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[Sortie ciné] Resilient man de Stéphane Carrel

Une grave déchirure du tendon d’Achille aurait pu mettre un terme à sa carrière. Mais Steven McRae, Principal au Royal Ballet de Londres, a tout fait pour conjurer le sort en se consacrant corps et âme à sa reconstruction. Le réalisateur Stéphane Carrel, fin connaisseur de l’univers de la danse, l’a suivi pendant près de deux ans empruntant avec lui cet éprouvant chemin semé de doutes et d’espoir. Resilient man se révèle une formidable plongée dans l’intimité d’un des interprètes les plus doués de sa génération. Et une réflexion subtile sur le métier de danseur sans dolorisme ni apitoiement. Les connaisseurs et connaisseuses s’en délecteront, les profanes découvriront un monde fascinant.

 

Resilient man de Stéphane Carrel

 

C’est sans doute l’un des moments les plus émouvants du film Resilient man de Stéphane Carrel. Steven McRae répète Rhapsody avec Lesley Collier, ancienne Principal au Royal Ballet. Ce ballet créé par Frederick Ashton pour Mikhaïl Baryshnikov est un feu d’artifice technique. Conscient de sa fragilité, le danseur se confie sur ses appréhensions sous le regard bienveillant de la septuagénaire qui dansa ce ballet à sa création. « Avec l’âge, beaucoup de parties du corps ne réagissent pas, c’est là que le talent artistique entre en jeu. Fonce avec ce que tu as maintenant et construis d’autres choses. Plus tu travailles avec sincérité plus tu auras de chance de vivre longtemps. » Magnifique conseil sur l’acceptation de soi face à un corps avec lequel chacun.e doit composer.

Si l’on démarrait là la diffusion du film, il serait presque impossible de déceler dans cet extrait-là que Steven McRae a failli ne plus jamais danser. Même quand il marque les pas, il est éblouissant ! Un charisme éclatant qui irrigue chaque instant de ce documentaire. Le couturier Paul Smith qui a conseillé à Stéphane Carrel de s’intéresser au danseur avait vu juste. Le réalisateur a laissé passer du temps et a recontacté Steven McRae après son accident pour lui proposer de le suivre dans sa reconstruction. En effet, le 16 octobre 2019, le danseur s’écroule en pleine représentation de Manon : rupture du tendon d’Achille. Une blessure grave qui peut marquer la fin d’une carrière. Pas pour le danseur prêt à se lancer dans cette bataille.

 

Resilient man de Stéphane Carrel

 

Pendant deux ans, le danseur blessé s’est consacré tout entier à retrouver la scène, à renouer avec son métier, à réapprivoiser ce pied qui l’a lâché presque sans crier gare au faîte de sa carrière. Stéphane Carrel le filme au plus près dans son quotidien centré autour de cette convalescence puis ce travail de réappropriation de son corps. Mais aussi dans ses relations avec ses trois enfants, ses échanges avec son épouse Elizabeth Harrod, ancienne danseuse du Royal Ballet, l’une des piliers de cette reconstruction. Rarement on a vu un danseur se livrer avec autant de sincérité. Une masculinité sensible qui ose faire face à sa vulnérabilité.

Resilient man est aussi l’occasion d’en apprendre davantage sur ce danseur exceptionnel qui a grandi en Australie. Comme beaucoup de jeunes garçons, il découvre la danse en allant chercher sa sœur à son cours. C’est le coup de foudre. D’abord passionné de claquettes (discipline dans laquelle il excelle), il découvre ensuite la danse classique. À 17 ans, il gagne le Prix de Lausanne et rejoint directement la Royal Ballet School de Londres. deviendra Principal de la compagnie cinq ans plus tard et enchaînera les rôles avec voracité.

Le film raconte combien, à l’image de beaucoup de danseurs et danseuses, Steven McRae a repoussé sans cesse ses limites, ne voulant pas écouter les alertes lancées par son corps, se bourrant d’antidouleurs. Il évoque aussi la prise de conscience et la volonté de donner l’exemple. « Promettez-moi de faire passer votre santé avant tout« , enjoint-il les élèves de la Royal Ballet school.

 

Resilient man de Stéphane Carrel

 

La magie de l’art vivant est de cacher aux spectateurs et spectatrices les efforts déployés pour offrir un spectacle tout en virtuosité. Sans en affadir le mystère, la caméra pénètre les coulisses, montre l’effort, la douleur, les doutes, mais aussi le bonheur, la complicité avec les partenaires ou les répétiteurs. Si certains danseurs sont des dieux vivants sur scène, une fois en coulisses, ils redeviennent humains et vulnérables. Steven McRae ose se montrer en « roi nu ».

Portraitiste doué, Stéphane Carrel livre un film d’une grande beauté plastique. Il filme au plus près ce corps musclé, affûté, métamorphosé par l’épreuve. Si le mot résilience est souvent galvaudé, il semble ici choisi avec beaucoup d’à propos pour décrire ce que cet incroyable danseur a dû déployer pour surmonter ce traumatisme. La racine latine du mot n’est-elle pas resilio qui signifie rebondir ? L’art du rebond, une parfaire définition de la danse.

 

Resilient man de Stéphane Carrel – 1h30 – En salles le 17 avril 2024.

 

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Commentaires (3)

  • Edith

    Il est regrettable de ne pas le voir à l’affiche dans notre Cinéma Art et Essais sur annecy

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  • Millepied denys

    A noter que la musique de ce remarquable film documentaire est composée par Sylvain Millepied , frère de Benjamin Millepied ..

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  • Chatelain Francoise

    Je viens de voir ce film , magnifique . C’est touchant , émouvant de voir le travail acharné de ce grand danseur pour pouvoir remonter sur scène . L’ occasion aussi de voir les coulisses du Royal Ballet , avec une formidable équipe médicale qui n’ existe peut-être pas partout , ses grandes danseuses actuelles et d’ hier , de splendides moments de ballets , allez-y !

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