[Photos] Retour sur l’hommage à Jerome Robbins par le Ballet de l’Opéra de Paris
Le Ballet de l’Opéra de Paris a proposé cet automne un programme Hommage à Jerome Robbins, du 27 octobre au 14 novembre au Palais Garnier. La soirée était composée de quatre ballets du chorégraphe : Fancy Free (entrée au répertoire), A Suite of dances, Afternoon of a Faun et Glass Pieces.
Retour en images sur les différentes distributions :
Ballet hommage aux comédies musicales et aux accents swing, Fancy Free n’était pas une évidence à l’Opéra de Paris, tant l’oeuvre est différente de l’école française. Faire entrer ce ballet n’était pas en soi une mauvaise idée, mais les distributions se sont avérées un peu trop inégales. Lors de la première, François Alu – le plus à même de la troupe pour danser Fancy Free – a mené la danse. Si Karl Paquette et Stéphane Bullion étaient moins à l’aise dans la danse, leur complicité et leur caractérisation des personnages ont fait le reste, les trois ont formé un trio des plus sympathiques, auxquelles Alice Renavand et Eleonore Abbagnato ont apporté tout le charme et le piquant. La deuxième distribution était plus difficile. Alessio Carbone, Alexandre Gasse et Paul Marque ont fait de leur mieux, mais il leur manquait cette complicité, cette facilité dans le jeu. Paul Marque arrivait un peu mieux à tirer son épingle du jeu et a notamment formé un joli duo avec Dorothée Gilbert. C’est d’ailleurs cette dernière qui était incontestablement la reine du bal, brillante avec un petit chic parisien qui allait plutôt bien à ce ballet typiquement américain. Il est dommage que les Sujets trentenaires – Marc Moreau, Allister Madin et co – n’aient pas eu leurs chances, ils auraient pu apporter à ce ballet le peps qui lui a manqué. Une troisième distribution (que nous n’avons pas vu) réunissait Adrien Couvez, Mathieu Contat, Axel Magliano, Muriel Zusperreguy, Eve Grinsztajn et Roxane Stojanov dans les rôles principaux.
A Suite of dances, oublié de la scène parisienne depuis de trop nombreuses années, est un joli cadeau pour les artistes masculins. Les quatre distribués ont su relever le défi en sachant y imprimer leur personnalité. Le reste n’est que subjectivité. Pour ma part, j’ai trouvé la performance de François Alu extraordinaire. Il a su montrer ce ballet sur toutes ces facettes, y compris dans son aspect pastiche (l’humour y est bien présent), il a su montrer toutes les subtilités de la chorégraphique, ses accents, son énergie. Il y faisait une prise de rôle, j’avais l’impression qu’il avait dansé ça toute sa vie. Mathias Heymann était plus dans le work in progress – ce qui est finalement logique. Mais sa musicalité, sa félinité (notamment dans la deuxième variation) ont montré le grand danseur qu’il est, et le petit bijou qu’il pourrait faire de ce solo s’il a l’occasion de le reprendre régulièrement. Paul Marque a choisi un travail dans la même veine, tout en musicalité et pureté du geste. S’il n’a pas encore la personnalité dessinée de son aîné, on sent l’emprise qu’il porte peu à peu sur scène. La beauté de sa danse fait le reste. C’est en tout cas un plaisir de voir sa progression au fur et à mesure de ses prises de rôle, le jeune Premier danseur n’a pas fini de nous étonner. Enfin, il y a eu Hugo Marchand. Un danseur qui me touche la plupart du temps. Mais sur A Suite of dances, j’ai rejeté son interprétation dès les trois premières secondes. Trop apprêté, trop affrété, trop surjoué. Il n’y avait pour moi rien de naturel dans sa danse, alors que ce solo doit respirer la spontanéité. Vu les acclamations du Palais Garnier, j’ai dû être la seule.
Hugo Marchand m’a bien plus séduite dans Afternoon of a Faun, ballet s’inspirant de L’Après-midi d’un Faune. Ici, le danseur est face à son miroir, tout absorbé par son narcissisme. Quand une Nymphe – une danseuse – vient interrompre sa rêverie. Mais tous deux sont plus arrêtés sur leur reflet dans le miroir du studio que sur leur partenaire. Hugo Marchand a la plastique du rôle, la sensualité, mais aussi cette richesse intérieure qui fait que rien n’est là au hasard. Avec Amandine Albisson, ballerine rêveuse un peu ailleurs, ils ont formé un joli duo pour ce ballet où la sensualité n’est pas oubliée. À côté, Mathias Heymann et Myrial Ould-Braham étaient un peu trop sages. Lui parait un peu trop gentil, pas assez sûr de son pouvoir de séduction pour être un Faune de rêve. Mais la complicité avec sa partenaire fait le reste. Plutôt que deux inconnus, il y avait l’impression de voir deux ex se retrouver par hasard dans une salle de danse, se demander si leur complicité physique était toujours là, avant de repartir chacun de son côté, l’histoire étant bien terminée. Cela a aussi son charme. Même si sur le fond, j’ai trouvé que Myriam Ould-Braham formait un couple bien plus savoureux avec Audric Bzard. Lui très mâle à la plastique parfaite et sachant jouer l’égocentrisme, elle très féminine, ils ont formé un duo brûlant, jouant justement sur leurs contrastes. Peut-être ce à quoi l’on s’attend le plus pour ce ballet. Germain Louvet et Léonore Baulac (que nous n’avons pas vu) ont formé le quatrième couple des distributions.
Enfin Glass pieces a fait un retour heureux. Ludmila Pagliero a été hypnotique pour la première, très bien accompagnée par Stéphane Bullion à qui ce répertoire va bien. Ils ont montré beaucoup d’intensité pour un duo qui tient sur les regards, l’intensité, sans effet whaou. Très bon partenaire, Stéphane Bullion a aussi formé un beau couple avec Laura Hecquet, solaire dans ce ballet. Sae Eun Park et Florian Magnenet s’y sont montrés plus réservés. L’autre star de Glass pieces reste cependant le corps de ballet. Visiblement heureux de danser ensemble et de danser cette oeuvre, il a brillé, porté par des couples de Sujets eux-aussi ravis de retrouver le devant de la scène.