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[Prix de Lausanne 2021] Rencontre avec Clairemarie Osta, vice-Présidente du jury

Le Prix de Lausanne se tient bien en 2021, du 1er au 6 février… Mais uniquement en vidéo. Seul le jury est ainsi sur place à Lausanne, pour noter les 78 candidats et candidates sur des exercices de cours et leurs deux variations (classique et contemporaine) envoyées en vidéo. Et comme chaque année, plusieurs bourses d’étude seront remises lors de la finale. Comment se déroule cette édition si spéciale ? Comment détecter le potentiel de ces apprentis danseurs et danseuses uniquement par le format vidéo ? Clairemarie Osta, vice-Présidente du jury de ce Prix de Lausanne 2021, Danseuse Étoile de l’Opéra de Paris et aujourd’hui directrice du département danse classique de l’école du Ballet Royal de Suède, nous raconte l’organisation de ce Prix si particulier, mais qui existe tout de même.

Clairemarie Osta, vice-Présidente du jury du Prix de Lausanne 2021

Le Prix de Lausanne est normalement une ruche où se croisent énormément de monde. Comment est l’ambiance de cette édition 2021 où seul le jury est en place ?

Même si physiquement, la rencontre ne se passe pas exactement comme on l’aime et comme on en a l’habitude, nous sommes chargés de toute l’énergie positive déployée et souhaitée pour en arriver là, tout ce qui a été mis en oeuvre pour que l’événement, et le sens même de l’événement, soit préservé. C’est-à-dire exposer ces jeunes danseurs et danseuses – le Prix de Lausanne, c’est un peu leur première sortie dans le monde (sourire) ! – que leur travail soit vu et partagé, même si c’est à travers la vidéo. Cet événement arrive à un moment où les gens ont, malheureusement, pratiqué les formats digitaux et les cours en ligne, nous avons été obligés de nous y faire pour tirer le meilleur de ce média.

 

Comment se passe concrètement ce Prix de Lausanne ?

Une des salles de l’hôtel où nous logeons a été aménagée, avec un grand écran. C’est ce que le public voit lors des live-stream. Avec le jury, même si nous sommes éloignés les uns des autres pendant le visionnage des vidéos, nous faisons en sorte de tout de même échanger pour que l’on se sente un jury uni, complémentaire dans notre mission, et pas seulement sur les décisions concrètes concernant les danseurs et danseuses.

 

La particularité du Prix de Lausanne est de juger les élèves sur une semaine de travail. Comment les évaluez-vous cette année ?

Certaines choses du Prix de Lausanne ne peuvent être compensées, comme le fait de voir les progrès des élèves sur une semaine. On ne va pas en être témoin, les voir évoluer et interagir avec les coachs et les professeur.e.s de danse. Mais le plus important dans cette compétition est de préserver l’existence de cet événement et la possibilité de mettre de jeunes danseurs et danseuses en relation avec une école ou un futur emploi. On sait que, pour un art vivant, ce que l’on voit uniquement en vidéo est loin de représenter la personnalité de chaque jeune artiste. Mais nous espérons les découvrir plus tard sur les scènes internationales.

Le jury du Prix de Lausanne 2021

Qu’est-ce qui se voit en vidéo ? Comment déceler un potentiel par ce support ?

Passé le filtre de tout ce qui peut être limité en vidéo, ce que l’on voit, c’est la capacité, le sens du mouvement, la fluidité de la coordination, la musicalité ou les aptitudes physiques au sens large : la puissance, le raffinement, un tas de choses plus artistique. Rien qu’avec les exercices de cours, certain.e.s se détachent, avec un ensemble de choses liés à leur environnement, leur travail propre, ce à quoi ils ont déjà été confrontés cette culture du ballet classique.

 

Entre des vidéos dans un beau studio et d’autres dans des lieux plus étriqués, on voit aussi la différence de moyens entre les candidat.e.s. Il y a aussi ceux et celles qui doivent se contenter de cours par Zoom depuis presque un an. Comment y faire abstraction ?

Nous sommes touchés dans le jury par le courage de ceux et celles qui ont moins de moyens. Cela ne veut pas dire que nous allons les privilégier, mais ça ne défavorisera pas ceux et celles qui sont défavorisées en termes d’espace et de moyens. Il y a d’autres choses qui transparaissent, coûte que coûte, ils montrent le meilleur d’eux-mêmes. Cela compense. Sur ce que l’on a vu, le niveau est excellent. Les danseurs et danseuses sont des gens courageux, motivés, engagés dans leur parcours et dans leur art pour surmonter cette crise et continuer leur évolution. C’est ce que l’on sent à travers ces vidéos.

 

Vous-même, en tant que directrice du département danse classique de l’école du Ballet Royal de Suède, vous êtes confrontée à de jeunes étudiant.e.s qui peuvent douter. Que leur dites-vous ?

On leur dit d’être patient, de s’accrocher à leur travail au quotidien et de faire confiance à tous ceux qui les entourent. Les compagnies aussi sont conscientes que ce renouvellement des générations est pour l’instant gelé. Mais cela ne durera pas. J’ai eu l’occasion de discuter avec plusieurs jeunes, un peu partout dans le monde, qui ont formulé leur désir d’arrêter, ou qui ont un certain découragement. Et je me sens comme un pasteur qui veut garder ses brebis (sourire). N’abandonnez pas maintenant ! Même si cela peut paraître presque insurmontable pour ces élèves qui sont depuis presque un an en cours par Zoom, ils n’ont plus la réalité de ce pour quoi ils travaillent. Certains ne tiendront pas, et pas que dans la danse. La sélection ne se fera pas sur des critères de talent, mais sur ceux et celles qui vont résister. Et je ressens une grande nécessité, un devoir même, de ne pas les laisser se décourager. Certains doivent amener leur eau au moulin, ils manqueront au monde de la danse s’ils arrêtent en cours de route.

Le jury du Prix de Lausanne 2021

Vous avez participé au Prix de Lausanne en 1987. Quels souvenirs en gardez-vous ?

J’en garde un souvenir fantastique ! Comme un tournant fondamental, un plongeon dans le grand bain dans cette communauté internationale qui vit de la danse, pour la danse, avec la danse. J’avais à la fois la sensation de faire partie de cette communauté en tant que groupe, et de découvrir la diversité des cultures, des artistes, des points de vue, des styles, qui font partie de ce paysage. Toutes les rencontres que j’y ai faites, qui m’ont accompagné ensuite, comme Violette Verdy, Ghislaine Thesmar. Le Prix de Lausanne, c’est bien plus qu’une compétition, cette dernière ne prend jamais le dessus sur la danse. Je suis revenue au Prix il y a quelques années, en participant au jury de présélection et en tant qu’école partenaire. Et j’y ai retrouvé cette même ambiance. C’est tout à l’honneur des équipes qui se sont renouvelées tout en gardant cet état d’esprit. Le Prix de Lausanne, c’est une valeur sûre.

 



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