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Mette Ingvartsen – Rush à Montpellier Danse, Skatepark aux Nuits de Fourvière

Difficile de manquer Mette Ingvartsen cet été ! La performeuse, chorégraphe et danseuse danoise est de tous les festivals. À Montpellier Danse, elle a montré en première française Rush, pièce retraçant 20 ans de création. Un objet artistique unique en son genre, à la fois performance en soi, réflexion personnelle et outil pédagogique savoureux pour initier aux spectacles sortant des cadres. Une œuvre qui doit beaucoup à son interprète Manon Santkin, incroyable performeuse qui travaille depuis de longues années avec Mette Ingvartsen. La chorégraphe présente ensuite Skatepark aux Nuits de Fourvière, pièce bien plus gentillette autour de la culture du skate, mais qui peut se regarder sans déplaisir.

 

Rush de Mette Ingvartsen – Manon Santkin

 

 

Comment expliquer l’acte de la performance au public qui n’y est pas initié ? Comment vaincre cette appréhension de n’y “rien comprendre” ? La performance a de déstabilisant qu’elle n’a aucun code des spectacles attendus. La danse, le texte, l’installation, le corps même des artistes en plateau, beaucoup d’autres choses encore, se mêlent pour créer un objet artistique qui n’entre dans aucune case, mais qui à sa façon émeut même si l’on n’y comprend rien, transporte, interroge, glace, fait rire, dérange même si l’on y comprend tout, défend un discours politique. C’est ainsi ce qui peut perturber un public néophyte : ne pas savoir à quoi se raccrocher, être en tant que spectateur et spectatrice dans une zone d’inconfort.

Mette Ingvartsen, spécialiste des performances improbables, a monté cette saison Rush pour fêter ses 20 ans de créations, montrée en première française au festival Montpellier Danse. Formée chez P.A.R.T.S (l’école d’Anne Teresa de Keersmaeker) au début des années 2000, s’est vite entourée d’une bande de fidèles interprètes et a commencé à monter ses propres pièces alors qu’elle était encore étudiante, avant de fonder sa propre compagnie en 2003. Pour marquer cette étape importante dans sa carrière, la chorégraphe a ainsi monté une pièce reprenant des extraits de ses œuvres importantes, retraçant ainsi son parcours. Mais Rush n’est pas qu’un simple patchwork. C’est aussi l’occasion pour Mette Ingvartsen d’expliquer ce qui a compté à ses yeux au moment de la création, comment certaines scènes se sont montées, ce qui a été difficile, comment tout s’est construit petit à petit. Presque comme une artisane, montant ses œuvres petits bouts par petits bouts, sans la prétention de changer le monde, mais tout du moins de répondre à ses propres aspirations.

 

Rush de Mette Ingvartsen – Manon Santkin

 

Les différentes pièces de Mette Ingvartsen comptaient souvent du monde en scène. Mais Rush est un solo, porté par l’immense interprète Manon Santkin. Peut-être même que Rush n’a été créé que pour elle, tant cette interprète porte avec force, conviction et folie cette performance pas comme les autres. C’est elle, ainsi, qui raconte les œuvres – et se raconte par la même occasion. C’est elle qui explique le sens des pièces, ce qu’elles sous-entendaient, comment elles ont été construites, ce que l’on ressentait en tant qu’interprète. La fatigue, la joie, l’état de transe. La difficulté aussi. Les performeurs ont cela de fascinant qu’ils peuvent aller dans des états extrêmes sans visiblement en être dérangé. Mais la nudité ne va pas de soi. Rush démarre ainsi par la voix de Manon Santkin en coulisse, racontant comment elle se prépare à être nue devant tant de gens, ce que cela crée en elle, la transpiration qui arrive, son corps qui a changé après sa grossesse. Idem pour la sexualité, sujet au centre de certaines œuvres de Mette Ingvartsen. Et Manon Santkin de raconter, dans une scène savoureuse, les bruits d’orgasme que les interprètes avaient dans l’oreille pour se donner du rythme quand il fallait en mimer. Procédé testé en direct par quatre membres volontaires du public.

Pendant plus d’une heure, Manon Santkin tient la scène, crée une performance, raconte la performance, devient une performance. Elle met son corps en jeu en permanence, ne cesse de le transformer au fil des pièces qui défilent, se met à nu (au sens propre comme au figuré). Et raconte, entre les lignes, ce qu’est sa carrière à elle et ce que c’est de performer. Rush n’échappe pas à quelques longueurs. Mais réussit l’exploit de pouvoir être savourée par les spectateurs et spectatrices qui adorent les performances… comme par ceux et celles qui les détestent.

 

Rush de Mette Ingvartsen – Manon Santkin

 

 

Autre festival quelques jours plus tard pour Mette Ingvartsen, et autre ambiance. Pour les Nuits de Fourvière, elle reprend sa pièce Skatepark, qui tourne beaucoup depuis 2023, à l’Opéra de Lyon. Mon collègue Jean-Frédéric l’avait vu l’année dernière, au Festival de Marseille. Je n’ai pas beaucoup de choses à dire de plus que lui. La chorégraphe met en scène une communauté de skaters et skateuses, reproduisant un skatepark sur la scène de l’Opéra – geste devenu éminemment banal aujourd’hui. Le groupe est sympathique, la performance physique incontestable. La musique à plein rythme fait forcément son effet. Mais est-on en face d’un véritable objet artistique ? J’ai comme un doute.

Skatepark se regarde toutefois sans déplaisir. Le groupe apparaît hyper soudé en scène, profondément heureux de glisser et de danser ensemble, de partager leur énergie. On repère ce grand danseur en salopette en jean, cette jeune fille si frêle de silhouette et si puissante en scène, ce gamin qui ne doit pas avoir plus de 16 ans et qui skate crânement face aux plus âgés. On s’amuse de leur concours à qui sautera le plus haut, on se laisse emporter par leur rythme et on les quitte de bonne humeur.

 

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Rush de Mette Ingvartsen, avec Manon Santkin. Mardi 25 juin 2024 au Hangar Théâtre, dans le cadre de Montpellier Danse. À voir en tournée du 22 au 24 octobre au CND de Pantin.

Montpellier Danse continue jusqu’au 6 juillet.

Skatepark de Mette Ingvartsen, avec Damien Delsaux, Manuel Faust, Aline Boas, Mary Pop Wheels, Sam Gelis, Fouad Nafili, Júlia Rúbies Subirós, Thomas Bîrzan, Briek Neuckermans, Indreas Kifleyesus, Arthur Vannes, Camille Gecchele, Mathias Thiers et la participation de skateurs et skateuses locaux de la Métropole de Lyon. Jeudi 4 juillet 2024 à l’Opéra de Lyon. À voir jusqu’au 6 juillet. À voir en tournée les 28 et 29 septembre au Festival international des arts de Bordeaux, les 21 et 22 décembre au Lieu unique de Nantes.

Les Nuits de Fourvière continuent jusqu’au 25 juillet

 

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