’en tient pas à la danse. Elle prépare actuellement un nouveau roman historique dont l’action se déroule sous la Terreur, en 1793, à Paris. La période révolutionnaire la frappe d’effroi, l’Ancien régime la fascine. N’oubliant jamais le parallèle avec la danse, elle raconte d’ailleurs que Vestris avait refusé de danser devant Marie-Antoinette. « Il a fait de la prison pour ça, il me semble« . Emportée par son récit, l’écrivaine se lève subitement pour consulter ses archives. Son Westie s’agite. C’est l’heure des macarons.

 

Commentaires (5)

  • novas

    merci pour cette belle rencontre

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  • Excellente interview d’une excellente écrivaine, une plume de talent et une personne charmante. L’amour de la danse nous réunit à nouveau par hasard. J’ignorais que « La reine de l’île » était votre premier roman, c’était un coup de maître! Avec mon meilleur souvenir
    Solvej

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    • Anne-Marie Pol

      Décidément, la danse m’apporte toujours de belles surprises !
      Quelle joie d’avoir de vos nouvelles, chère Solvej ! Je n’oublierai jamais que vous avez été ma première illustratrice, celle de mon premier roman, et que vous avez donné à ma première héroïne, avec talent et tendresse, sa grâce dansante…
      Encore merci et à bientôt, j’espère !
      Avec mon amitié,
      Anne-Marie

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  • Une personne extraordinaire que j’ai pris beaucoup de plaisir à rencontrer à Saint Maur en Poche le week end dernier.
    Quel bonheur de pouvoir rencontrer une auteure qui a bercé mon enfance, adolescence et m’a aidée à me construire.
    Merci pour ce moment d’échange et pour votre gentillesse. En espérant pouvoir vous croiser au détour d’un prochain salon pour échanger sur les romans qui sont repartis avec moi (et prendre une photo avec vous, ce à quoi je n’ai pas pensé sous le coup de l’émotion, à mon grand désespoir)
    Merci pour tout

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  • J’ai grandi avec Anne-Marie Pol et la série Danse !. J’ai toujours adoré la danse classique même si je n’en ai jamais faîte, j’ai voyagé par procuration à travers cet univers. Je me tiens au courant des parutions et je suis ravie de découvrir ses nouveaux romans qui me transportent comme à chaque fois.

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