C’est une immense danseuse qui est partie : Zizi Jeanmaire, danseuse, meneuse de revue, actrice, muse et épouse du chorégraphe Roland Petit, est décédée le vendredi 17 juillet à l’âge de 96 ans. Aussi à l’aise dans un ballet aux côtés de Rudolf Noureev que sur la scène de l’Alhambra pour sa célèbre revue Mon truc en plumes, créatrice des plus grands ballets de Roland Petit comme Carmen – où sa coupe à la garçonne reste emblématique du personnage – sa carrière fut aussi riche qu’éclectique et mondiale.

Zizi Jeanmaire dans Carmen de Roland Petit

Renée Marcelle Jeanmaire, plus connue sous son nom de scène Zizi Jeanmaire, est née le 29 avril 1924. En 1933, à l’âge de neuf ans, elle rentre à l’École de Danse de l’Opéra de Paris. L’un de ses camarades n’est autre que Roland Petit, chorégraphe emblématique du XXe siècle, qui deviendra son mari comme son alter ego artistique. En 1940, ils rentrent tous les deux dans le corps de ballet de l’Opéra de Paris, mais n’y restent ni l’un ni l’autre bien longtemps. Elle part en 1944 pour les Ballets de Monte-Carlo, avant finalement de rejoindre un an plus tard les Ballets des Champs-Élysées que vient de fonder Roland Petit. Après un nouvel aller-retour dans la compagnie monégasque, elle devient finalement Danseuse Étoile des Ballets de Paris, la nouvelle compagnie de Roland Petit qui s’est installée au Théâtre Marigny. Un an plus tard, en 1949, ils créent le ballet Carmen, emblématique du chorégraphe qui lance le renouveau du ballet narratif en France. Emblématique aussi de son interprète : Zizi Jeanmaire reste pour l’histoire de la danse la Carmen, avec sa coupe à la garçonne que reprennent quasiment toutes les interprètes suivantes du ballet.

Carmen, Zizi Jeanmaire l’a dansé plus de 2.000 fois, un peu partout dans le monde. Elle se marie avec Roland Petit en 1954, ont une fille Valentine, un an plus tard. Et leur carrière sont indissociables. Il crée pour elle la revue La croqueuse de diamants sur des textes de Raymond Queneau, puis Zizi au Music Hall à l’Alhambra ou le mythique Mon Truc en Plume (1961) avec des costumes d’Yves Saint Laurent, qui là encore fait le tour du monde avec son numéro emblématique où la danseuse se cache derrière un éventail de plumes. Elle reprend Le Jeune homme et la Mort avec Rudolf Noureev ou Mikhaïl Barychnikov, notamment dans une version filmée, La symphonie fantastique avec Michaël Denard, La Chauve-souris avec Denys Ganio (1979) alors que Roland Petit a fondé sept ans plus tôt le Ballet de Marseille.

Mon truc en plume – Zizi Jeanmaire

Zizi Jeanmaire est à Marseille dans les créations de son mari, elle est là aussi pour remonter ses ballets tout autour du monde. Mais la carrière de Zizi Jeanmaire ne peut pas qu’être ramenée au célèbre chorégraphe. Une muse ? Plutôt deux personnalités qui ne pouvaient créer l’un sans l’autre. Artiste aux multiples facettes, danseuse classique, meneuse de revue ou actrice, Zizi Jeanmaire monte également des spectacles de son côté, comme la comédie musicale The girl in Pink Tights à New York en 1954. Sur scène, à Paris ou dans le monde, elle chante Serge Gainsbourg – notamment dans la revue Zizi au Zénith en 1994, alors qu’elle a 70 ans – Aragon ou Guy Béart, dans l’opérette Patron de Marcel Aymé en 1959. Elle joue la môme Crevette dans La dame de chez Maxim’s de Feydeau, seule et unique fois où elle apparaît sur scène… blonde.

Danseuse emblématique du XXe siècle, par son tempérament de feu et sa dégaine unique en son genre, Zizi Jeanmaire reste sur scène jusqu’à l’âge de 76 ans, avec son ultime revue Zizi 2000 à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, où elle reprend Serge Gainsbourg, Jacques Prévert, Boris Vian ou Guy Béart. Atteinte la maladie de Ménière, qui provoque de lourds problèmes d’audition, Zizi Jeanmaire quitte ensuite la scène, tout en continuant cependant à transmettre le répertoire de Roland Petit. Ce dernier meurt le 10 juillet 2011 à Genève. C’est également dans cette ville que Zizi Jeanmaire est décédée le vendredi 17 juillet 2020. « Elle s’est éteinte paisiblement à son domicile en Suisse« , selon les mots de sa fille Valentine.