L’édition 2024 du Festival Cadences à Arcachon avait convié Michel Kelemenis à présenter l’une de ses dernières créations,Magnifiques, hymne joyeux à l’humanité et à la danse. Interprétée par neuf jeunes danseuses et danseurs, cette pièce mêle avec bonheur une large palette de styles savamment organisés par le chorégraphe marseillais, sur la musique de Jean Sébastien Bach et les compositions électro d’Angelos Liaros-Copola. Michel Kelemenis célèbre en beauté le plaisir de la danse dans une pièce lumineuse.

Magnifiques de Michel Kelemenis

On voit trop rarement Michel Kelemenis dans les théâtres parisiens ces dernières années. Depuis qu’il a quitté le circuit des Centres Chorégraphiques Nationaux pour créer à Marseille sa propre structure, il a quelque peu réduit son activité de chorégraphe, investissant son énergie et son talent dans la création des autres au sein du KLAP, lieu ouvert sur la ville de Marseille pour en faire une maison pour tous. Cette superbe réussite ne l’empêche guère de poursuivre à son rythme son travail personnel et de délivrer quelques pépites. Michel Kelemenis avait ainsi créé pour le Ballet du Capitole l’an dernier une pièce formidable, Loin Train se rappelant à notre bon souvenir. Le chorégraphe, qui grandit dans le sillage de Dominique Bagouet et qui fut danseur dans sa compagnie, est aujourd’hui l’un des derniers héritiers de cette galaxie lumineuse née dans les années 1980 à Montpellier. Magnifiques est sa dernière création collective conçue pour neuf danseuses et danseurs. Elle fait coexister deux univers musicaux : les sons électroniques d’Angelos Liaros-Copola et le Magnificat de Jean Sébastien Bach. “Cette partition compte parmi les premières œuvres que j’ai écoutées mille fois. Elle coule à mes oreilles comme le sirop d’une berceuse heureuse ouvrant la vie qui commence à de grandes beautés” , explique Michel Kelemenis. Cet aveu éclaire ses intentions, son désir de célébrer la jeunesse, ses espoirs et ses aspirations dans une œuvre chorale qui met en exergue la puissance du collectif.

Ce dialogue harmonieux entre deux univers musicaux trouve naturellement son incarnation chorégraphique. Elle s’initie dans un cercle plongeant les interprètes dans une pénombre épaisse. Au centre de cette ronde, un danseur ou une danseuse qui semble capter toute l’énergie du groupe. Subrepticement, c’est une autre ou une autre qui prend place au centre. Mais de ces ténèbres crépusculaires jaillissent dans une scénographie épurée, imaginée par Pierre Baudin et Cyril Casano, ces superbes lumières et couleurs de Jean-Bastien Nehr.

Magnifiques de Michel Kelemenis

Dans ce cadre d’une élégance infinie se déploie la danse imaginée par Michel Kelemenis. Le chorégraphe est un amoureux du geste dans ses multiples déclinaisons. L’ancien danseur de Dominique Bagouet ne se limite jamais à un vocabulaire univoque. Il puise dans un arsenal qui développe un large spectre stylistique, du geste académique à la danse contemporaine, d’une posture baroque à un mouvement de break dance. Mais la puissance de Magnifiques trouve ses racines dans l’excellence de l’interprétation. Les neuf très jeunes danseuses et danseurs sont impeccables : ils parviennent à écrire sur scène ces phrases chorégraphiques complexes. La sensualité des interprètes joue comme un parfait contrepoint à la scansion implacable de la partition de Jean-Sébastien Bach. Aux unissons succèdent solos ou duos, trios qui s’entremêlent dans une même harmonie des corps.

L’écriture de Michel Kelemenis est limpide, sans afféterie. Elle met constamment en valeur les corps et va chercher l’énergie qu’ils peuvent exprimer dans ce désir d’être ensemble sans renoncer à se distinguer du groupe pour mieux y revenir. Il fait émerger un univers solaire, faisant oublier les images inquiétantes du prélude. Ce geste vital est irrésistible et emporte le public dans un élan joyeux. Magnifiques fut ainsi un des moments privilégiés de Cadences 2024. C’est le tout dernier festival de la saison qui referme l’été dans le cadre magique du Bassin d’Arcachon. Au fil des éditions, le festival, sous la direction de Benoît Dissaux, étend sa zone d’intervention et part élargit son public. Avec un savant mélange de créations, de premières et de reprises nécessaires, Cadences impose une programmation éclectique et singulière.

Magnifiques de Michel Kelemenis

 
Magnifiques de Michel Kelemenis, avec Gaël Armagot, Max Gomard, Aurore Indaburu, Claire Indaburu, Anthony La Rosa, Hannah Le Mesle, Marie Pastorelli, Anthony Roques et Mattéo Trutat. Vendredi 20 septembre 2024 au Théâtre Le Miroir à Gujan-Mestras. À voir en tournée le 12 janvier à la Scène Nationale de Belfort et le 9 février au Théâtre Alexandre Dumas de Saint-Germain-en-Laye. 

VOUS AVEZ AIMÉ CET ARTICLE ? SOUTENEZ LA RÉDACTION PAR VOTRE DON. UN GRAND MERCI À CEUX ET CELLES QUI NOUS SOUTIENNENT.