MAGMA – Marie-Agnès Gillot et Andrés Marín
La retraite ? Très peu pour Marie-Agnès Gillot. Depuis son départ de l’Opéra de Paris en 2018, la danseuse a multiplié les projets, si possible là où on ne l’attendait pas. Même si ses fondamentaux ne sont jamais bien loin : c’est ainsi Brigitte Lefèvre, celle qui l’a nommée Étoile, qui est à l’origine de MAGMA, un duo avec le danseur de flamenco Andrés Marín orchestré par Christian Rizzo. Une affiche alléchante, mais les deux monstres sacrés ont toutefois du mal à se parler en scène. Reste la présence magnétique de deux artistes immenses.
MAGMA est né de l’initiale de ces deux artistes : Marie-Agnès Gillot et Andrés Marín. Une promesse d’une rencontre entre deux parcours et deux façons d’occuper la scène unique en leur genre. Elle a été une grande ballerine classique allant vers des contrée plus contemporaines, dansant Myrtha et Pina Bausch. Lui est un incroyable danseur de flamenco qui est parfois parti voir ailleurs, travailler avec Bartabas ou Kader Attou. Tous les deux ont donc en commun – outre leur formidable talent et charisme en scène – une rigueur, le respect de leurs maîtres et de leur école ancestrale, sachant que leur liberté d’artiste vient de là, tout en s’ouvrant vers d’autres horizons et façon de s’exprimer.
Pour faire émerger cette rencontre, Christian Rizzo a dressé un décor à la fois simple – un pan en courbe au centre du plateau – et complexe par sa façon de dessiner des ombres et lumières. C’est un peu le jeu du chat et de la souris, avec deux artistes qui se dévoilent dans leurs fondamentaux, puis partent dans un solo inattendu plus contemporain, se cachent derrière le mur en courbe et y réapparaissent transformés. Dans la pénombre, Didier Ambact et Bruno Chevillon proposent une musique percussive, qui fait le lien et réunit deux façons de danser.
Voilà beaucoup de choses sur le plateau et sur le papier qui laissent entrevoir une rencontre étonnante. Mais ces deux montres de la danse se toisent, se regardent, mais ne semblent jamais vraiment sur la même planète. La rencontre s’évite, se fait attendre et n’arrive pas, d’autant plus étonnant qu’ils mêlent leurs gestes et explorent l’espace de l’autre. Mais chacun déroule sa partition, fascinante au demeurant, mais sans que le dispositif scénique n’arrive vraiment à mettre en action un véritable face-à-face. Alors l’on se contente de ces moments de grâce que savent offrir ces deux grands artistes. Quel plaisir ainsi de revoir l’immense Marie-Agnès Gillot. Elle arrive sur scène en évoquant ses personnages, les longs bras du cygne, les poses de Giselle, les mains du Boléro, avant de partir dans un solo plus abrupt dessiné par Christian Rizzo. Andrés Marín fait de même, convoque ses maîtres d’une frappe du talon. Les fantômes sont ainsi nombreux sur ce plateau entre ombre et lumières, petites traces d’une vie d’interprète comme de l’histoire de la danse. Eux non plus ne se rencontrent pas vraiment.
Lorsque j’ai vu MAGMA en décembre, le spectacle venait tout juste d’être lancé et le processus de création en cours. MAGMA est un spectacle aux lignes mouvantes, en travail, en réflexion. Il sera intéressant de suivre son évolution au fil des représentations.
MAGMA de Marie-Agnès Gillot, Andrés Marín et Christian Rizzo à la Maison de la Danse. Avec Marie-Agnès Gillot et Andrés Marín (danse), Didier Ambact et Bruno Chevillon (musique, composée avec Vanessa Court). Jeudi 19 décembre 2020. À voir au Théâtre de Chaillot du 6 au 13 février.