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Les Beautés de la Danse, 5e édition – La Seine Musicale

Quoi de mieux pour commencer cette nouvelle année qu’un bon gala de danse classique ? Le spectacle Les Beautés de la Danse a présenté un très beau programme à la Seine Musicale, où quelques solistes du Ballet de l’Opéra de Paris et certains grands noms internationaux s’étaient donnés rendez-vous pour offrirdes morceaux emblématiques du répertoire comme des pièces plus personnelles. Une soirée très plaisante marquée par la présence du bondissant Shale Wagman et de la sublime Olga Smirnova.

 

Le gala Les Beautés de la Danse 2025

 

C’est désormais devenu un rituel des balletomanes d’Île-de-France. Pour pallier à la pause hivernale du Ballet de l’Opéra de Paris, ces passionné.e.s de ballet bravent le froid du mois de janvier et la ligne 9 pour admirer Les Beautés de la danse à la Seine Musicale. Fondée à l’initiative de Gil Isoart (professeur au CNSMDP ainsi qu’à l’Opéra de Paris où il était Sujet) et Ekaterina Anapolskaya (musicologue et pianiste), cette manifestation a pour objectif de présenter les morceaux emblématiques du répertoire français et russe (entre autres), du XVIIIe siècle à nos jours.

Un programme qui offre également l’occasion d’applaudir les Étoiles et solistes du Ballet de l’Opéra de Paris dans un cadre plus intimiste. Dorothée Gilbert et Hugo Marchand – le couple star de la Grande Boutique – sont ainsi de la partie, ainsi que les plus jeunes Étoiles (mais déjà bien confirmées) Bleuenn Battistoni et Paul Marque, la Première Danseuse Inès McIntosh et Shale Wagman, la nouvelle recrue. Ce dernier, après un début de carrière prometteur à l’English National Ballet puis à Berlin, a décidé de repartir de zéro à Paris. Ce gala lui donne donc l’opportunité de montrer au public français qu’il est un soliste déjà bien aguerri. L’attrait majeur de cet événement reste surtout la possibilité de découvrir des stars internationales de la danse. Depuis deux ans, Olga Smirnovaex–Étoile du Bolchoï qui officie désormais au Dutch National Ballet suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie – honore l’événement de sa présence, ajoutant un certain prestige à cette soirée. Pouvoir admirer une telle danseuse en France est déjà un événement en soi (même si les mauvaises langues diront qu’il est plus facile d’aller à Amsterdam qu’à la Seine Musicale). L’affiche est enfin complétée par la venue de Viktor Caixeta, le partenaire de prédilection d’Olga Smirnova aux Pays-Bas, Mayara Magri et Matthew Ball du Royal Ballet de Londres, Michelle Willems du Staatsballett Berlin et d’Esteban Berlanga du Ballet de Zurich. La richesse d’un tel line-up international permet de découvrir des manières de danser différentes, repérer les variations de styles et d’esthétiques parmi les Écoles présentées, tout comme apprécier des extraits d’œuvres rarement données en France, voire inédites. Le Gala des Écoles de danse du XXIe siècle avait été particulièrement intéressant de ce point de vue. Alors qu’en est-il du côté de leurs aîné.e.s ?

 

Les Beautés de la DanseFlammes de Paris de Vassili Vainonen – Inès McIntosh et Shale Wagman

 

À cet exercice, les membres du Royal Ballet de Londres font une nouvelle fois office de premier.e.s de la classe ! Dans la première partie du programme, Mayara Magri s’élance dans le pas de deux de Coppélia avec beaucoup d’esprit. Ce n’est pourtant pas la chorégraphie de Ninette de Valois, qui est au répertoire de sa compagnie, mais celle de Arthur Saint-Léon. Mais la danseuse y présente un joli travail de bas de jambe et des épaulements très britanniques. Elle forme ici un adorable couple avec Viktor Caixeta. Les deux artistes, qui ont l’habitude de danser ensemble lors de galas, ont raconté une véritable histoire. Iels parviennent à dessiner en quelques minutes les personnages du ballet et l’intrigue qui précède le pas de deux. Les deux seraient parfaitement à leur place dans La Fille mal gardée de Frederick Ashton. Sir Frederick Ashton, parlons-en ! Le Royal Ballet ne peut être présent sans rendre hommage à l’un des maîtres incontestés de la danse anglaise. Matthew Ball propose donc une pièce rare du chorégraphe, Dance of the Blessed Spirit, un solo sur une musique extraite de l’Orphée et Eurydice de Gluck. Véritable poète, le danseur met tout son engagement au service de ce morceau et parvient à émouvoir malgré une chorégraphie austère et fugace. Un engagement et une sensibilité qu’il démontre également dans la deuxième partie avec To&Fro, un duo qu’il partage avec Mayara Magri et qu’il a lui-même créé. Rien de révolutionnaire – un couple qui se perd, se cherche puis se retrouve – mais une belle intensité se dégage de l’ensemble, avec une chorégraphie fluide et agréable, ponctuée de portés surprenants qui font leur petit effet et toujours une grande théâtralité. Une belle soirée pour les deux Principals qui ont porté les couleurs de leur compagnie avec honneur tout en montrant leurs belles personnalités artistiques.

C’est un peu plus compliqué pour Michelle Willems et Esteban Berlanga qui ouvrent la soirée avec un pas de deux extrait du Orlando de Christian Spuck, d’après le roman de Virginia Woolf. Le programme de salle met pourtant en garde : « Il est difficile d’enlever tel ou tel pas de deux ou solo d’un ballet de Christian Spuck. Tout dans sa dramaturgie et dans l’action se passe comme une ligne infinie« . Malgré des aménagements mis en place par le chorégraphe lui-même pour présenter ce passage hors contexte, le résultat ne convainc guère et laisse place à un duo vu et revu où l’homme manipule la femme dans tous les sens avec un florilège d’arabesque à 180°. Les artistes font ce qu’iels peuvent pour y insuffler un peu de vie mais je suis passé complètement à côté. Heureusement pour Esteban Berlanga, il peut se rattraper en deuxième partie avec Casi Fado, un solo que Ricardo Franco a imaginé spécialement pour lui. Le danseur puise dans ses racines ibériques et joue avec plaisir le latin lover avec son gilet grand ouvert. Plaisir partagé !

 

Les Beautés de la DanseCoppélia d’Arthur Saint-Léon – Mayara Magri et Viktor Caixeta

 

Du côté de l’Opéra de Paris, pas de raretés ou de spécialités françaises mais des gros gros tubes de galas avec Le Corsaire, Flammes de Paris et La Esmeralda. Les deux premiers extraits ont permis à Shale Wagman de montrer toute l’étendue de sa technique superlative. Au-delà de la hauteur de ses sauts et de ses pirouettes interminables, le jeune danseur impressionne par sa manière de se présenter en scène. Dès son entrée, alors qu’il n’a pas encore fait le moindre pas, il instaure une atmosphère électrique, annonçant qu’il est sur le point d’accomplir quelque chose d’extraordinaire. Quelle frustration de se dire qu’il va falloir attendre quatre ans avant de le voir atteindre le rang de soliste à l’Opéra ! À ses côtés, Inès McIntosh paraissait étonnement peu à l’aise sur Le Corsaire, en contraste avec sa belle Paquita quelques jours plus tôt. Tout passe techniquement mais elle semblait gênée par quelque chose (sol glissant ? problème de chausson ?). La danseuse est heureusement apparue beaucoup plus détendue avec Flammes de Paris. Les deux artistes ont l’habitude de danser ensemble et ça se sent : voilà un vrai couple de graines de stars.

Autre couple inédit à l’Opéra de Paris mais régulièrement programmé en gala, Bleuenn Battistoni et Paul Marque héritent du fameux pas de deux de La Esmeralda et son (tout aussi fameux) tambourin. Tout deux danse avec beaucoup de style, une technique sans faille et toujours musicale, mais leurs sensibilités artistiques sont parfois un peu trop similaires. Iels ont besoin de faire face à des partenaires plus extraverties pour les sortir de leurs retranchements. Ensemble, iels offrent de la très belle danse mais il manque cette prise de risque et ce côté M’as-tu vu, qui donne tout le sel à cette démonstration technique. Quant à Dorothée Gilbert, elle reprend La Mort du cygne de Michel Fokine, le solo que toute Prima Ballerina se doit d’interpréter une fois dans sa vie. Une occasion pour l’Étoile d’exhiber ses superbes bras ondulants (quelle tristesse de ne pas avoir vu son Lac des cygnes cet été). Malheureusement, l’émotion peine à venir et elle semble plus dans la recherche stylistique que dans l’expressivité. Elle se rattrape en fin de soirée dans les bras d‘Hugo Marchand avec le sempiternel pas de deux du baiser issu du Parc d’Angelin Preljocaj. Oui, cet extrait a été vu partout, mais cela fonctionne toujours autant. Il y a décidément quelque chose de magique quand ces deux là danse ensemble.Un reprise rapide de ce ballet s’impose avant le départ de Dorothée Gilbert !

 

Les Beautés de la Danse Le Parc d’Angelin Preljocaj – Hugo Marchand et Dorothée Gilbert

 

Et puis Olga Smirnova. Que dire qui n’a pas déjà été dit sur cette ballerine ? Loin du cliché de la danseuse russe froide, elle fait preuve d’une grande sensualité dans les Trois Gnossiennes de Hans van Manen. Elle fait face à Hugo Marchand, qui a déjà beaucoup dansé ce triptyque avec Ludmila Pagliero, mais c’est une toute autre histoire qui est proposée ici. Dans la première Gnossienne Olga Smirnova s’enroule autour de lui telle Cyd Charisse avec Gene Kelly. Et dans la dernière, elle laisse ressortir son côté slave pour un effet saisissant. L’association des deux fonctionne à merveille et le titre de cette manifestation – Les Beautés de la danseprend alors tout son sens. Dans un tout autre registre, la danseuse retrouve Viktor Caixeta pour le pas de deux de Casse-Noisette, version Jean-Christophe Maillot. Depuis La Mégère apprivoisée, le chorégraphe monégasque a fait de la ballerine russe sa muse et il faut dire que ses œuvres lui vont si bien. Le couple nous a offert là un moment suspendu, une véritable explosion de joie et d’amour, avec un brin de malice. (Et après la triste version de Rudolf Noureev l’hiver dernier, cela fait du bien de voir une chorégraphie à la hauteur de la musique de Tchaïkovsky). Cinq minutes de danse qui valaient à elles seules le déplacement. Personnellement, je ne m’en suis toujours pas remis !

Cette soirée, malgré des prestations un peu inégales, remplit ainsi parfaitement son rôle de gala. Des stars, des jeunes pousses, de belles découvertes et des classiques indémodables. À l’année prochaine ?

 

Les Beautés de la Danse – Casse-Noisette de Jean-Christophe Maillot – Olga Smirnova et t Viktor Caixeta

 

Les Beautés de la danse 5e édition. Sous la direction de Gil Isoart et Ekaterina Anapolskaya.

Orlando Pas de deux de Christian Spück avec Michelle Willlems (Staatsballett Berlin) et Esteban Berlanga (Ballet Zürich) ; La Mort du cygne de Michel Fokine avec Dorothée Gilbert (Opéra de Paris) ; Le Corsaire Pas de deux d’après Marius Petipa avec Inès McIntosh et Shale Wagman (Opéra de Paris) ; Dance of the Blessed Spirits de Frederick Ashton avec Matthew Ball (Royal Ballet de Londres) ; Coppélia Pas de deux d’Arthur Saint-Léon avec Mayara Magri (Royal Ballet de Londres) et Viktor Caixeta (The Dutch National Ballet) ; Trois Gnossiennes de Hans van Manen avec Olga Smirnova (The Dutch National Ballet) et Hugo Marchand (Opéra de Paris) ; Flammes de Paris Pas de deux de Vassili Vainonen avec Inès McIntosh et Shale Wagman ; Casi Fado de Ricardo Franco avec Esteban Berlanga ; ‘To&Fro’ de Matthew Ball avec Mayari Magri et Matthew Ball ; La Esmeralda Pas de deux d’après Marius Petipa avec Bleuenn Battistoni et Paul Marque (Opéra de Paris) ; Casse-Noisette Pas de deux de Jean-Christophe Maillot avec Olga Smirnova et Viktor Caixeta ; Le Parc Pas de deux d’Angelin Preljocaj avec Dorothée Gilbert et Hugo Marchand. Dimanche 12 janvier 2025 à l’auditorium de La Seine Musicale.

 
 

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