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[Focus Lituanie] Lora de Rachid Ouramdane / Hairy de Dovydas Strimaitis

Dans le cadre de la saison de la Lituanie en France qui se déroule jusqu’au 12 décembre, le Théâtre de la Ville a accueilli une série de spectacles dont ce double programme composé de Lora, solo de Rachid Ouramdane pour la danseuse Lora Juodkaité et de Hairy, pièce pour quatre interprètes de Dovydas Strimaitis. Cette soirée, qui explore la giration jusqu’à la transe comme fil conducteur, se révèle moins décoiffante qu’attendue, surtout dans sa deuxième proposition. Quand Lora, portrait sensible d’une femme engagée dans une démarche artistique exigeante, fascine, le leitmotiv chorégraphique et capillaire de Hairy s’essouffle, lui, sur la longueur.

 

Lora de Rachid Ouramdane

 

Les chemins de la danseuse Lora Juodkaité et du chorégraphe Rachid Ouramdane se sont déjà croisés plusieurs fois. Leur collaboration remonte à une quinzaine d’années. Dans ce solo sobrement intitulé Lora, présenté au Théâtre de la Ville dans le cadre de la saison de la Lituanie en France, il met en scène celle qu’il connait bien dans un dispositif qui lui sied parfaitement : l’épure du plateau. Un solo confession pour se raconter, tenter peut-être de livrer les clefs de cette aptitude fascinante à tourner sur elle-même. Depuis l’enfance, elle se sert de cette faculté unique et singulière pour s’apaiser, se retrouver face à elle-même.

D’ailleurs, là voici qui commence presque imperceptiblement à se hisser sur la demi-pointe. Ses bras se déploient autour de son buste dans un mouvement de torsion très doux au début. Ils décrivent dans l’air des dessins incroyables. Le rythme s’accélère comme les battements de nos cœurs. Ceux de Lora Juodkaité semblent, eux, ne pas s’emballer. Il y a tant de maîtrise dans ce mouvement en apparence simple, mais qui se complexifie en s’amplifiant. Au fur et à mesure qu’elle prend de la vitesse, elle évoque d’une voix posée quelques réflexions à propos de sa vie, explique la giration comme un rituel.

Ses bras telles deux pales d’une hélice cinglent l’air pour le rendre peut-être plus respirable. Accompagnant les inclinaisons du buste, ils dégagent une énergie puissante qui s’apparente pourtant à une lutte pacifique. Par moments, les lumières façonnent une ombre qui se lit comme une jumelle également tournoyante. Quelques éclats d’humour affleurent, l’autodérision de se prendre pour une star de comédie musicale, qui tranchent avec l’ascétisme de la proposition. Mystérieux et fascinant, ce solo appartient aux pièces qui marquent durablement.

 

Hairy de Dovydas Strimaitis

 

S’il existe plusieurs versions de la pièce de Dovydas Strimaitis, c’est un quatuor qui est présenté sur le plateau du Théâtre de la Ville, en deuxième partie de ce programme. Son titre Hairy laisse peu de place aux supputations. Tête en avant, corps moulé dans une combinaison de latex noir, jambes solidement plantées, une silhouette sans visage commence à balayer le sol avec sa chevelure. Inspiré du headbang cher aux concerts de heavy metal, le mouvement de la tête et du cou est précis et régulier. Rejointe par trois autres interprètes eux-aussi dissimulés sous leur crinière, la première poursuit ses mouvements de balanciers et ses rotations cervicales. Une musique percussive à laquelle succède sur la fin du Bach (sans que l’on comprenne trop pourquoi) accompagne leur unisson. Tout est millimétré, métronomique et au départ, fascinant tant on se demande jusqu’au cela va les mener.

Mais l’idée tourne court et se révèle au final moins surprenante qu’on ne l’envisageait. Dovydas Strimaitis ne transforme finalement pas ce mouvement capillaire initial en réelle proposition chorégraphique. Transgression esthétique chez Pina Bausch, ces chevelures détachées portaient pourtant en elles une part de rébellion qu’il aurait pu exploiter. Bien au-delà de l’épuisement dans lequel il a choisi de plonger ses interprètes.

 

Hairy de Dovydas Strimaitis

 

Focus Lituanie 2024 – Vendredi 11 octobre 2024 au théâtre de la Ville.

Lora de Rachid Ouramdane avec Lora Juodkaité ; Hairy de Dovydas Strimaitis avec Benoit Couchot, Line Lostfelt Branchereau, Lucrezia Nardone, Hanna-May Porlon. Sarah Bernhardt. À voir le 22 novembre 2024 au Festival NEUFNEUF à Toulouse, les 28 et 29 novembre 2024 à la Maison de la Danse de Lyon.

 

 

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