Sur tes épaules de Nawal Aït Benalla
Dans la continuité de ses deux précédentes pièces, la chorégraphe Nawal Aït Benalla questionne la nécessité qui s’impose aux femmes de s’affranchir du poids d’un héritage culturel. Une pression, une charge, une « mémoire cellulaire » qui influent sur les corps et qui ont inspiré le titre de cette création. Sur tes épaules réunit au plateau sept danseuses d’origines diverses. En les faisant dialoguer, en unissant leurs énergies et leur différentes façons d’être au monde, la co-directrice de la compagnie La Baraka livre une proposition forte qui interroge sur la notion d’affirmation de soi. Des questionnements qui résonnent aussi pour ces sept interprètes accompagnées par le programme Premier(s) pas dans leurs projets de carrière en tant que danseuses, chorégraphes voire futures directrices de compagnie. « Il faut que les femmes, notamment les danseuses, croient en leur légitimité et cessent de s’excuser d’être à la place où elles sont« , revendique Nawal Aït Benalla avec laquelle DALP a échangé quelques jours après la représentation.
Ce qui frappe d’abord c’est leur manière d’investir la scène. Sept femmes aux présences fortes et contrastées qui se jettent dans une danse libératrice et pleine de sens. Une danse nourrie d’emballement et de lâcher-prise qui se déploie telle une revendication à la fois sourde et formulée par l’explosivité du haut et du bas des corps qui vibrent, ondulent et tressaillent.
Dans la continuité de sa première pièce Do you Be, Nawal Aït Benalla se penche avec Sur tes épaules sur l’avancée de la place des femmes dans la société. Elle souhaite mettre au jour par l’expression des corps ce que les femmes ont intériorisé depuis si longtemps, « les désirs enfouis de liberté« , « le poids des traditions« . Ces danseuses ont été choisies sur audition parmi 350 candidates en décembre 2021. « Lors du casting, j’ai posé à chacune cette question : que portez-vous sur vos épaules ?« , explique la chorégraphe. Histoire de nourrir une réflexion collective avant d’entamer le processus de création chorégraphique. De quelle charge les femmes héritent-elles sans s’en rendre compte et et qui les leste dans leurs parcours de vie ? Comment s’en libérer ? Quelles traces ce poids laisse-t-il dans leurs corps ?
Si la première partie de la pièce est plus frontale, plus guerrière, la deuxième apparait plus apaisée, plus réconciliatrice. La bande-son mêle sons du quotidien, airs d’opéra, chants contestataires et compose un univers qui sied au propos, à la transformation qui s’opère sous nos yeux. Les mouvements d’ensemble laissent aussi la place à quelques solos dont celui qui marque la rupture entre les deux volets. De dos, alors que la chorégraphe a choisi de diffuser un extrait d’une conversation entre l’écrivaine Leïla Slimani et l’écrivaine et rabbine Delphine Horvilleur dans l’émission La Grande Librairie, l’une des danseuses semble déposer tout ce qui l’alourdit, y compris ce bandeau qui emprisonne sa poitrine. Ses mouvements amples décrivent une trajectoire d’émancipation douce et assumée. « Les femmes n’ont pas besoin d’être puissantes pour s’affirmer. Elles peuvent le faire avec leurs fêlures, leurs blessures et leurs fragilités« , rappelle Nawal Aït Benalla. Comme le traduisent leurs façons singulières d’être au plateau. Une même argile, mais pas les mêmes moules pour paraphraser un proverbe mexicain.
Sur tes épaules est une pièce qui invite à la réflexion sur la légitimité des femmes à s’affirmer en tant qu’artistes, sans autocensure ou crainte de ne pas être à leur place. Ces sept interprètes rassemblées pour le second volet du programme « Premier(s) pas », projet d’insertion professionnelle initié par la compagnie La Baraka, expriment leur besoin d’être reconnues en tant que telles. Les entraves qui jalonnent le chemin vers leur épanouissement abondent. Il faut savoir les contourner, les dépasser, s’en affranchir. Leurs corps en mouvement racontent tout cela et peut-être plus encore.
« Les femmes sont encore peu nombreuses à la tête des compagnies de danse et des institutions culturelles, elles sont surtout danseuses. Avec ce programme, il est aussi question de leur donner confiance pour qu’elles s’autorisent à être ambitieuses ! » revendique Nawal Aït Benalla. S’affirmer dans ce qu’elles sont et dans ce qu’elles sont envie de devenir, voilà le message d’empowerment au féminin que distille cette pièce. Dans la salle, ce soir-là, beaucoup de jeunes filles et jeunes hommes ont confirmé par leurs applaudissements nourris et leur enthousiasme que la danse avait aussi ce rôle à jouer en matière d’inspiration intergénérationnelle.
Sur tes épaules de Nawal Aït Benalla. Avec Anna Beghelli, Élise Bruyère, Marion Frappat, Jade Lada, Johana Malédon, Chloé Moynet, Maé Nayrolles. Vendredi 6 octobre au Théâtre Silvia Monfort. À voir le 16 février 2024 à la Maison des arts du Léman à Thonon-les-Bains (74).
Fanfan
Bonsoir j’ai vu un extrait du spectacle dans Culture Box et la thématique m’intéresse énormément. Les percussions et les danses m’ont vraiment captivé. Allez vous vous déplacez de département en département pour que le plus grand nombre puisse vous découvrir. Je vous souhaite un grand succès. Merci pour cette belle énergie ❤️