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Rencontre avec Matthieu Pagès, danseur français au Ballet National du Canada

Le Ballet National du Canada s’installe au Théâtre des Champs-Élysées, à Paris, du 12 au 15 octobre dans le cadre de la saison TranscenDanses. Après être venue il y a quelques années avec le puissant Nijinsky de John Neumeier, la compagnie propose cette fois-ci une soirée mixte autour de trois chorégraphes canadiens : l’incontournable Crystal Pite et deux jeunes talents, William Yong et James Kudelka. Le jeune danseur français de la compagnie, Matthieu Pagès, danse dans deux de ses pièces. Il nous parle de ce programme 100 % canadien, de sa vie au Ballet National du Canada et de son parcours qui l’a amené dans cette compagnie.

 

Matthieu Pagès, danseur au Ballet National du Canada

 

Il n’y a pas eu beaucoup de danseurs français au Ballet National du Canada. Qu’est-ce qui vous a amené dans cette compagnie ? Quel est votre parcours dans la danse ?

C’est vrai que j’ai eu un parcours un peu particulier pour un danseur français. J’ai démarré la danse à 7 ans, dans une école privée chez moi, à Annecy. De 10 à 13 ans, j’étais élève à l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Puis je suis parti en coaching privé pendant trois ans, au conservatoire de Rambouillet et à l’école Art’Dance Studio d’Annecy. J’ai toujours eu envie d’une carrière à l’international et mes professeur-e-s m’ont encouragé en ce sens. J’ai donc tenté l’Académie de Danse de Zurich où j’ai été reçu en août 2019. J’y ai passé trois ans, en terminant le lycée et en passant mon bac par le CNED. Puis j’ai passé la saison 2022-2023 au Junior Ballet de Zurich. Mais je me suis blessé, la direction a changé avec l’arrivée de Cathy Marston et je n’ai pas pu rester une année de plus. Quand j’ai pu redanser, en mars, la saison des auditions était terminée en Europe. J’ai envoyé des candidatures un peu partout, notamment au Ballet National du Canada qui faisait partie des compagnies qui me tentaient beaucoup. J’ai auditionné et on m’a proposé un contrat de corps de ballet. C’est comme cela que je suis parti à Toronto, en juillet 2023.

 

Qu’est-ce qui vous faisait envie dans cette compagnie ?

Ils ont un répertoire génial. Et j’aime beaucoup la vision qu’a notre directrice Hope Muir, arrivée en 2022 (ndlr : remplaçant Karen Kain, qui occupait ce poste depuis 2005). Elle essaye vraiment d’apporter un nouvel univers et un nouveau type de travail aux danseurs et danseuses, en gardant toujours ce répertoire classique qui est celui du National Ballet, avec ces grands ballets que l’on retrouve chaque saison. Mais elle amène des chorégraphes émergents et nous cela nous donne l’opportunité de travailler sur des créations avec des artistes de la nouvelle génération. Cette soirée parisienne représente bien sa ligne artistique et la vision qu’elle veut apporter sur l’évolution du répertoire du Ballet National.

 

Parmi ces nouveaux chorégraphes, il y a William Young avec sa pièce Utopiverse que l’on verra à Paris, dans laquelle vous dansez. Pouvez-vous nous en parler ?

Nous avons créé cette pièce en mars 2024 et on est très heureux d’amener cette pièce au Théâtre des Champs-Élysées. C‘est le premier travail de William Young pour le Ballet National du Canada. Il est chorégraphe, mais aussi réalisateur, et il mêle tout cela dans sa pièce, entre nous les danseurs et danseuses et des projections sur le fond de scène. Nous avons découvert ces projections une fois en plateau, ce qui a donné un côté particulier à la première. Il utilise un langage contemporain, les danseuses ne sont pas sur pointes par exemple, mais qui requiert une forte technique classique, avec beaucoup de portés. Ça a été une très belle expérience de travailler avec lui, il a des idées très claires sur son travail.

 

Utopiverse de William Young – Koto Ishihara and Ben Rudi – Ballet National du Canada

 

Autre nom peu connu : James Kudelka, avec sa pièce Passion. Vous ne dansez pas dedans, mais que pouvez-vous nous dire de cette pièce en tant que spectateur ?

Je l’ai vu l’année dernière pour la première fois et j’ai beaucoup aimé. On est sur un langage beaucoup plus classique, cela crée donc un fort contraste avec les autres pièces. On est dans des interactions entre un couple de danseurs classiques, un plus contemporain et un petit groupe, autour de cette personnification de la relation amoureuse, de la recherche de la passion. C’est vraiment très beau.

 

On ne va pas présenter Crystal Pite, dont vous dansez Angel’s Atlas. Que pouvez-vous nous dire de cette pièce ?

Déjà, c’est bien de savoir que Crystal Pite est canadienne (sourire) ! Je vais avoir un avis très subjectif sur Angel’s Atlas parce que c’est l’un des premiers ballets que j’ai vus au Ballet de Zurich. J’étais alors élève et cette pièce m’a transcendé, j’ai tout de suite eu envie de le danser. Pendant mon année au Ballet Junior, j’ai eu l’immense chance de pouvoir la travailler, même si je n’ai pas pu la danser sur scène. En arrivant l’année dernière à Toronto, j’ai pu danser Angel’s Atla en tournée. Le fait d’avoir pu le travailler avec deux compagnies a été très enrichissant, les sensations n’étaient pas les mêmes. Au Ballet National du Canada, j’ai pu travailler et danser avec la distribution originale, Siphesihle November et Heather Ogden, c’était génial. Le travail de Crystal Pite nous pousse dans les limites de ce que notre corps peut endurer. C’est un travail extrêmement physique, très bas dans le sol, dans les cuisses. Et un gros travail de groupe. On doit être ensemble et il y a cette sensation de chercher à agripper l’énergie de tous les autres autour de nous pour créer cette unité.

 

Cette saison du Ballet National du Canada marquera le départ de deux de ces figures emblématiques, de Guillaume Côté et Jurgita Dronina. À l’inverse, de nouveaux Principals ont été nommés. Pouvez-vous nous en présenter quelques-uns que nous pourrons voir à Paris ?

Je pense à Siphesihle November qui danse dans Angel’s Atlas de Crystal Pite, Principal de la compagnie nommé en 2021. Je crois que je n’ai jamais vu quelqu’un qui me transcende autant quand il danse. Il a une énergie, une sorte de mobilité dans son corps, une flamme intérieure qui fait qu’on ne peut pas le quitter des yeux. Dans Utopiverse de William Young, on peut y voir danser Tirion Law, qui a été nommée Principal la saison dernière dans Don Quichotte. C’est une danseuse absolument magnifique, avec une sensibilité dans sa danse qui se retranscrit autant dans le répertoire classique que contemporain. Le départ proche de Guillaume Côté et Jurgita Dronina ne se ressent pas encore parce que nous sommes au début de notre saison. Mais les danseurs et danseuses qui sont là depuis plusieurs années m’en ont parlé, on sent qu’il y a toute une génération de grands artistes qui s’en vont.

 

Chez Crystal Pite, il y a cette sensation de chercher à agripper l’énergie de tous les autres autour de nous pour créer cette unité.

 

Qu’est-ce qui vous attend pour le reste de la saison ?

Nous allons danser Giselle, des pièces de Sol León et Paul Lightfoot qui sont très connus en Europe mais moins au Canada, c’est la première fois que le duo travaille avec la compagnie. J’ai hâte aussi des Quatre saisons de David Dawson. Et nous allons terminer la saison avec Anna Karénine de Christian Spuck, que j’avais pu danser lorsque j’étais au Ballet junior de Zurich, alors dirigé par ce chorégraphe. Et puis il y aura la grande série de Casse-Noisette à Noël, avec 28 performances sur tout le mois de décembre. C’est un marathon mais les coachs et le staff font en sorte que l’on ait la possibilité de se reposer assez pour que l’on ne soit pas surmené dans notre travail.

 

Qu’est-ce qui vous a marqué dans le quotidien de la troupe, lorsque vous y êtes arrivés il y a un an ?

J’ai été très agréablement surpris d’arriver dans une compagnie où la bienveillance et la gentillesse entre les différents grades est bien présente. Je n’ai jamais eu la sensation de ne pas pouvoir parler à quelqu’un parce qu’il est Principal. Il y a cette sensation d’unité que j’aime énormément : on va tout faire ici pour que le groupe entier s’élève et travaille en même temps.

 

Et est-ce qui vous fait envie pour la suite de votre carrière au Ballet National du Canada ?

Parmi les rôles qui me font envie, je reparle encore de ce ballet mais danser les rôles de solistes d’Angel’s Atlas de Crystal Pite serait un rêve ! Je rêve aussi toujours du Boléro de Maurice Béjart, qui est l’un des premiers ballets que j’ai vu enfant, ou Onéguine de John Cranko que l’on a dansé l’année dernière. Je suis très heureux de ma vie au Canada, je me vois poursuivre ma carrière ici si l’occasion se présente.

 

Angel’s Atlas de Crystal Pite – Ballet National du Canada

 

Enfin, est-ce important pour un danseur français travaillant à l’étranger de pouvoir danser en France ?

Cette tournée au Théâtre des Champs-Élysées fut la plus belle des nouvelles : je vais danser pour la première fois de manière professionnelle en France et je vais pouvoir danser pour ma famille, elle pourra venir me voir. Ma famille a été mon plus bel ancrage pendant toutes ces années. Je veux pouvoir leur montrer ce cadeau : tous ces efforts et ces sacrifices font que, aujourd’hui, je vis mon rêve dans une compagnie qui voyage et je peux vous en faire profiter.

 

Soirée James Kudelka / William Yong / Crysal Pite par le Ballet National du Canada, du 12 au 15 octobre au Théâtre des Champs-Élysées (Paris) dans le cadre de la saison TranscenDanses.

 

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