Prix de Lausanne 2019 – La finale
La finale du 47e Prix de Lausanne a eu lieu ce samedi 9 février. 21 candidats et candidates ont été chois.e.s par le jury après une épreuve des sélections.
Lauréate du Prix de Lausanne 2019 (Fondation Caris Jeune espoir), Prix du public, Prix d’interprétation contemporaine (Minerva Kunstsiftung) : Mackenzie Brown, 16 ans – États-Unis – Académie Princesse Grace
Un talent fou, un charisme évident et une technique travaillée dans la finesse aussi bien en classique qu’en contemporain : aucun doute que Mackenzie Brown faisait partie des noms à retenir de cette édition 2019. De là à la voir remporter la première place ? Elle n’a pas forcément, à mes yeux, outrageusement dominé cette finale. Mais le jury juge sur toute la semaine. C’est en tout cas une belle récompense pour son école l’Académie Princesse Grace, décidément la meilleure école de danse d’Europe en ce moment, après la médaille d’or de Shale Wagman l’année dernière et la deuxième place de Marina Fernandes da Costa Duarte en 2017. « Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un jeune aujourd’hui, c’est de savoir l’écouter. Savoir lui parler, mais surtout de savoir l’écouter« , nous expliquait le directeur de cette institution Luca Masala la saison dernière. Une des raisons du succès ? Cette école a en tout un temps d’avance sur la réflexion pédagogique aujourd’hui.
Deuxième bourse (Oak Fondation) : Gabriel Figueredo, 18 ans – Brésil – John Cranko School Germany
Beaucoup lui prédisait la première place. Gabriel Figueredo n’aura finalement pas à rougir de la deuxième, avec une belle semaine de travail et un parcours très équilibré lors de cette finale (même si ses hyper-extensions ne sont pas vraiment de mon goût). Un danseur d’une grande classe, charismatique, à l’aise en classique comme en contemporain. Prêt pour la vie professionnelle et une belle carrière.
Troisième bourse (Emilie Chouriet) et Prix de la meilleure Suisse : Sumina Sasaki, 18 ans – Japon – Tanz Akademie Zürich
Une de mes candidates préférées tout au long de cette semaine. Oui, elle fait un peu bête à concours, et la variation d’Esmeralda n’aide pas. Mais que de maturité dans sa danse ! Sa variation contemporaine était aussi très bien menée. Il manque peut-être cette personnalité forte ou originale qui la distingue vraiment. Une évolution à suivre.
Quatrième bourse (Beau-Rivage Palace) : Yu Wakizuka, 17 ans – Japon – Hungarian Dance Academy
Disons-le : Yu Wakizuka était mon favori pour la première place. Voilà justement un candidat à la forte personnalité. Sa variation classique est on ne peut plus académique (le Grand pas classique) et extrêmement bien menée dans la technique. Yu Wakizuka y rajoute comme un soupçon d’humour, un petit twist dans le regard qui fait toute la différence. Idem dans sa variation contemporaine où il étonne. Un grand danseur et une personnalité marquante en scène, qui est de plus monté d’un cran entre les sélections et la finale.
Cinquième bourse (Fondation Albert Amon) : Shuailun Wu, 17 ans – Chine – The Secondary Dance School of Beijing Dance Academy
Un candidat à la technique et à la danse très propre, mais dont il manquait à mes yeux une personnalité bien lisible. Tout était encore assez scolaire. Il se démarquait finalement plus de ce point de vue dans la variation contemporaine, bien menée avec intelligence.
Sixième bourse (Bourse Jeune espoir) : João Da Silva, 15 ans – Brésil – Ballet Vórtice
L’un des coups de coeur de cette édition 2019 ! Comparé aux autres finalistes, sa danse faisait vraiment inachevée. Ce qui est normal, il n’a que trois ans de danse classique derrière lui. Mais le potentiel est là, même s’il a semblé accuser la fatigue et la pression lors de la finale, plus renfermé que lors des sélections. Un talent encore tout jeune qui devrait être courtisé par plusieurs écoles.
Septième bourse (Fondation Coromandel) : Alexandre Joaquim, 18 ans – Portugal – Centre International de Danse Rosella Hightower
Belle récompense pour l’élève portugais du Centre International de Danse Rosella Hightower, qui ne s’était plus fait remarquer au Prix de Lausanne depuis quelques temps. Sa danse classique est un peu moins aboutie que les autres, un peu plus brouillonne (il se sent plus à l’aise dans le néo-classique), mais sa fougue et son tempérament séduisent et font qu’il se remarque. C’est à lui personnellement que j’aurais attribué le prix de l’interprétation contemporaine, il avait une grande maturité dans sa façon d’aborder le mouvement.
Huitième bourse (Harlequin Floors) : Mio Sumiyama, 18 ans – Japon – Tanz Akademie Zürich
Mio Sumiyama a été un petit peu lisse dans sa variation contemporains, mais sa Gamzatti était d’une grande classe ! Cela aurait pu lui valoir une meilleure place à mes yeux. La danse académique dans toute sa splendeur, cela faisait plaisir à voir.
Prix du meilleur Jeune talent (Fondation Noureev) : Julia Shugart, 16 ans – États-Unis – All American Classical Ballet School
La plue jeune candidate de la finale était forcément un peu scolaire, mais sa danse était bien menée, avec une grâce et un style plutôt séduisants.
Prix du public web : Jihyun Choi, 16 ans – Corée du Sud – Seoul Arts High School
Même réflexion : une danse très propre, très jolie, mais encore un peu scolaire. Une récompense qui ne tombait pas forcément sous le sens, sans être vraiment immérité non plus.
La finale en quelques mots
Ils avaient brillé lors des sélections mais ont eu plus de mal à s’imposer en finale : les garçons A ont un peu accusé le coup de la jeunesse. Et l’on voyait la différence avec les B, les 17-18 ans, qui de façon générale ont mieux dansé lors de cette finale que la veille. L’ensemble de cette finale a néanmoins été très agréable à suivre dans les variations classiques, avec de jeunes danseurs et danseuses déjà accompli.e.s, visiblement heureux et heureuses de danser, et qui pour beaucoup savaient montrer leur personnalité. Les variations contemporaines sont par contres apparues de nouveau bien longues, presque un pensum. À réfléchir d’ici l’année prochaine.
Les résultats peuvent toujours paraître surprenants, le jury votant sur l’ensemble de la semaine. Comme dit plus haut, à mes yeux, le grand favori restait Yu Wakizuka. Le classement n’est cependant pas absolument incompréhensible. Parmi les oubliés qui auraient pu avoir une bourse, sans que leur absence soit scandaleuse, je pense uniquement au jeune Shunhei Fuchiyama (207) à la danse très agréable. Très remarquée pendant les sélections, Beatriz Kuperus a semblé plus fatiguée et a eu moins de brillant en scène.
L’intermède aurait gagné à avoir un grand pas de deux du répertoire, les esthétiques étaient un peu trop déséquilibrées, notamment pour un Prix qui met avant tout en avant les talents classiques. La danse académique a été représentée avec panache par la merveilleuse Hannah O’Neill et la Claque de Raymonda, une danseuse qui nous manque en scène ! Albert Nikolli et Leoannis Pupo-Guillen du Ballet de l’Opéra de Lyon ont proposé le très beau Critical Mass de Russell Maliphant. Un duo qu’ils ont l’habitude de danser, mais qui semblait un petit peu incongru dans sa certaine austérité pour un intermède de finale. Le Projet chorégraphique se révèle par contre une nouvelle fois une bonne idée. Pendant une bonne semaine, une trentaine d’élèves d’écoles partenaires se sont retrouvés pour monter une chorégraphie, créée cette année par Didy Veldman. Un travail porté par l’enthousiasme de la jeunesse, bien mené dans l’énergie du groupe, qui pour le coup collait parfaitement à l’ambiance de la finale.
Avant les résultats, Marcia Haydée a enfin reçu un prix pour l’ensemble de sa carrière. Dans un discours très émouvant et sincère, elle a remercié les grands chorégraphes qui ont fait la danseuse qu’elle a été : Maurice Béjart, John Neumeier, Kenneth MacMillan et John Cranko. Et a conclu par un joyeux « Chaque matin, quand je pose le pied hors de mon lit, je me dis : ‘Marcia, le meilleur est à venir !’« .
Pascale M.
Merci pour ce beau compte-rendu. Je n’ai pas pu tout voir, je vais regarder le replay !
W Reymond
C’est merveilleux de voir les cours entiers donnés par Elisabeth Platel, et aussi de voir le travail de Monique Loudières (répétitrice).
Aventure
Comme chaque année j’ai pris un plaisir fou à voir les live du Prix et tous ces jeunes danseurs (ah les coachings de Monique Loudières… Un bonheur !).
Un grand bravo à tous les candidats, finalistes et lauréats ! J’ai beaucoup apprécié Mackenzie Brown et suis heureuse de son premier prix, je l’ai trouvée excellente tant en classique qu’en contemporain (c’est la seule qui m’a vraiment fait m’intéresser à la variation Abstract, un très beau moment). Gabriel Figueredo se remarque beaucoup aussi, même s’il me touche moins. Mon petit coup de coeur personnel va à Beatriz Kuperuz, une jolie présence et prestance en scène (et de loin ma Gamzatti préférée, bien que j’aie trouvé la variation de la Coréenne moins lisse que la Japonaise (et quel beau tutu !)). J’ai bien aimé la jolie personnalité de Yu Wakizuka, et les très belles variations de la Coréenne Jihyun Choi. Les deux Belges, s’ils ne sont pas parfaits, ont éveillé mon intérêt également. J’ai trouvé globalement que les garçons étaient un peu brouillons dans cette finale surtout en classique, les filles bien moins nombreuses étaient bien plus classes (par contre Esmeralda, on aurait pu s’en passer…) et abouties. Par contre, cela fait du bien de ne pas avoir eu Solo for Diego cette année !! Très belle variation au demeurant, mais quand même… Je me demandais d’ailleurs si, notamment en classique, les variations changeaient selon les années (on ne voit plus par exemple la variation de la 1ère ombre (je crois), ou celle de Lise…) ? Bref, j’ai déjà hâte de la prochaine édition !!