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Hannah O’Neill nommée Danseuse Étoile – Retour sur son parcours

Hannah O’Neill a été nommée Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris le 2 mars, à l’issue d’une représentation de Ballet Impérial de George Balanchine. Née au Japon, elle rafle les grands prix internationaux avant de rejoindre l’Opéra de Paris en tant que surnuméraire, en 2011. Une montée supersonique dans la hiérarchie, puis un peu d’attente, avant un retour sur le devant de la scène… Retour sur le parcours de Hannah O’Neill jusqu’à sa nomination d’Étoile, en fouillant dans les archives de DALP.

Née à Tokyo en 1993, d’origine japonaise par sa mère et de nationalité néo-zélandaise par son père, Hannah O’Neill grandit au Japon et démarre la danse dès l’âge de trois ans. Pendant presque dix ans, elle étudie au Kishibe Ballet Studio, de 1998 à 2007, où elle se fait remarquer dans plusieurs concours nationaux. En 2008, elle franchit un cap en quittant son pays, à l’âge de 15 ans, pour rejoindre l’Australian Ballet School. C’est avec cette école, où elle reste quatre ans, qu’elle remporte le Prix de Lausanne en 2009, avec la variation de la troisième Ombre de La Bayadère et Préludes CV de John Neumeier. La danseuse choisit d’utiliser sa bourse d’étude pour rester à l’Australian Ballet School, et remporte le YAGP en 2010.

En 2011, Hannah O’Neill démarre sa carrière au Ballet de l’Opéra de Paris en passant le Concours externe. Elle reste deux ans surnuméraires, se faisant déjà remarquer par sa présence dans le corps de ballet, avant d’obtenir son CDI le 5 juillet 2013, alors que la troupe est dirigée par Brigitte Lefèvre. Elle est reçue première, juste devant Camille de Bellefon. Et sa carrière démarre en trombe, en gravissant à toute allure les échelons de la hiérarchie. Quatre mois après sa titularisation, elle passe en effet Coryphée au Concours de promotion, avec Célébration de Pierre Lacotte où elle y montre « sa très grande propreté technique«  et Gamzatti où elle fut « brillante« . Léonore Baulac monte avec elle dans la hiérarchie. Les deux danseuses grimpent Sujet l’année suivante, Hannah O’Neill y dansant « une superbe Nuit de Walpurgis de George Balanchine« . Entre les deux, la ballerine se fait remarquer lors de la soirée Jeunes danseurs et danseuses, en interprétant un extrait des Enfants du Paradis de José Martinez « avec sa technique sûre et brillante (rien ne semble lui résister), sa jolie présence et un vrai aplomb en scène« . Et gagne la médaille d’argent au Concours de Varna.

Le Lac des cygnes de Rudolf Noureev – Hannah O’Neill

La rentrée 2014 marque un tournant, avec Brigitte Lefèvre quittant son poste de directrice pour laisser la place à Benjamin Millepied. Pour Hannah O’Neill, cela signifie tout de suite avoir plus d’expérience en scène, régulièrement mise en avant dans les distributions et tête d’affiche de cette nouvelle et brillante « Génération Millepied » que le nouveau directeur veut mettre en avant. Dès septembre, la jeune ballerine se frotte à d’autres styles et plongeant dans William Forsythe, « particulièrement à l’aise dans cette énergie électrique«  avec Pas./Parts. Et puis surtout deux titularisations de taille début 2015 : le rôle d’Odette/Odile dans Le Lac des cygnes en avril, le rôle-titre de Paquita en mai. Pour le premier, elle a une date, avec Yannick Bittencourt, et marque les esprits : « Enfin un cygne à l’Opéra de Paris !« . Idem pour le deuxième où elle danse avec Mathias Heymann : « Sa place semble être naturellement au cœur de la scène« .

La saison 2015-2016 s’annonce tout aussi belle pour Hannah O’Neill. Elle se plaît dans le répertoire américain du Directeur de la Danse et a droit à plusieurs créations et entrées au répertoire : Clear, Loud, Bright, Forward de Benjamin Millepied qui ouvre la saison, Brahms-Schönberg Quartet de George Balanchine, Entre chien et loup et In Creases de Justin Peck, faisant preuve « d’un glamour autant rayonnant qu’irrésistible«  dans cette dernière pièce. Elle démarre aussi en Gamzatti dans La Bayadère, même si elle ne nous séduit pas entièrement pour cette première, ainsi qu’en Myrtha en fin de saison. Et passe Première danseuse, toujours en même temps que Léonore Baulac, avec The Four seasons de Jerome Robbins et Raymonda. Cette saison marque aussi le début d’une prometteuse carrière internationale pour Hannah O’Neill. Elle est invitée par deux fois à danser au Mariinsky, d’abord au printemps 2016 dans le rôle de Gamzatti à Saint-Pétersbourg. Puis en été, pour y danser Giselle (ce qui sera sa prise de rôle) lors d’un festival à Vladivostok. Pour l’anecdote, son partenaire a été Xander Parish, alors soliste du Royal Ballet, qui rejoindra ensuite la compagnie Russe pour y devenir Étoile (avant de la quitter au début de l’invasion russe en Ukraine). Enfin la ballerine remporte le Benois de la danse pour sa prise de rôle de Paquita, aux côtés d’Alicia Amatriain avec A Streetcar named Desir de John Neumeier.

Paquita de Pierre Lacotte – Hannah O’Neill

Tout semble donc aller pour le mieux pour la jeune Première danseuse. Aurélie Dupont a remplacé Benjamin Millepied à la Direction de la Danse en cours de danse, mais la ballerine a toujours droit à de belles distributions. Les saisons suivantes ne sont pas cependant sous les mêmes auspices. Alors que la nomination d’Étoile de Hannah O’Neill ne semblait faire aucun doute, l’on ne sent plus forcément que cela devient une priorité pour la nouvelle direction. La danseuse continue de bien danser. En 2017, Hannah O’Neill participe à l’entrée au répertoire de Herman Schmerman de William Forsythe ou se centre sur le répertoire de George Balanchine : Le Song d’une nuit d’été (Titania et Hermina). La Valse (« Parfaite dans un registre qui nécessite humour et légèreté« ), Violin Concerto et Joyaux (Émeraudes et Rubis – « Elle possède une véritable autorité scénique sans jamais se départir d’un charme fou« ). On la remarque aussi dans la création Renaissance de Sébastien Bertaud. Mais les grands ballets classiques ne sont plus forcément pour elle. Elle danse Effie et la Sylphide dans le ballet de Pierre Lacotte. Mais elle n’est plus titulaire en Odette/Odile sur la série du Lac des cygnes de décembre 2016 (elle aura droit finalement à une date suite à des désistements), n’a pas Kitri l’année suivante dans Don Quichotte. À chaque fois, la danseuse a droit aux seconds rôles, qu’elle assure avec brio, mais qui semblent un peu étroits pour sa stature. Et puis d’autres danseuses lui passent devant : Léonore Baulac est nommée Étoile en 2016, Valentine Colasante en 2018.

Et puis des pépins physiques éloignent Hannah O’Neill de la scène. En 2018, on ne la voit plus guère, si ce n’est dans la reprise de Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied (rôle de Chloé) et la pièce contemporaine – un genre auquel la ballerine n’est pas habituée – The Art of not looking back de Hofesh Shechter. Idem en 2019, où la danseuse participe surtout à des œuvres collectives : Sleight of Hand de Sol León et Paul Lightfoot, la création Body and Soul de Crystal Pite. Pour les grands ballets classiques, Hannah O’Neill n’est pas titulaire du rôle principal, se contentant du pas de trois dans Le Lac des cygnes ou de Clémence dans Raymonda. Un rôle dans lequel elle brille pour l’unique représentation de cette série, avec sa comparse Sae Eun Park : « Sae Eun Park et Hannah O’Neill montrent que Henriette et Clémence sont loin d’être des personnages interchangeables, l’une pleine de piquant, l’autre plus romantique. Et de rêver de les voir toutes les deux, un jour, dans le rôle-titre« .

Joyaux de George Balanchine – Rubis – Hannah O’Neill

Et puis ce fut la longue grève de décembre 2019 et la crise du Covid qui a suivi. Pour la reprise, Hannah O’Neill semble devoir rester à sa place de Première danseuse, entre de belles opportunités et les grands rôles qui n’arrivent pas – la faute aussi à une programmation faible en ballets classiques, et donc d’opportunités. Pour la reprise, en juin 2021, elle est la plus belle Fille du monde dans Le Rendez-vous de Roland Petit, aux côtés de Marc Moreau, qui sera nommé Danseur Étoile en même temps qu’elle. Ce rôle n’est pas le plus technique, mais il demande beaucoup de théâtralité et d’engagement. Elle enchaîne avec Mme de Rênal dans Le Rouge et le Noir de Pierre Lacotte. Mais pour la série de Don Quichotte de décembre, elle reste uniquement en Reine des Dryades. Rôle qu’elle occupe toutefois avec majesté : « Hannah O’Neill brûle la scène avec une interprétation éblouissante techniquement« . Kitri arrive toutefois, au gré des remplacements et cas Covid, sur une seule date et sans orchestre. Même histoire pour cette saison 2022-2023 : la danseuse a droit au premier rôle Mary Vetsera dans Mayerling de Kenneth MacMillan, aux côtés de Stéphane Bullion, mais pas d’Odette/Odile deux mois plus tard.

Mais Hannah O’Neill ne perd jamais sa motivation. Quelques semaines plus tard, elle brille dans Ballet impérial de George Balanchine, un chorégraphe qu’elle a toujours affectionnée : « Elle papillonne sur la partition de piano interprétée par Emmanuel Strosser dont elle semble jouer chaque note sur scène« . C’est ce rôle qui lui apporte la nomination tant attendue, le 2 mars. Danseuse brillante et charismatique, on lui prédisait un avenir étoilé dès 2014. Elle aura dû patienter huit ans. Elle a pour elle la maturité d’une danseuse de 30 ans, l’expérience de nombreux rôles. Et douze belles années d’étoilat qui s’ouvrent devant elle.

 



Commentaires (2)

  • Anne Blair

    Outre sa belle technique, sa vivacité et son aplomb sur scène, ce que j’apprécie particulièrement chez Hannah O’Neill, c’est sa joie de danser. Elle est toujours très souriante et cela n’est pas feint. De bonnes ondes transmises aux spectateurs. Félicitations encore à Hannah.

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  • DucatiGirl

    Elle ne fait plus ombre à la Directrice. ..
    Merci José pour cette nomination.

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