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[Sortie ciné] Yuli de Icíar Bollaín

L’été est riche en biopics sur la danse. Après le Noureev de Ralph Fiennes, voici Yuli qui retrace le destin unique de Carlos Acosta, né dans un quartier modeste de Cuba, devenu « Principal guest artist » du Royal Ballet de Londres. Bien plus qu’une simple adaptation de son autobiographie No Way Home sortie en 2007 (inédite en France), ce film touche par la sincérité et la grâce qu’il diffuse. Les séquences dansées, interprétées par Carlos Acosta lui-même et les danseur.euse.s de sa compagnie cubaine Acosta Danza, sont filmées avec beaucoup de vivacité par la réalisatrice Icíar Bollaín et contribuent à faire de Yuli un vrai film de danse.

Ne croyez pas ceux et celles qui résumeraient attentivement Yuli en « Billy Eliott cubain » ! Parce qu’à la différence de bon nombre d’histoires de jeunes danseurs, celle de Carlos Acosta débute par un désintérêt total pour l’art chorégraphique ! En dépit d’un talent avéré, le gamin des quartiers populaires de la Havane, surnommé Yuli par son père, se rêve plus en footballeur qu’en « pédé en collant« . Poussé par la détermination, pour ne pas dire l’intransigeance, paternelle, il va pourtant suivre les cours de l’École nationale de Ballet de Cuba. Pour Pedro Acosta, au-delà du fait que sa scolarité sera entièrement prise en charge, la danse sera l’échappatoire qui va permettre à son fils de se sortir de sa condition modeste. Une intuition couronnée de succès puisque Carlos Acosta deviendra le premier danseur noir à incarner les grands rôles du répertoire comme Roméo, au sein du Ballet de Houston, puis du Royal Ballet de Londres.

Ce qui rend ce long métrage original, singulier et enthousiasmant, c’est qu’il ne raconte pas de façon linéaire comment Yuli est devenu ce grand danseur. Le scénario écrit par Paul Laverty (scénariste de Ken Loach) juxtapose des extraits biographiques dansés à travers un ballet, mis en scène par Carlos Acosta lui-même, et des flashbacks sur son enfance, ses années d’apprentissage et les éléments marquants de sa carrière. La présence de scènes documentaires, notamment lorsqu’il remporte la médaille d’or au Prix de Lausanne en 1990, qui lui ouvre les portes de l’English National Ballet à 18 ans, ou un pas de deux de Roméo et Juliette, rajoute à l’émotion.

Le casting participe aussi de la réussite du film. Excellent choix que d’avoir fait jouer à Carlos Acosta son propre rôle aujourd’hui ou d’avoir confié ses débuts à l’English National Ballet à un danseur (Keyvin Martinez) qui incarne avec justesse sa fougue et ses indécisions. Sans parler de ce gamin qui évoque si bien le môme frondeur et rêveur qu’il devait être à 7-8 ans. Quant à Santiago Alfonso, lui-même danseur, directeur artistique, professeur et chorégraphe cubain, il est totalement crédible dans le rôle de ce père dur mais clairvoyant, à la fierté mutique et renfrognée.

L’intérêt de Yuli est de montrer que le parcours d’un artiste se construit souvent au prix de sacrifices personnels. Sans volonté larmoyante, il éclaire bien la solitude, le déracinement d’un jeune homme privé de sa famille, de ses amis, de sa langue. Briller en pleine lumière a un prix. Carlos Acosta l’a expérimenté. Comme il le dit, « revivre mon passé le jouer et le danser pour ce film a été un expérience intense, douloureuse e apaisante« . Le voir danser, surtout dans le long solo final où toute la maturité, toute l’expérience du danseur éclatent sur grand écran, illustre parfaitement cette citation.

Yuli parle aussi en filigrane de Cuba, de la situation économique, politique et sociale d’un pays en mutations successives. Le père de Carlos Acosta n’a eu de cesse que son fils « oublie Cuba« . Tout porte à croire que Carlos Acosta, qui vit entre Londres et La Havane, n’a pas fini de panser le traumatisme de son exil de son pays natal. En s’investissant sans doute toujours plus auprès de la jeunesse artistique cubaine et en donnant leur chance à d’autres petits Yuli.

 

Yuli de Icíar Bollaín avec Carlos Acosta, Santiago Alfonso, Keyvin Martinez, Edilson Manuel Olbera Nunez – 1h50 – Sortie en salles le 17 juillet 2019.




 

Comments (1)

  • Irina

    Parfaitement en accord avec votre critique de ce film magnifique..L’émotion affleure à chaque moment. Plus qu’un grand film « de danse », c’est le film sur le parcours d’un homme et danseur, complexe, parfois chaotique,souvent bouleversant et toujours fascinant.

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