[Prix de Lausanne 2021] Rencontre avec la candidate Anaelle-Jade M’Dallal
Anaelle-Jade M’Dallal, 15 ans, jeune Française de Montpellier, fait partie des 78 élèves sélectionnés pour le Prix de Lausanne 2021. Malgré la déception de ne pas être sur place, cette jeune danseuse vit cette expérience à fond. Objectif, parcours, variations… Elle nous raconte sa vie d’apprentie danseuse au Prix de Lausanne.
Pouvez-vous d’abord pour présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Anaelle-Jade M’Dallal, j’ai 15 ans, je danse au Studio Skouratoff de Montpellier. Ma mère est de Kabilie et mon père vient de Casablanca.
Pourquoi avez-vous eu envie de participer au Prix de Lausanne ?
Le Prix de Lausanne est un projet qui se prépare sur plusieurs années, je n’ai pas eu l’envie de me présenter subitement à 14 ans. J’ai démarré la danse à 4 ans et les concours de danse à 9 ans. Vers mes 11-12 ans, j’ai affirmé mon envie d’être danseuse professionnelle. Un an plus tard, mes professeur.e.s de danse m’ont parlé du Prix de Lausanne, l’une des meilleures plateformes quand on vient comme moi d’une petite école de danse.
Comment avez-vous vécu l’annonce d’un Prix de Lausanne à distance ?
Au début, j’ai d’abord été en quelque sorte soulagée : je n’aurais pas cette semaine de stress constant. Puis bien sûr la déception est venue : j’allais manquer cette expérience incroyable qui m’aurait enrichie. Il y a eu enfin ce soulagement de savoir que cela pourra se faire tout de même, que l’on pourra se présenter au jury, aux autres écoles. Je n’aurais pas cette grosse semaine de travail avec ces professeur.e.s de danse, avec les séances de coaching, ces rencontres avec tous ces danseurs et danseuses talentueuses. C’est ça qui me faisait envie. Mais l’organisation du Prix est à saluer : en peu de temps, ils ont fait en sorte qu’il y ait un concours décent. Je fais quand même le Prix de Lausanne, même si c’est sous une forme différente. Le retenter dans deux ans pour avoir cette expérience complète ? Cela dépendra des résultats. C’est envisageable, mais c’est trop tôt pour me prononcer.
Comment tout cela s’est organisé ?
Le public voit les vidéos que nous avons envoyées pour les pré-sélections, à l’automne. Peu de temps après, le Prix nous a finalement annoncé les changements, entre autres que ces vidéos seraient notées. Ils nous ont ensuite demandé d’envoyer nos vidéos de nos deux variations, la classique et la contemporaine. Nous avons eu trois mois pour le faire, jusqu’à début janvier, donc dans un délai un peu plus court que si la compétition avait eu lieu normalement. L’équipe du Prix nous a aussi envoyé quelques vidéos de classes classiques et une classe contemporaine. Elles ne sont en rien obligatoires, elles ont juste pour nous, pour avoir ce partage de connaissances si important au Prix de Lausanne. Personnellement, elles m’ont beaucoup servi pendant le confinement de novembre !
Avez-vous le temps de suivre les live-streams ?
Au lycée, j’alterne les semaines en présentiel et distanciel, et la semaine de Lausanne tombe sur une semaine de cours en présentiel. Mais des proches regardent attentivement et me racontent. Et je regarde ce qui m’intéresse dans les replays : les interviews du jury, les entrevues en général, c’est toujours bien d’écouter les anciens, les vidéos des danseurs et danseuses que je connais bien, et bien sûr plus ma catégorie junior. J’ai hâte de voir les variations ! Il y a un très bon niveau dans ma catégorie, personne n’est au Prix de Lausanne pour rien et tout le monde a sa place dans la compétition.
Comment avez-vous choisi vos deux variations ?
Pour la variation classique, j’ai pris la Fée Lilas de La Belle au bois dormant, un choix fait avec ma professeure de danse Fabienne Delorme. J’avais déjà prévu de la danser pour d’autres concours qui avaient lieu avant le prix de lausanne, je la connaissais déjà. C’est aussi normalement une variation dansée par des danseuses souvent très élancées, plutôt grandes, j’avais la morphologie pour. Et puis c’est une variation qui paraît très lyrique, très douce, mais où l’on doit avoir ce tempo à trois temps de la valse dans la musique pour pouvoir la faire. On incarne une fée, on doit donc proposer une danse douce et très liée, paraître bienveillante, mais tous les mouvements sont très concentrés et très guidés. Pour la variation contemporaine, j’ai pris le solo Rain de Kinsun Chan. Je l’ai choisi parce que je pense que, des cinq variations contemporaines proposées, c’était celle qui m’intriguait le plus. Et c’est une variation variée, assez saccadée au début avant de se fluidifier dans le mouvement. ce qui est intéressant à travailler et à montrer. Et puis c’est aussi quelque chose qui est censé bien m’aller.
Justement, quelles sont vos qualités, ce que vous avez envie de montrer ?
On me dit souvent que, vu que je suis élancée, j’ai la capacité de faire de grands mouvements, d’amener ma danse assez loin. On me dit aussi que j’ai le sens du mouvement.
Que visez-vous au Prix de Lausanne ?
Être à Lausanne, c’est déjà énorme ! La finale, je ne dirai pas non (sourire), mais la proposition d’une école est ce qui m’intéresse le plus pour la suite. Je suis plus portée sur une école étrangère. Quand j’en ai parlé il y a deux ans avec mes professeur.e.s de danse, je voulais partir aux États-Unis. La Covid change un peu les choses et je pense maintenant aussi à l’Europe, notamment des écoles en Allemagne. Au final, je suis intéressée par la San Francisco Ballet School, la John Cranko Schule et l’école de Hambourg de John Neumeier.
Quel est votre parcours ? Vous n’avez pas un cheminement classique, vous n’êtes pas à l’Opéra ou dans les CNSMs.
J’ai commencé la danse à 4 ans, comme une activité extra-scolaire comme les autres. À 9 ans, j’ai démarré les concours de danse, mon école m’a fait participer au concours de Nîmes, d’Aix, etc. Vers 11-12 ans, j’ai commencé à décrocher des premières places, des podiums, ce qui m’a fait gagner plusieurs stages d’été dans de grandes écoles. Et cela m’a permis de beaucoup évoluer, de faire des stages de deux semaines à un mois à Florence, à l’école Palucca de Dresde, en Suisse… Je devais aller l’année dernière à l’Ecole de l’Opéra de Paris et à la San Francisco Ballet School, mais ça a été annulé par la Covid. Je n’ai ainsi tenté aucune grande école en audition, mais j’ai pu faire des stages. Et ça m’a permis de prendre le temps dont j’avais besoin et découvrir plusieurs écoles différentes.
Vous n’êtes pas en sport-étude, comment arrivez-vous à concilier la danse et le lycée ?
Je vais au lycée de 8h à 18h, puis je prends mes cours de danse de 18h30 à 21h, tous les soirs. Au final, je danse jusqu’à 20h par semaine. N’étant pas en sport-étude, je n’ai pas pu avoir de cours de danse pendant le confinement de novembre. Cela a été compliqué, mes professeur.e.s ont mis en place des cours en visio pour tous ceux et celles qui préparaient des concours. Dans mon lycée, j’ai pu avoir une salle dans le gymnase pour travailler, ma professeure de danse a pu venir m’y faire travailler mes variations pour Lausanne. Je ne pouvais pas perdre un mois de préparation.
De quelle carrière rêvez-vous ?
J’ai fini dans le Top 12 contemporain au YAGP de Barcelone, mais c’était plutôt une circonstance. Dans ma carrière, je veux avant tout être une danseuse classique, même si je ne dis pas non au contemporain, je trouve ça super de se diversifier. Quand j’étais plus petite, je rêvais beaucoup du San Francisco Ballet. Mais cette année, j’ai découvert le Stuttgart Ballet avec les nombreux spectacles que la compagnie a diffusés en streaming. Et c’est un coup de cœur, je trouve cette troupe magnifique ! Mes rôles de rêve ? Nikiya dans La Bayadère, Esmleralda dans Notre-Dame de Paris de Roland Petit et Kitri dans Don Quichotte, des rôles de caractère, mais aussi très artistique et dans l’émotion.