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Festival Flamenco de Nîmes – Peculiar d’Ana Morales / Los Bailes Robados de David Coria

Comme tous les ans en janvier, Nîmes nargue les frimas de l’hiver pour vivre à l’heure andalouse. Et douze jours de danse, musique, projections, expositions et conférences pour cette 33e édition du Festival Flamenco. Un millésime qui sera le dernier de l’actuel directeur François Noël. Pour ce bouquet final, il a convié les artistes qu’il a accompagnés depuis vingt ans. Rocío Molina, Israel Galván, Eva Yerbabuena, Andrés Marín, Alfonso Losa partagent ainsi l’affiche de ce festival 2023, ouvert par Ana Morales et David Coria. Avec Peculiar, la danseuse portée par le chant de Tomas de Perrate nous livre sa vision d’un flamenco à la fois pur et fantasque. David Coria nous a pour sa part convié à découvrir les prémisses de sa prochaine création, Los Bailes Robados, opus prometteur de l’un des plus brillants représentants du flamenco contemporain.

Peculiar – Ana Morales

Cette édition 2023 du Festival Flamenco de Nîmes est l’année des au revoir. Après plus de vingt ans à la tête du Théâtre de Nîmes, François Noël tira sa révérence. Durant son mandat, il aura profondément bouleversé cet événement, faisant du Festival de Nîmes l’un des premiers rendez-vous flamenco en France, non seulement dans sa durée mais par la qualité de sa programmation. Toutes les stars du flamenco sont passées par Nîmes. Le public a pu les voir grandir et découvrir les jeunes talents d’un genre qui fut trop longtemps réduit en France à une curiosité folklorique. Le Festival de Nîmes aura contribué à installer le flamenco dans son époque et à en présenter les différentes facettes, de l’académisme aux propositions les plus radicales.

Ana Morales fait partie des habituées de Nîmes. L’an dernier, elle invitait le public à découvrir une étape de sa création. Elle la dévoila tout entière cette année. Peculiar, dont elle signe la chorégraphie, est portée par le chant rugueux et bouleversant de Tomas de Perrate et soutenue par le danseur Antonio Molina « El Chorro » et la danseuse Julian Acosta.  Sur scène, ils sont sept, danseurs ou musiciens, déambulant et marmonnant dans la pénombre à l’ouverture du spectacle. Ana Morales est au centre en robe blanche qui virevolte et impose d’emblée son flamenco : le geste précis et large, un corps immensément flexible, une musicalité hors pair et une autorité charismatique.

Peculiar – Ana morales

De ce point de vue, le titre de sa pièce Peculiar (« Particulier ») n’est nullement usurpé. Il lui arrive pourtant de nous perdre dans cette succession de séquences magnifiquement éclairées mais dont le sens échappe parfois. Dans ce récit, Ana Morales semble aller à rebours, de la modernité vers le classicisme. Faisant fi des conventions, elle ose tout, se montre en gros plan en vidéo noir et blanc, fume le cigarillo et finit par un solo somptueux en robe verte à volants, sublimée par le chant de Tomás de Perrate et la harpe d’Ana Crismán.

Cette année, c’est David Coria qui nous ouvre les portes de sa création en devenir, Los Bailes Robados. Danseur majuscule, David Coria a fait une entrée fracassante comme chorégraphe avec ¡Fandango qui sidéra en 2020 la Biennale d’art Flamenco du Théâtre National de la Danse Chaillot. Puis sous l’impulsion de son ancien directeur Didier Deschamps et de Daniela Lazary, conseillère artistique pour la Biennale, David Coria est revenu à la Biennale pour croiser sa technique et son univers avec celui de la danseuse et chorégraphe hip hop Jann Gallois. Cela donna Imperfecto qui poursuit son chemin. Et cette incursion dans l’univers du hip-hop transparaît à Nîmes pour cette nouvelle proposition de David Coria. Dans Los Bailes Robados, il s’entoure d’une chanteuse et violoncelliste remarquable, Isadora O’Ryan, sœur jumelle de la danseuse Florencia Oz qui participe aussi à cette aventure. 

Los Bailes Robados de David Coria

Le premier solo de David Coria nous rappelle qu’il est un danseur époustouflant dont les racines flamencas sont mâtinées d’influences contemporaines : zapateado implacable soutenu par les vibrations et tremblements contrôlés du corps. Et c’est une danse résolument moderne, pure, sans affèteries qui émane de cette version initiale du spectacle. Dans ce « work in progress » dont la version définitive sera présentée au Festival de flamenco de Nîmes l’an prochain, le chorégraphe construit des scènes de groupe telles des grappes, danse en duo osant des portés qui débordent du vocabulaire flamenco. Le chant comme une plainte d’Isadora O’Ryan et la douceur extrême de son jeu de violoncelle dessinent des moments déchirants. Son dialogue avec David Coria est bouleversant. L’architecture et la dramaturgie de la chorégraphie sont déjà en place dans ce spectacle presque abouti qui confirme la place de choix occupée David Coria parmi les chorégraphes du flamenco contemporain.

Il reste encore de nombreuses découvertes qui attendent le public du Festival de Flamenco de Nîmes. Cette édition 2023 a tourné la page de la pandémie pour le bonheur de tous. Cela ne nous empêche pas de regarder le passé avec René Robert, mort tragiquement il y a tout juste un an, qui fut l’un des plus grands photographes de l’art flamenco. Il a réalisé le portrait de toutes les stars de la danse et du chant flamenco depuis la fin des années 1960 mais aussi des artistes moins connus. Le Festival lui rend hommage avec l’exposition  dans les coursives du Théâtre Bernadette Lafont de certaines de ses photos. L’œil acéré et bienveillant de René Robert nous plonge dans l’histoire et les racines du flamenco. Il nous manquera.

Los Bailes Robados de David Coria

Peculiar d’Ana Morales avec Antonio Molina « El Choro » et Julia Acosta (danse), Miguel Marin Pavón (chant), Ana Crismán (harpe), Tomás de Perrate (chant) et Rycardo Moreno (guitare). Mercredi 11 janvier 2023 salle Bernadette Lafont.

Los Bailes Robados de David Coria avec Paula Comitre, Florencia OZ, Rafael Ramirez, Marta Gálvez (danse), Isadora O’Ryan (chant et violoncelle). Jeudi 12 janvier 2023 à l’Odéon, 

Le Festival Flamenco du Théâtre de Nîmes continue jusqu’au 23 janvier.

 



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