Surprise en ce jeudi 2 mars au Palais Garnier ! Alors qu’aucune rumeur ne courait, Hannah O’Neill et Marc Moreau ont été nommés Danseuses et Danseur Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris. Une nomination à l’issue d’une représentation de Ballet Impérial de George Balanchine, lors d’un programme consacré au chorégraphe, en plein milieu de série. Une consécration par José Martinez pour ces deux artistes au parcours bien différent.

Hannah O’Neill et Marc Moreau nommés Danseuse et Danseur Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris

Les nomination d’Étoiles au Ballet de l’Opéra de Paris ont souvent un petit-avant goût : une rumeur qui court et enfle, une première d’une série avec un Premier danseur ou une Première danseuse très bien distribuée, une prise de rôle très attendue, un remplacement qui fait des vagues, un-e artiste grimpant à toute allure dans l’échelle de la hiérarchie. Plein de petites choses guettées par les Balletomanes qui ne manquent pas de dénicher une place pour ces événements si particuliers. Rien de tout cela pour les premières nominations de José Martinez, arrivé il y a à peine trois mois à la Direction de la Danse de l’Opéra de Paris : une double nomination sur une soirée mixte, en plein milieu de série, et prenant vraiment par surprise le public comme les artistes ! Cela fait un peu penser à la première nomination d’Étoile de Benjamin Millepied, celle de Laura Hecquet, arrivée là encore sans s’être annoncée.

Ce jeudi 2 mars, le Palais Garnier est en pleine représentation d’un programme dédié à George Balanchine, 13e date d’une série de 18. Une grande partie de la compagnie est partie en Corée du Sud, pour une tournée. La soirée est composée de Ballet Impérial et Who Cares?. Pour la première œuvre, sont en scène dans les rôles principaux la Première danseuse Hannah O’Neill et le Premier danseur Marc Moreau, secondés par la Sujet Bianca Scudamore. Hannah O’Neill danse déjà ce ballet depuis plusieurs dates. Elle ne devait pas être sur scène ce soir-là, mais a été distribuée avec le retrait de Valentine Colasante. Marc Moreau est lui aussi arrivé par le jeu des remplacements, ce qui laisse penser que ces deux artistes n’ont eu que peu de temps de répétition ensemble.

En scène, pourtant, tout se passe bien. Mais surprise, pour le levé de rideau après les premiers saluts, Alexander Neef et José Martinez sont en scène, avec un micro. Dans le public, l’on sait bien ce que cela veut dire ! « Sur proposition du Directeur de la Danse…« , Alexander Neef lance la phase rituelle… pour nommer Hannah O’Neill Danseuse Étoile de l’Opéra de Paris ! Très émue, et visiblement très surprise, la danseuse laisse éclater son émotion, part remercier ses deux directeurs avant de se tourner vers ses collègues. Presque intimidée, il faut que son partenaire Marc Moreau la pousse devant pour qu’elle revienne saluer face à un public chaleureux. Fair-play jusqu’au bout, le danseur accueille les larmes de sa partenaire et l’applaudit chaleureusement. « J’avais eu le secret espoir d’une nomination en voyant Alexander Neef dans sa loge au tout début de la soirée, mais sans vraiment y croire« , raconte Marine, présente dans le public. « Cela a été la surprise ! Tout le monde s’attendait à une nomination masculine, j’ai donc eu une micro-seconde d’étonnement quand il a nommé Hannah O’Neill. Mais la joie a vite pris le dessus : c’est tellement mérité ! »

Surtout quela ne s’arrête pas là. Car après quelques minutes d’applaudissement, Alexander Neef reprend le micro et nomme Marc Moreau Danseur Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris. L’artiste laisse à son tour éclater son émotion et sa surprise. « Quand Alexander Neef s’est remis à parler en indiquant que ‘José Martinez m’a fait une deuxième proposition’, le public a ri et a applaudi chaleureusement notre deuxième Étoile de la soirée« , raconte Marine. Même si la salle semblait être composée essentiellement de néophytes. « Cela manquait peut-être de balletomanes assidus dans le public pour exprimer pleinement toute la joie d’une double nomination. L’assistance de ce soir était un peu perdu dans les applaudissements de ‘Ballet Impérial’, l’on n’avait pas le sentiment d’un public de connaisseurs. Mais tout le monde a vite compris l’importance du moment quand Alexander Neef a commencé à parler« .  Il y avait d’ailleurs peu de monde à la sortie des artistes, un point que le public d’assidus devrait vite rétablir pour les prochaines représentations. 

Après de nouveau quelques minutes d’applaudissements bruyants suite à cette double nomination, le spectacle continue. La danse académique de Ballet Impérial laisse place à l’ambiance Broadway de Who Cares!… qui voit le première apparition de Marc Moreau en tant que Danseur Étoile, ce dernier assurant les deux ballets pour cette soirée. Et une ambiance un peu spéciale en scène. « Le corps de ballet était vraiment joyeux de danser, l’on sentait qu’ils faisaient la fête sur scène pour marquer ces nominations« , résume Marine.   

Hannah O’Neill nommée Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris

Hannah O’Neill et Marc Moreau ont des parcours différents. Jeune danseuse brillante remportant le Prix de Lausanne et le YAGP , la première débarque en trombe à l’Opéra de Paris en 2011 : surnuméraire pendant deux ans, engagée en 2013, grimpe les échelons chaque année, est Première danseuse en 2016. Benjamin Millepied la distribue bien, la danseuse brille de mille feux. Il ne fait aucun doute que sa nomination est proche. Mais la direction change, les tendances aussi. Hannah O’Neill est moins distribuée, d’autres danseuses lui passent devant. Elle connaît aussi des pépins physiques qui l’éloignent longtemps de la scène. Il n ‘est jamais simple à l’Opéra de Paris de revenir d’un long arrêt, l’on prend vite votre place. Et la programmation d’Aurélie Dupont, pauvre en ballets classiques, ne permet pas une distribution régulière pour les Premières danseuses.

Mais Hannah O’Neill est pourtant toujours bien là. Au retour du confinement, elle revient petit à petit dans des rôles de premier plan. L’arrivée à la direction de José Martinez change les choses, parfois : si elle n’a que de petits rôles dans Le Lac des cygnes, elle assure le rôle principal de Mary Vetsera dans Mayerling quelques semaines plus tôt. À 30 ans, la voilà qui accède enfin au titre suprême, dix ans après être entrée dans la compagnie. L’on connaît sa valeur, son tempérament, son charisme : elle a tout pour briller pendant ces douze prochaines années.

Pour Marc Moreau, la question de l’Étoilat ne s’est pas franchement posée. Recruté en 2004 après une formation à l’École de Nanterre, il gravit les échelons régulièrement. Sujet en 2011, il semble y être à sa place : beau danseur classique pour assurer les seconds rôles, personnalité percutante appréciée des chorégraphes venant faire des créations. Benjamin Millepied le repère, l’inclut dans ses pièces. Mais la direction d’Aurélie Dupont le laisse dans un certain ventre mou des distributions. Marc Moreau continue cependant à passer le Concours de promotion. Il voit passer devant lui toute une génération, Hugo Marchand, Germain Louvet ou François Alu. Finalement, en novembre 2018, à l’issue d’un Concours de promotion sans grand favori, Marc Moreau est promu Premier danseur. Ce qui ne lui assure pas de folles distributions, d’autant que le Covid ne tardent pas non plus à passer par là. Et c’est là encore l’arrivée de José Martinez qui lui redonne une place de premier plan.

Marc Moreau nommé Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris

Est-ce un petit creux des générations qui lui a valu la nomination d’Étoile, comme un peu plus tôt son poste de Premier danseur ? Cela serait réducteur de l’écrire, même si cela compte. Il n’y a en effet que quatre Étoiles masculines capables de danser aujourd’hui, plusieurs nominations sont urgentes pour l’équilibre de la troupe. Et Marc Moreau est prêt. On l’a vu dernièrement dans Siegfried ou dans Études. S’il n’a plus l’explosivité d’un danseur de 20 ans, il a la maturité artistique, une personnalité profonde, un sens du partenariat, des œuvres, une certaine liberté aussi du danseur qui a surtout envie de se faire plaisir. À 36 ans, il est ce que l’on appelle une Étoile « tardive », avec six-sept ans de carrière devant lui. Mais l‘on a envie de suivre son évolution, celle d’un artiste qui a des choses à dire et à défendre. Et il y a largement de la place pour les « petits jeunes » d’une vingtaine d’années à ses côtés.