Bilan 2018 de la Danse – Le Top 5 de la rédaction
Alors que 2019 vient de commencer, petit retour en arrière sur l’année danse 2018, avec le Top 5 des représentations marquantes des membres de la rédaction de DALP.
Le Top 5 d’Amélie Bertrand
1 – L’hommage à Jerome Robbins des Étés de la danse avec le NYCB et le Joffrey Ballet
2 – Mitten wir im Leben sind d’Anne Teresa de Keersmaeker par la compagnie Rosas
3 – Soirée Forsythe/Maliphant/Millepied par le Ballet de l’Opéra de Lyon
4 – La fille mal gardée de Frederick Ashton avec François Alu et Alice Renavand / La Dame aux camélias de John Neumeier avec Eleonora Abbagnato et Stéphane Bullion.
5 – La Mégère apprivoisée de Jean-Christophe Maillot par les Ballets de Monte-Carlo
Il y a des anniversaires qui ne se manquent pas. Et les Étés de la Danse n’ont pas raté l’hommage à Jerome Robbins, marquant le centenaire de naissance du chorégraphe. Oui, la Seine musicale n’est certainement pas le lieu le plus adapté à la danse. Mais la formidable qualité du premier programme l’a emporté sur le reste. Malgré des tempêtes en interne, le NYCB a montré toute son excellence et sa formidable génération de Principals avec Dances at a Gathering et A Suite of Dances, deux véritables bijoux. Le Joffrey Ballet n’a pas été en reste avec le formidablement moderne Glass Pieces et le très agréable Interplay. Une soirée Majuscule.
Autre beau souvenir d’été, la création Mitten wir im Leben sind d’Anne Teresa de Keersmaeker : deux heures de danse sur le fil mêlé à la musique de Bach, pour un résultat aussi complexe que lumineux. Une oeuvre qui reste longtemps en tête. Pas de création pour la soirée Forsythe/Maliphant/Millepied du Ballet de l’Opéra de Lyon, mais une qualité artistique et des interprètes de très haut niveau (là encore malgré des tempêtes internes) qui ont fait de ce programme l’un de mes meilleurs souvenirs Danse contemporaine de l’année.
Pour l’Opéra de Paris, place à deux soirées très différentes. D’abord La Fille mal gardée de Frederick Ashton avec François Alu et Alice Renavand. Un couple qui dépote et une belle distribution dans son ensemble qui n’attendait qu’une nomination finale, mais c’est un peu le leitmotiv 2018 de l’Opéra de Paris. Ensuite La Dame aux camélias de John Neumeier avec une distribution très harmonieuse et sur la même longueur d’onde, entre Eleonora Abbagnato (Marguerite), Stéphane Bullion (Armand), Sae Eun Park (Manon), Muriel Zuysperreguy (Prudence), Paul Marque (Gaston) et la révélation Bianca Scudamore (Olympia). Un bon mélange d’artistes expérimentés et de jeunes talents pour rendre toute la puissance d’une oeuvre qui peut sinon s’avérer longuette. Enfin pour terminer, le spectacle qui avait démarré : le tube La Mégère apprivoisée de Jean-Christophe Maillot repris pour la première fois par ses Ballets de Monte-Carlo. Un feel-good ballet plein de trouvailles et de surprises dont on ne se lasse pas.
Le Top 5 de Claudine Colozzi
1 – Xenos d’Akram Khan
2 – Franchir la nuit de Rachid Ouramdane
3 – Furia de Lia Rodrigues
4 – Parallèles de Raphaël Cottin et Jean Guizerix
5 – Penelope de Lisbeth Gruwez
5 bis – Girl de Lukas Dhont
Se poser un instant, arrêter la course du quotidien et laisser défiler les images d’une année de danse au fil des mois, des lieux, des festivals…
Revoir le solo crépusculaire d’un danseur en pleine de possession de ses capacités artistiques. Vibrant hommage aux soldats de la Première Guerre Mondiale, Xenos sera la dernière pièce d’Akram Khan en tant qu’interprète. On a encore un peu de temps avant de se faire à cette idée et on se réjouit déjà de le retrouver à La Villette durant la saison 2019-2020. Se remémorer le choc de la découverte de Franchir la nuit à la Biennale de danse de Lyon, pièce-écho aux turpitudes de notre monde contemporain associant danseurs professionnels, enfants dont des jeunes migrants. Se retrouver emportée dans le tourbillon échevelé de la Furia de Lia Rodrigues. Sa reprise du May B de Maguy Marin était déjà un sacré coup de poing dans les tripes. Cette chorégraphe brésilienne a assurément le don de capter la fébrilité d’une époque.
Fermer les yeux, puis retrouver son calme grâce à l’harmonie des Parallèles, initié par le chorégraphe Raphaël Cottin avec le danseur aujourd’hui septuagénaire Jean Guizerix. Se dire que cette pièce mériterait une programmation plus conséquente par les valeurs qu’elle véhicule. La danse, une affaire de compagnonnage ? Assurément quelles que soient les époques. Se laisser bercer par la circonvolution ad libitum du Penelope de Lisbeth Gruwez et laisser émerger toutes les figures féminines se succéder dans ce solo hypnotique et envoûtant.
Ne pas refermer cette année 2018 sans se revoir sortant de la projection de Girl au Reflet Médicis, quelques jours après le Festival de Cannes, totalement bouleversée. Par l’histoire de Lara, jeune ballerine, née dans un corps de garçon, déterminée à changer de sexe. La danse vue comme seule échappatoire possible dans la reconquête de soi-même. Inoubliable.
Le Top 5 de Jean-Frédéric Saumont
1 – Grito Pelao de Rocío Molina et Silvia Perez
2 – Romances Inciertos, un autre Orlando de François Chaignaud et Nino Laisné
3 – Canine Jaunâtre de Marlène Monteiro Freitas par la Batsheva Dance Company
5 – La Bayadère d’Alexeï Ratmansky par le Staatsballet Berlin
Cette numérotation ne vaut pas hiérarchie. Comment pourrait-on classer des spectacles qui tous ont suscité de beaux moments d’enthousiasme ? Le plus dur fut de choisir et d’éliminer des chorégraphes qui nous ont enchanté tout au long de l’année, ceux qui laissent une empreinte quand tant de spectacles sont si vite oubliés. Même si, ce qui ressort de cette année au moment des bilans, reste l’absence douloureuse de la danse classique à l’Opéra de Paris qui nous a refusé un ballet de Marius Petipa pour le bicentenaire de sa naissance.
On aurait pu aussi inclure dans cette liste Ohad Naharin fêté à Paris avec sa compagnie. Jean-Paul Montanari, le directeur de Montpellier danses nous a fait découvrir le travail de Marlène Monteiro Freitas avec la compagnie israélienne. Canine Jaunâtre est une spectacle déjantissime, une pièce hallucinée et totalement synchrone avec les artistes de la Batsheva. C’est encore à Montpellier Danses qu’il fallu dire au revoir à Akram Khan pour son ultime prestation sur scène. Xenos est une pièce de commande à l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Akram Khan s’est emparé de ce thème pour dire le douloureux destin des soldats oubliés de l’Empire Britannique. Sa performance technique fut majuscule, son kathak inégalé, un moment de pure beauté, un peu triste malgré tout de le voir partir.
Du flamenco, il y en eut cette saison et de belle facture mais Rocio Molina a tout percuté avec Grito Pelao, défi insensé d’un spectacle où la danseuse espagnole vit sa grossesse sur scène avec un dernier tour de piste à Chaillot alors qu’elle était enceinte de 7 mois! Aucun exhibitionnisme et encore moins de pathos. Avec une sincérité sans failles, Rocío Molina accompagnée de la chanteuse Silvia Perez Cruz et de sa mère Lola Cruz, nous dit tout de ses interrogations, de ses doutes sur son désir de maternité, elle qui depuis sa naissance ne vit que pour la danse. Ce fut un miracle tout aussi intense que la danse de François Chaignaud dans Romances Inciertos. Le danseur et chorégraphe français semble se livrer corps et âme sur scène, chantant et dansant dans un tourbillon transformiste éblouissant et parfois douloureux. Ce fut cette année la plus grande ovation au Théâtre de Chaillot.
Et puisque ll faut voyager pour voir de la danse classique, il était difficile de résister à La Bayadère reconstruite pour le Ballet de Berlin par Alexeï Ratmansky. Le chorégraphe russo-américain poursuit ce qui est presque une mission artistique : revenir aux source de l’art de Marius Petipa, non pas de manière muséale mais pour éliminer les scories accumulées depuis un siècle et qui ont enfoui le savoir-faire du maître du ballet académique. Avec les précieuses notations Stepanov, Alexeï Ratmansky se place dans le sillage du regretté Sergei Vikharev. Il avait le premier reconstitué La Bayadère d’origine avec ses quatre actes pour le Mariinsky qui l’a hélas mise au rebut. Un spectacle superbe qui console de la misère parisienne…