One Shot – L’oeuvre posthume d’ Ousmane Sy
C’est sur écran que s’ouvre le 10 janvier Suresnes Cités Danse avec One Shot, l’oeuvre d’Ousmane Sy décédé brutalement le 27 décembre dernier. Le chorégraphe était alors en pleine répétition de cette création imaginée spécialement pour le festival, à la demande de son directeur Olivier Meyer. Et ce dernier s’était engagé à ce que le spectacle soit montré coûte que coûte, anticipant déjà qu’il était possible que le public ne puisse y assister. Il n’avait pas imaginé que le chorégraphe succomberait à une crise cardiaque à l’âge de 45 ans. Les huit danseuses qui composent un plateau exclusivement féminin ont surmonté leur désarroi et décidé de présenter le travail imaginé par Ousmane Sy, qui devait encore répéter deux semaines pour finaliser cette création. One Shot est présentée le dimanche 10 janvier sur su le site de France TV en direct depuis le Théâtre de Suresnes, puis en replay. DALP a assisté à l’enregistrement du spectacle qui servait aussi d’ultime répétition avant la diffusion. Émotion maximale sur scène et dans la salle où avaient pris place la famille et les amis d’Ousmane Sy.
La nouvelle est tombée comme un tremblement de terre entre Noël et Jour de l’An : à 45 ans, l’un des plus talentueux chorégraphes hip hop (et bien davantage…) Ousmane Sy dit Baba disparaissait dans la pleine maturité de son âge et de son art. Il venait de prendre en 2019 la direction du Centre Chorégraphique National de Rennes qu’il avait inaugurée avec un spectacle Queen Blood consacré aussi aux femmes puissantes. Il avait imaginé le présenter à Suresnes lorsqu’Olivier Meyer, le directeur du festival, lui a proposé de faire l’ouverture de cette édition 2021. « Je lui ai dit que je voulais une création qui soit faite pour Suresnes parce que c’est là qu’il avait débuté en 1999 dans le spectacle de Bianca Li Macadam Macadam« , se souvient avec émotion Olivier Meyer. « Il y avait une relation très étroite entre nous, même si nous ne nous voyions pas très souvent. Mais en plus de 20 ans, j’ai des souvenirs mémorables avec Baba« . Lui qui disait lors du premier confinement qu’on n’avait jamais eu autant besoin de danser.
Ousmane Sy répétait son spectacle à La Villette. « J’y suis allé le 23 décembre et c’est la dernière fois que nous nous sommes vus« , raconte Olivier Meyer qui a voulu que ce spectacle existe. Une création qui meurt à deux semaines de la première, c’est comme l’arrêt d’un avion en plein vol. C’est d’une violence extrême. Malgré la peine et le deuil, les danseuses ont décidé de continuer et de présenter One Shot. Ce qui devait être une ouverture festive du festival devient donc le plus bel hommage que l’on puisse imaginer. Samedi 9 janvier, pour cette ultime répétition enregistrée, la famille et les amis d’Ousmane Sy avaient pris place dans la grande salle du Théâtre Jean Vilar. Olivier Meyer est venu à l’avant-scène pour brièvement raconter l’histoire qui le lie personnellement et qui lie le Théâtre et Suresnes Cités Danse à Ousmane Sy.
Puis le spectacle commence ! Dans la pénombre, un plateau ouvert où l’on distingue des bancs qui enserrent la scène et qui servent aussi d’estrades, sur lesquelles prennent place une à une les huit danseuses. Chacune tour à tour entre dans la danse comme en canon, avec un mouvement de balance des jambes répétées ad libitum sur la musique organisée par DJ Sam One, fidèle collaborateur d’Ousmane Sy. Elles sont là toutes les les hui de dos, fondées dans la même énergie qu’elles ne lâchent pas une heure durant. Est-ce ce le spectacle que le chorégraphe avait imaginé ? Pas tout à fait sans doute. Mais on repère d’un bout à l’autre le style d’Ousmane Sy, cette faculté de mélanger tel un magicien le hip hop, la danse africaine ou contemporaine et même le flamenco ! Les danseuses s’unissent, se désunissent et offrent chacune un solo déchaînant les applaudissements.
Car il n’y a rien de funèbre dans cette représentation, mais un élan de joie. Le spectacle est sur scène mais aussi dans la salle où l’on bouge au rythme de la musique habilement mixée par Adrien Kanter, avec là encore les voix féminines en majesté de Nina Simone ou d’Ane Brun. Entre les séquences, les danseuses assises sur les estrades sont comme un choeur grec d’une tragédie antique, des moments brefs de pause avant de repartir à l’assaut. Elles étaient huit, mais finalement elles sont 13 pour le tableau final, afin de rendre un dernier hommage dansé au chorégraphe dont elles ont partagé la route. La salle est déjà debout comme pour une ovation partagée où l’on a senti comme jamais un moment suspendu entre la scène et la salle qui ne font plus qu’un et deviennent le spectacle. Olivier Meyer semble lui-même sidéré par une telle osmose. Il a d’ailleurs déjà prévu, au-delà de la retransmission, de continuer à faire vivre One Shot en le reprenant lorsque les temps seront moins déchainés. Mais cette représentation était unique et comme un requiem joyeux !
One Shot d’Ousmane Sy au Théâtre de Suresnes Jean Vilar, dans le cadre de Suresnes cités danse. Avec Allauné Blegbo, Nadia Gabrieli Kalati, Anaïs Imbert-Cléry, Odile Lacides, Cynthia Lacordelle, Marina De Remedios, Cintia Golitin, Linda Hayford, Audrey Minko, Valentina Dragotta, Stéphanie Paruta, Emilie Bataille et Selasi Dogbatse.
À voir en direct le dimanche 10 janvier à 17 heures sur France TV, puis en replay.