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[Les Étés de la Danse] Pacific Northwest Ballet – Programme 2

En deuxième volet de l’édition 2018 des Étés de la danse, le Pacific Northwest Ballet présente deux programmes. Cette troupe américaine, dont la venue est inédite en France, a déjà participé à l’hommage à Jerome Robbins. Dirigée depuis 2005 par Peter Boal, ancien Principal du New York City Ballet, elle débarque auréolée d’une belle réputation. Pour ce programme 2, le directeur artistique a décidé de proposer des œuvres récentes telles que Her Door to the Sky (2016) de Jessica Lang, Slingerland Duet (2000) de William Forsythe, Appassionata de Benjamin Millepied (2016) et Waiting at the Station (2013) de Twyla Tharp. Beaucoup d’Américain.e.s ont fait le déplacement et Independence Day oblige, la représentation commence par l’hymne national américain (The Star-Spangled Banner), écouté debout comme il se doit. Le clin d’œil est sympathique, chacun s’y plie avec plus ou moins de ferveur. Mais très vite, place au spectacle !

Her Door to the Sky de Jessica Lang – Pacific Northwest Ballet

En ouverture de soirée, Her Door to the Sky de Jessica Lang est un hommage à la peintre américaine Georgia O’Keeffe et plus particulièrement à la série Patio Door réalisée entre 1946 et 1956. Les décors semblent d’ailleurs directement inspirés de ces toiles. Tout en douceur, dans une tonalité de couleurs pastels, la danse fluide et limpide de celle qui a beaucoup travaillé avec Twyla Tharp produit son effet. On se laisse facilement gagner par le rythme de cette déambulation. Evoquant par moments des danses folkloriques, cette pièce se révèle bien construite, alternant les mouvements d’ensemble, les duos et les solos de manière équilibrée. Les femmes sont au centre de cette danse. Les danseuses du Pacific Northwest Ballet y brillent d’une belle intensité, notamment Sarah Ricard Orza qui s’impose avec douceur mais détermination. Les robes fluides tie and dye de Bradon McDonald tourbillonnent et se déploient telles des fleurs au rythme du mouvement, des sauts et des portés. C’est de la danse qui se contemple. Peut-être un peu sage, mais apaisante et gorgée de poésie.

Slingerland Duet de William Forsythe – Pacific Northwest Ballet

Slingerland Duet de William Firsythe ne dure que 8 minutes, mais chaque geste est pesé, millimétré et comme on dit, il n’y a pas de gras. On retrouve le style affûté du chorégraphe qui a joué pendant une dizaine d’années avec cette pièce, rajoutant à l’envi d’autres parties pour en faire un ballet en quatre actes ou la désintégrant en petites propositions. Ici, comme souvent chez le chorégraphe américain, chaque pas est tendu comme un arc. Il faut beaucoup d’intelligence technique pour s’approprier et donner chair à cette danse aux lignes bien définies. Lesley Rausch et Seth Orza s’y emploient avec plus que de l’application. Jouant avec le déséquilibre, les deux interprètes s’attirent l’un contre l’autre pour créer des angles et des figures quasi géométriques. S’il n’a pas la force de In the Middle Somewhat Elevated (on en revient toujours aux chefs-d’œuvre), ce pas de deux distille une énergie qui doit beaucoup à la composition musicale de Gavin Bryars limite hypnotique.

Si j’avais vu la pièce de Benjamin Millepied (alors nommée La nuit s’achève) à sa création en 2016 à l’Opéra de Paris, j’en gardais un souvenir assez diffus. Il se résumait, force est de le reconnaître, à la lumineuse présence de Léonore Baulac et à l’interprétation vibrante du pianiste Alain Planès de cette Appassionata. Quel plaisir de redécouvrir quasiment cette pièce à peine deux ans après. Même si le style d’Allan Dameron au piano est moins séduisant, cette sonate n°23 en fa mineur de Beethoven offre un terreau fertile pour que s’épanouisse la danse de Benjamin Millepied. Une danse élégante, ciselée, éblouissante, d’une infinie musicalité qui demande beaucoup aux danseurs et danseuses tant elle explose de virtuosité technique. Malgré tout, on peine à se raconter une histoire avec ce qui se joue devant nos yeux. C’est un beau feu d’artifice, même si la dernière partie laisse un peu exsangues les six interprètes, mais qui échoue à susciter des émotions.  La deuxième partie, très clairement inspirée du Parc de Preljocaj, y parvient sans la touche d’originalité qu’on aimerait y trouver.

Appassionata de Benjamin Millepied – Pacific Northwest Ballet

Après l’entracte, Waiting at the Station de Twyla Tharp clôt cette soirée avec panache dans un registre qui évoque plus les musicals de Broadway. Elle apporte aussi la confirmation de la qualité de cette compagnie américaine que les Étés de la danse ont eu raison de convier. Même si l’on ne peut que constater que les troupes made in USA n’ont pas la même attractivité que les compagnie russes venant se produire en France, certes avec des ballets plus fédérateurs comme Le Lac des cygnes ou Casse-Noisette.

Waiting in the Station nous plonge dans la Nouvelle-Orléans des années 1940. Court ballet narratif, il raconte l’histoire d’un homme à la recherche de son fils pour un ultime adieu. C’est surtout le prétexte d’un ballet au rythme enlevé qui célèbre le bonheur de vivre sur des accents swing. Difficile de comprendre les subtilités de l’argument sans avoir lu la note d’intention, mais les tableaux qui succèdent racontent une histoire qui se tient. Les duos entre le père et le fils sont parfois drôles, souvent poignants. Dans le rôle du père, James Moore impose une autorité naturelle et une maîtrise enthousiasmantes. On se surprend à penser qu’il n’y a donc que les Américains pour danser comme cela, à la fois précis et décontracté, intense et désinvolte. La troupe semble prendre une plaisir jubilatoire à danser ce ballet. Son amusement est contagieux. Pas de révolution, mais une pièce efficace, bien construite et fédératrice.

Waiting at the Station de Twyla Tharp

PS : Un détail qui n’en est pas un. La feuille de salle est affichée à l’entrée de la salle de spectacles dans un petit présentoir très élégant. Elle renvoie sur le site des Étés de la danse pour retrouver la distribution complète de chaque programme (mais entre nous qui fait cette démarche à part quelques balletomanes acharnés ?). Du coup, on dégaine son smartphone pour immortaliser le déroulé de la soirée (2h17 tout de même). Proposer une feuille de salle ne dissuade pas une partie du public d’acheter le programme. C’est juste une façon correcte d’informer le spectateur qui s’est acquitté du prix de sa place. Et une manière élégante d’honorer tous les danseurs.

 

Pacific Northwest ballet, Programme 2 dans le cadre des Étés de la Danse à la Seine musicale. Her Door to the Sky de Jessica Lang avec Sarah Ricard Orza, Leta Biasucci, Angelica Generosa, Cecilia Iliesiu, Emma Love Suddarth Kyle Davis, Joshua Grant, Steven Loch, Price Suddarth, Ezra Thomson. Slingerland Duet de William Forsythe avec Lesley Rausch & Seth Orza. Appassionata de Benjamin Millepied avec Elizabeth Murphy, Karel Cruz, Leah Merchant, Jerome Tisserand, Elle Macy, William Lin-Yee. Waiting at the Station de Twyla Tharp avec James Moore (Le Père), Price Suddarth (Le Fils ), Noelani Pantastico, Joshua Grant, Laura Tisserand, Miles Pertl (Quatuor /), Cecilia Iliesiu, Elle Macy, Sarah Pasch (Trio), Angelica Generosa, Steven Loch, Leta Biasucci, Christian Poppe Madison Rayn Abeo, Leah Merchant, Emma Love Suddarth, Madison Taylor Guillaume Basso, Ryan Cardea, Henry Cotton, Dylan Wald. Mercredi 4 juillet 2018. Les Étés de la Danse continuent jusqu’au 7 juillet.

 

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