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[Les Etés de la danse] Pacific Northwest Ballet – Programme 1

Présentée comme la soirée des « héritiers et héritières » de Jerome Robbins, le premier programme du Pacific Northwest Ballet aux Étés de la Danse déploie plus largement la veine néoclassique anglo-saxonne, qui emprunte à George Balanchine, Jerome Robbins ou William Forsythe et qui, parfois, crée son propre langage, à l’image de Crystal Pite, chorégraphe la plus innovante de la soirée. Retour sur une soirée estivale à la Seine musicale, étrange vaisseau futuriste posé sur la Seine, aux portes de Paris.

Tide harmonic de Christopher Wheeldon

Tide Harmonic de Christopher Wheeldon nous plonge dans un onirisme aquatique harmonieux. Les ondulations du corps, très forysthiennes, font écho à la musique psychédélique de Joby Talbot. Bras déliés, déhanchés gymniques. Le résultat est assez hypnotique même si le chorégraphe semble confondre langueur et longueur. La pièce s’éternise, rompant la magie des débuts. Passé l’effet de surprise, quand l’aura mystérieuse se dissipe, une sensation de monotonie s’installe. Les costumes, trop minimalistes, auraient pu être agrémentés de ce tulle vert d’eau qui fait toute la beauté de Sérénade. Le tourbillon des tutus aurait ainsi pu renforcer le mouvement des vagues que la chorégraphie veut incarner. Trop épurée, cette jolie pièce finit par sombrer.

Red Angels – Ulysses Dove

Sans transition, le programme propose Red Angels d’Ulysses Dove. L’esthétique de la pièce (1994) est un peu datée avec ses académiques rouges, lacés au niveau du torse, qui donnent aux danseurs masculins une allure transgenre. Les accents très balanchiniens de la chorégraphie transmettent un certain rythme à l’ensemble, de même que le violon électrique qui compose un fond sonore folklorique. Red Angels contraste en tout point avec Tide Harmonic mais il est difficile de caractériser son style, son propos. La troupe montre toutefois la solidité de sa technique ainsi que son assurance scénique : deux qualités qui sont plus souvent alternatives que cumulatives dans certaines compagnies.

Little mortal jump d’Alejandro Cerrudo apparaît plus inventif. Il explore une veine comique, reprenant les codes des cabarets voire du théâtre de rue, parfois émouvante, tout en développant une danse expressionniste, plus contemporaine que néoclassique. Si le public semble réceptif, l’oeuvre m’apparaît décousue. Au final, à l’entracte après ces trois œuvres, on a la sensation confuse de ne pas avoir saisi l’identité du Pacific Northwest Ballet, après un aperçu trop disparate.

Emergence – Crystal Pite

Mais il y a l’apothéose attendue de la soirée, Emergence de Crystal Pite. La pièce ravit l’auditoire par son fameux univers mi-tribal, mi-insectoïde, à la tonalité apocalyptique. Les premières images captivent d’emblée, nous entraînant dans un monde sombre, martial, où le groupe est à la fois refuge et menace. À l’image d’une compagnie de danse ? Le langage chorégraphique, influencé par la danse classique mais aussi par les mouvements des insectes, est d’autant plus saisissant qu’il est déployé à grande échelle, Crystal Pite apparaît comme une grande architecte de corps de ballet. La chorégraphe a grandi en Colombie Britannique, une province canadienne où la Nature, grandiose, engloutit l’humain. Cet environnement aussi hostile que sublime se retrouve dans les références de la chorégraphie à la vie minérale et animale, à la vulnérabilité du vivant face aux éléments. C’est ce qui rend l’inimitable « style Pite » si marquant. Le Pacific Northwest Ballet, domicilié à Seattle, entre terre et mer, ne pouvait que communier avec cette influence transcendantaliste et l’incarner au mieux.

 

Programme Wheeldon/Dove/Cerrudo/Pite par le Pacific Northwest Ballet à la Seine musicale dans le cadre des Étés de la Danse. Tide Harmonic de Christopher Wheeldon, avec Sarah Pasch et William Lin-Yee, Leta Biasucci et Price Suddarth, Elle Macy et Miles Pertl, Sarah Ricard Orza et Joshua Grant ; Red Angels d’Ulysses Dove, avec Lindsi Dec et Jerome Tisserand, Lesley Rausch et Lucien Postlewaite ; Little mortal jump d’Alejandro Cerrudo, avec Leah Merchant, Angelica Generosa, Elle Macy, Elizabeth Murphy Price Suddarth, Ezra Thomson, Jerome Tisserand, Henry Cotton, Guillaume Basso et Dylan Wald ; Emergence de Crystal Pite, avec Leta Biasucci, Karel Cruz, Kyle Davis, Lindsi Dec, Joshua Grant, Steven Loch, Elle Macy, Leah Merchant, Sarah Pasch, Christian Poppe, Emma Love Suddarth, Price Suddarth et Ezra Thomson. Mardi 3 juillet 2018. 

 

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