[Sortie ciné] Noureev de Ralph Fiennes
C’est peu dire que ce biopic sur l’un des plus grands danseurs du XXe siècle était attendu ! Sous le sobre titre de Noureev, le film de Ralph Fiennes, intitulé The White Crow (Le corbeau blanc) dans sa version originale, sort enfin sur les écrans français. Centré sur la fameuse année 1961 où le destin de Rudolf Noureev a basculé, ce long-métrage de facture élégante extrêmement bien documenté séduira bien au-delà du cercle des balletomanes averti.e.s. Il pose tout de même une question essentielle : comment faire revivre cinématographiquement une personnalité aussi complexe que celle de Noureev ?
En 1961, le public parisien découvre un jeune danseur de 22 ans à l’occasion d’une tournée du Kirov. Sa présence magnétique, ses prouesses techniques, son expressivité emportent tous les suffrages. Mais son comportement indépendant énerve les autorités soviétiques qui envisagent de le renvoyer à Moscou. Craignant pour sa liberté, il décide de demander asile à l’Occident et joue son destin en cinq minutes dans un aéroport. Ce coup d’éclat fera la une de la presse mondiale et contribuera à asseoir la réputation de Rudolf Noureev.
On sait que Ralph Fiennes s’est beaucoup battu pour que ce film sur Rudolf Noureev voit le jour. Ayant lu la biographie fleuve écrite par Julie Kavanagh (éditée pour la première fois en France, chronique à suivre sur DALP), le comédien et réalisateur voulait raconter « la volonté de Noureev d’accomplir son destin et la cruauté des épreuves qu’il avait surmontées« . D’où le choix de situer son film en 1961, année du fameux « saut vers la liberté », avec des flashbacks sur l’enfance et les années d’apprentissage à Leningrad. C’est incontestablement une bonne idée d’avoir anglé sur cette charnière plus que d’avoir cherché à raconter de manière exhaustive toute la vie de cet artiste, façon La Môme, toujours une référence en matière de biopic.
Autre bonne idée, celle de passer aussi devant la caméra, en s’attribuant le rôle d’Alexandre Pouchkine, professeur exigeant de l’école Vaganova et mentor, qui a beaucoup compté dans le parcours de Rudolf Noureev. Les scènes (en russe) entre les deux hommes sont à ce titre plus que réussies, laissant sourdre une ambiguïté fort intéressante.
Mais surtout, que dire du choix d’Oleg Ivenko pour incarner le tsar de la danse ? Saluons d’abord le fait que Ralph Fiennes ait décidé de confier le rôle à un « vrai » danseur. La découverte de ce jeune interprète, Premier danseur au Théâtre tatar Moussa Djalil en Russie, est à la fois une chance pour le film et le reflet de ses limites. Même investi dans le rôle, et moins mauvais comédien qu’on aurait pu le redouter, il peine à incarner la fougue et l’irrévérence chevillée au corps de Rudolf Noureev. Malgré ses efforts louables, le pourpoint est trop grand pour lui.
Bien sûr, il n’est pas déplaisant d’entreprendre ce voyage. Mais les allers-retours entre les différentes époques, même si elles éclairent le personnage (étonnante scène où le jeune Rudi découvre la danse et le ballet – et un sens à sa vie – grâce à un billet de loterie gagné par sa mère) nous perdent un peu. La reconstitution du Paris des années 1960 est méticuleuse, mais un peu aseptisée. Et des personnages, comme celui de Pierre Lacotte, à peine esquissés. Il manque un soupçon de folie, de démesure pour que ce biopic soit vraiment à la hauteur de cet être fascinant qu’a été Rufolf Noureev.
Noureev de Ralph Fiennes avec Oleg Invenko, Adèle Exarchopoulos, Chulpan Khamatova, Ralph Fiennes, Alexey Morozov, Raphaël Personnaz, Olivier Rabourdin, Ravshana Kurkova, Louis Hofmann – 2h07 – Sortie en salles le 19 juin 2019.
Solvej Crevelier
Oui tout à fait d’accord, moi qui aie vu l’original à de multiples reprises, le problème d’Oleg Ivenko n’est ni la ressemblance ( pas mal) ni le jeu ( très correct, en tous cas mieux que la Clara Saint insupportable d’A Ex ) mais bien la DANSE, ( très bien ) MAIS… il ne danse pas du tout comme Noureev, et du coup, on a du mal à croire à la fascination que le » corbeau blanc » exerçait sur le public. Peut-être eut-il été préférable d’insérer le vrai Noureev dansant….
Amélie Bertrand
@ Solvej Crevelier : Une vraie problématique : comment danser comme un danseur unique en son genre ? Pas sûr que le grand public voient la différence, mais le public de danse, certainement. Merci pour votre avis !
Léa
Vu hier. Assez déçue par la réalisation. Lent, pas très approfondi, des flash back qui rendent le tout trop décousu…. évidemment on en apprend beaucoup, les acteurs sont bons, Oleg Ivenko est une belle découverte (en tout cas comme acteur), la musique fourmille de références aux ballets, mais … pas à la hauteur du personnage, ni d’ailleurs des autres personnages de l’histoire. Sans parler de scènes entières qui évoquent le téléfilm passé sur Arte cette année, à la limite du plagiat. Déception.
Amélie Bertrand
@ Léa : En espérant que le biopic sur Carlos Acosta vous séduise d’avantage 🙂