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Ballet de l’Opéra de Lyon – Merce Cunningham et Alessandro Sciarroni

C’est le Ballet de l’Opéra de Lyon qui a refermé au 104 le beau portrait consacré à Merce Cunningham du Festival d’Automne, pour le centenaire de la naissance du chorégraphe. Dans ce dernier spectacle, la compagnie proposait un face-à-face entre Merce Cunningham et l’italien Alessandro Sciarroni. En ouverture, Winterbranch, créé en 1964 dans un décor et des costumes imaginés par Robert Rauschenberg, une pièce qui explore la chute et l’attraction dans un registre sombre, dissonant et anxiogène. En contrepoint, Alessandro Sciarroni traite  dans Turning_Motion Sickness Version  la figure du tour et de la ronde sur un mode hypnotique dans une chorégraphie merveilleusement maîtrisée et interprétée par le Ballet de l’Opéra de Lyon.

Winterbranch – Merce Cunningham – Ballet de Lyon.

Confronter un chorégraphe contemporain d’aujourd’hui à l’oeuvre de Merce Cunningham est toujours un pari dangereux, avec le risque de voir le maître de la danse abstraite américaine écraser la soirée de son génie. C’est aussi un défi difficile à relever : comment composer un spectacle qui soit cohérent esthétiquement ? Certaines tentatives se sont révélées vaines lors de ce portrait du Festival d’Automne mais la proposition du Ballet de l’Opéra de Lyon est tout à fait enthousiasmante. Qu’est ce qui rapproche Merce Cunningham et Alessandro Sciarroni ? On ne peut évidemment que se poser la question devant cette affiche, quitte à ne pas trouver de réponse mais seulement quelques pistes. Si rien ne relie formellement ces deux œuvres, elles ont en commun une forme de radicalité : explorer de nouveaux territoires, ne pas redouter l’expérimentation.

Winterbranch n’est pas la pièce la plus connue de Merce Cunningham, ni la plus facile d’accès. Composée pour trois danseuses et trois danseurs dans une scénographie minimaliste et uniformément sombre de Robert Rauschenberg, elle suscite d’emblée l’intérêt sans jamais se livrer tout à fait. Elle débute par l’entrée côté cour d’un danseur enfermé dans une camisole, rampant sur la scène. Métaphore initiale de l’emprisonnement, de la folie et du mouvement contraint. Les trois couples vêtus de noir avec des chaussures blanches, grimés de deux gros traits sous les yeux, ne cessent de tomber et de se relever. Du vocabulaire de Merce Cunningham subsistent ses arabesques qui se prolongent par une roulade et un porté sur le dos, figure répétée sans cesse. Winterbranch, à défaut de fasciner, intrigue. Il y a la large vitre ouverte en fond de scène qui laisse voir le monde extérieur, les passants, les voitures. Ou ce caddie de supermarché sur une planche à roulettes qui traverse le plateau en diagonale avec un gyrophare rouge. Ce dispositif singulier rapproche parfois Winterbranch de l’event cher à Merce Cunningham, ces performances d’un soir dans des lieux improbables. Il n’y a pas de musique mais du bruit dissonant imaginé par La Monte Young.

Turning_Motion Sickness Version – Alessandro Sciarroni – Ballet de Lyon

On avait quitté Alessandro Sciarroni l’an dernier non pas fâché mais fort désappointé par Augusto, exploration paroxystique du rire dont le propos paraissait in fine vain. La pièce qu’il a créée pour le Ballet de l’Opéra de Lyon en 2016 pour la Biennale de la Danse est d’une toute autre ampleur. Dans Turning_Motion Sickness Version, le chorégraphe italien met sur scène neuf danseurs, cinq garçons et quatre filles, toutes et tous immobiles avec en arrière plan un rideau en arc de cercle. Ils commencent  en silence et immobiles durant quelques minutes, nous laissant dans une attente fébrile de quelque chose à venir. Et cela vient très vite avec un premier danseur qui se met à tourner en rond, puis une deuxième, un troisième, et finalement toutes et tous entament cette ronde solitaire perpétuelle. Bras tendus où le long du corps ou tournant en spirale, Alessandro Scarrioni leur fait décliner cette figure ad libitum : plus large mais sans jamais se croiser ou en tournant sur eux-mêmes dans une danse de derviches tourneurs modernes sur la musique d’Alexandre Bouvier et Grégoire Simon Yes Soeur.

L’effet est saisissant et on est comme sous hypnose. Mais dans cette apparente harmonie, quelque chose pourtant altère la symétrie. Un danseur – un seul ! – tourne sur la gauche « comme la Terre » remarque espiègle Alessandro Sciarroni, quand tous les autres tournent à droite. On se tord la cervelle pour comprendre pourquoi quand la réponse nous est donnée dans la dernière séquence, lorsque toutes les danseuses et les danseurs se lancent dans une série de fouettés. L’unique danseur gaucher du groupe fouettera à gauche évidemment. Est-ce un simple hasard ou  une facétie du chorégraphe ? Allez savoir !

Turning_Motion sickness version – Alessandro Sciarroni – Ballet de Lyon

 

Soirée Cunningham/Sciarroni par le Ballet de l’Opéra de Lyon au 104, dans le cadre du portrait Merce Cunningham du Festival d’Automne. Winterbranch de Merce Cunningham, avec Jacqueline Bâby, Edi Blloshmi, Marco Merenda, Chiara Paperini, Raúl Serrano Núñez et Merel Van Heeswijk ; TURNING_Motion sickness version d’Alessandro Sciarroni, avec Jacquelin Bâby, Katrien De Bakker, Yan Leiva, Coralie Levieux, Ricardo Macedo, Marco Meenda, Albert Nikolli, Chaiara Paperini et Raúl Serrano Núñez. Mercredi 18 décembre 2019. 





 

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