Les adieux à la scène de Karl Paquette – Émotion et humilité
Karl Paquette, Danseur Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris, a fait ses adieux à la scène et à la compagnie le 31 décembre 2018, à l’issue d’une représentation de Cendrillon de Rudolf Noureev, où il dansait l’Acteur-Vedette. Des adieux à son image : simples, émouvants, humbles aussi, entouré de sa famille et de ses partenaires de scène, qui ont été nombreuses à être présentes.
Il y a des ambiances qui ne trompent pas. Les soirées du 31 décembre à l’Opéra de Paris sont souvent pour les touristes et néophytes voulant un beau spectacle pour la nouvelle année. Mais pour ce Réveillon 2018, dans le hall de l’Opéra Bastille, les habitué.e.s ont fait exception et ont été nombreux et nombreuses à se déplacer. Ce soir, Karl Paquette fait ses adieux à la scène, et beaucoup n’auraient manqué ça pour rien au monde. Karl Paquette n’est pas le plus grand Danseur Étoile de sa génération, ni le plus virtuose. Mais il a tissé au fil des années un lien très particulier avec le public. D’abord dans sa capacité à remplacer au pied levé et à sauver de nombreuses représentations. Puis par son humilité face à son titre, sa générosité en scène, sa façon de s’impliquer toujours dans tous ces rôles, même les secondaires, son talent pour mettre en valeur ses partenaires et l’ensemble des artistes sur scène. Karl Paquette, c’est le Danseur Étoile simple, qui est là d’abord pour la danse et pour le ballet plutôt que pour lui, qui a continué à danser les grands rôles classiques jusqu’au bout quand pas mal de ses collègues ont laissé tomber à 35 ans. Karl Paquette, c’est aussi la fin d’une génération, celle qui ne remettait pas en cause l’institution ou le Concours de promotion, qui ne se posait pas la question de la santé, celle qui avait aussi un attachement profond au répertoire, marquée par la grande génération Noureev que le danseur a vu évoluer pendant ses années d’École de Danse.
C’est un peu tout ça que le public est venu saluer une dernière fois en ce 31 décembre. L’ambiance se révèle tout de suite joyeuse, avec des applaudissements nourris dès l’apparition en scène du héros de la soirée. Deux de ses partenaires de prédilection, Ludmila Pagliero et Dorothée Gilbert, sont sur le plateau dans les rôles des deux soeurs et sont proprement déchaînées. L’ensemble des artistes de la soirée a de toute façon à coeur de bien faire pour entourer une dernière fois un Danseur Étoile très apprécié aussi de ses collègues. Cendrillon retrouve sa chaussure, Karl Paquette danse son dernier pas de deux, à son image, faisant voler sa partenaire Valentine Colasante.
Puis vient le rituel des adieux : les longs applaudissements sous une pluie d’étoiles dorées qui n’en finissent plus de tomber des cintres. Visiblement pris par l’émotion, Karl Paquette salue avec générosité un public debout, serrant contre lui ses deux enfants, entouré de tous les artistes de la soirée l’applaudissant. Ses grandes partenaires qui ont marqué sa carrière montent sur scène pour le prendre dans leurs bras. Ludmila Pagliero en larmes, Dorothée Gilbert très émue aussi, puis Élisabeth Maurin, Delphine Moussin, Agnès Letestu, Amandine Albisson, Eleonora Abbagnato, Alice Renavand, Laetitia Pujol, Isabelle Ciaravola bien sûr… Ces Étoiles d’hier et d’aujourd’hui, qui ont dansé avec Karl Paquette pendant 25 ans et qui ont voulu être présentes une dernière fois. Les Étoiles masculines sont plus rares : seuls José Martinez, le mentor de Karl Paquette durant ses premières années de danseur, et Jean-Guillaume Bart montent sur le plateau. Même si certains étaient dans la salle, la jeune génération est absente sur scène. La date du 31 décembre n’aide pas, mais c’est aussi le signe d’une page qui se tourne. Karl Paquette fait aussi venir sur scène Claude de Vulpian, Attilio Labis ou sa directrice pendant de longues années Brigitte Lefèvre qui est évidemment présente.
Le public est joyeux et bruyant, saluant un danseur qu’il a toujours beaucoup aimé. Et la petite vingtaine de minutes de rappels et saluts auraient pu durer plus longtemps si, Réveillon oblige, pas mal de monde était pressé de partir. À peine le rideau baissé, un pot s’organise sur la scène. Aurélie Dupont, la Directrice de la Danse, fait un petit discours avant de laisser la parole à Karl Paquette. Qui adresse à ses ami.e.s, proches, familles et collègues présents des mots à son image : émouvants et profondément sincères. L’Étoile remercie entre autres ses différentes professeurs et partenaires, salue la gorge serrée José Martinez, « Je n’aurais jamais été Étoile sans toi« , le personnel de l’Opéra de Paris et sa compagne, à qui il fait une belle déclaration.
Le lendemain, Karl Paquette est officiellement retraité et Cendrillon continue ses représentations sur la scène de l’Opéra Bastille. Pendant le spectacle, une étoile dorée oubliée de la veille tombe des cintres. C’est François Alu qui est sur scène. Le danseur est superbe, tout comme l’ensemble de la distribution, et le public aussi joyeux et bruyant que la veille. Une nomination au lendemain d’adieux aurait été un beau signe qu’aurait sûrement apprécié Karl Paquette, toujours soucieux de l’importance de la transmission dans son art. Mais la direction de la danse était visiblement partie en vacances.
Léa
Une très belle soirée et des adieux émouvants. Mais c’est vrai qu’il a manqué, en tout cas sur scène, les autres danseurs, occupés au Gala … ou ailleurs. Karl Paquette c’est aussi de beaux souvenirs de duos avec Mathieu Ganio, Stéphane Bullion, Mathias Heyman,… On aurait aimé aussi partager cela avec eux. Hugo Marchand était là plus tard, mais dommage de ne pas l’avoir vu sur scène.
Cette date a écourté injustement les applaudissements, Arte n’a même pas daigné diffuser tous les saluts, bref encore une fois le bon soldat Paquette a été utilisé par la grande maison, jusqu’au bout, même si la soirée filmée était une dernière occasion de le mettre en valeur.
Je reste marquée par ma voisine qui a l’issue du spectacle, qu’elle découvrait, répétait : « mais c’est étonnant, c’est sa soirée et il danse un ballet où il danse pour les autres ». Et c’est vrai que c’est à son image.
Il me manque déjà, en tout cas.
GASSION
En poursuite sur cendrillon depuis le début, j ai pu voir évoluer Karl et il m a transporté…..
Lola
Un article très intéressant .
Marie
Karl Paquette, c’est aussi, en scène : la lumière, le charisme, une présence scénique incroyable, la classe, l’élégance, la force et l’assurance en toute simplicité, une technique ultra-fiable et un acteur-vedette dans tous ses rôles par son sens dramatique. C’est pour cela que ce dernier rôle lui allait si bien.