GöteborgsOperans Danskompani – Skid de Damien Jalet
La GöteborgsOperans Danskompani est en tournée mondiale avec Skid de Damien Jalet et s’est arrêtée à Paris sur la scène du Théâtre de Chaillot. Le chorégraphe franco-belge a imaginé un dispositif inédit : un plan incliné à 34° comme un vaste toboggan sur lequel évoluent durant 45 minutes 17 danseurs et danseurs de la compagnie suédoise. Un défi permanent à la gravité lancé par Damien Jamet à cette troupe d’exception pour un spectacle d’une beauté sidérale qui offre une métaphore miniature de l’humanité. Du grand art !
Damien Jalet est fasciné par la gravité tout comme il l’est pas la nature. Avec le rite japonais Onbashira, il a trouvé une source d’inspiration féconde. Tous les six ans près du Lac Suwa, des hommes grimpent sur des troncs d’arbre pour les faire dévaler la montagne. Une mise en danger qui peut être mortelle mais que le chorégraphe a transcendé dans son travail. Ce fut tout d’abord Thr(o)ugh qu’il créât pour le Hessisches Staatsballett en 2016. Damien Jalet avait centré cette première pièce sur un cylindre de six mètres qui figurait un tronc d’arbre. Pour Skid créé l’année suivante, il questionne davantage encore cette question de la gravité et de la manière dont elle interfère avec la danse, avec à la clé dune question fondamentale : qu’est ce qui crée le mouvement ? La danse ou la gravité ?
Le propos ainsi énoncé pourrait paraître trop cérébral. Mais Skid est tout sauf un spectacle désincarné. C’est au contraire une pièce débordante de vie. Elle débute avec lenteur alors qu’apparaît au sommet du plan incliné des jambes, puis le corps et la tête. Un autre corps, un autre danseur et une première glissade où les corps s’engloutissent dans un tréfonds noir que l’on ne voit pas. Cette séquence se répète ad libitum avec de multiples variations à chaque retour en haut du vaste toboggan. Les 17 danseuses et danseurs, tous habillés de manière identique, apprivoisent la gravité, se redresser, bouger seul où à plusieurs. Immanquablement, ces tentatives n’empêcheront pas la chute fatale.
Mais c’est de l’humanité qu’il s’agit ici et de sa propension à dompter les obstacles. Dans une deuxième partie, les danseuses et les danseurs surgissent du trou noir pour escalader le plan incliné. Ils sont alors vêtus de noir et semblent s’être mutés en guerriers. La danse devient fascinante : ils se déplacent en groupe, synchrones, en rythme, capables désormais de vaincre la peur de la chute. Se dessinent alors toutes sortes de figures chorégraphiques où chacun et chacune se doit d’être solidaire pour survivre. La dernière partie est comme une métaphore de la naissance où un danseur emprisonné dans une camisole, réussit à la briser, à en sortir, se redresser et grimper jusqu’au sommet, point d’orgue superbe de Skid.
Les artistes de la GöteborgsOperans Danskompani se sont prêtés avec générosité à ce ballet de l’extrême. « J’ai conçu cette pièce pour cette compagnie parce qu’elle est très organique« , explique Damien Jalet. Ils et elles ont un talent fou et cette compagnie suédoise, que l’on avait vue l’an dernier dans ce même Théâtre de Chaillot, fait partie des troupes d’excellence de danse contemporaine en Europe – la Suède, on le sait, regorge de talents et pas seulement à Stockholm. Skid est un pièce majeure où Damien Jalet a construit comme une métaphore de l’humanité, de la naissance à la mort mais à rebours. Il invente une danse qui parle de métaphysique avec une sensualité de tous les instants, compactant toutes nos émotions.
Skid de Damien Jalet par la GöteborgsOperans Danskompani au Théâtre de Chaillot. Avec Aimilios Aropoglou, Takuya Fujisawa, Emilia Gisladottir, Sabine Groenendijk, Joseba Yerro Izaguirre, Valarija Kuzmica, Emelie Leriche, Pascal Marty, Michael Munoz, Waldean Nelson, Einar Nikkerud, Dorotea Saykaly, Duncan C Schultz, Endre Schumicky, Frida Dam Seidel, Satoko Takahashi et Lee-Yuan Tu. Jeudi 31 janvier 2019. À voir en tournée européenne.