Le Corsaire – Alina Cojocaru et Osiel Gouneo (English National Ballet)
Sur Danses avec la plume, nous commençons à bien connaître Le Corsaire d’Anne-Marie Holmes, remonté pour l’English National Ballet en 2013. Je l’avais découvert quelques mois après sa création avec la Reine Tamara Rojo, tandis qu’Emma Yanatchkov l’avait revu en janvier 2016 avec Laurretta Summerscales, nommée Principal ce soir-là. La tournée parisienne de la troupe anglaise a été l’occasion d’une troisième distribution, menée par l’impériale Alina Cojocaru. Ce ballet en technicolor est à prendre comme il est : un divertissement brillant sans une once de psychologique, où les personnages ne sont multipliés que pour multiplier les variations pyrotechniques. Le public comme les artistes de l’English National Ballet l’ont abordé exactement de cette manière, ce qui a assuré la réussite de la soirée. Un « Guilty Pleasure » d’autant plus savoureux que ce genre de ballet est rare à Paris, et que l’ENB a une pléthore de talent pour faire le spectacle.
Faut-il d’abord résumer l’histoire ? Non, parce que franchement, la trame n’a aucune importance (puisque l’on vous dit que tout le monde n’est sur scène que pour enchaîner les variations). Le premier acte est un délice de moments surréalistes, entre des danses russes sur fond de mosquées d’Istanbul, ou une esclave en tutu de princesse. Les costumes des jeunes premières brillent de mille feux, les jeunes premiers sourient de toutes leurs dents, il y a un méchant très méchant (Lankedem, le marchand d’esclaves) et un méchant désopilant (le pacha). C’est Amour, gloire et beauté sur pointes.
Au milieu de ce joyeux monde, Alina Cojocaru arrive à incarner avec Médora une héroïne romantique et dramatique sans que cela ne soit à un seul moment ridicule. Véritable Prima Ballerina, la danseuse mène avec grâce et charme toute la troupe, auréolée d’un charismatique radieux qui n’est jamais forcé. Osiel Gouneo est à la fois un partenaire attentif et mettant en valeur son Étoile, tout comme un danseur bondissant et portant fier la technique masculine. Il a le plus beau sourire ultra-bright de la terre, il saute haut, il prend son personnage absolument au premier degré, et c’est tout ce qu’on lui demande. Il est aussi bien entouré, entre le puissant Yonah Acosta en Ali et le tout jeune Cesar Corrales en Birbanto (véritable révélation de la tournée, et future grande Étoile de sa génération). Les danseuses ne sont pas en reste, avec Laurretta Summerscales brillante en Gulnare, ou la délicate Shiori Kase en Odalisque. Cette dernière s’était déjà faite remarquer la veille en Gulnare, avec une danse fine et ciselée, d’une grande musicalité, d’une précision qui n’a rien à envier à l’école française un haut du corps expressif en plus. Elle a d’ailleurs été nommée Principal à la fin de cette tournée parisienne.
Le deuxième acte est évidemment dominé par le sublime pas de trois (Médora/Conrad/Ali). Tout le ballet ne semble être en fait qu’un écrin pour ce moment magique, où la virtuosité devient trame dramatique (va-t-il sauter plus haut ? va-t-elle tourner plus vite ?). Sans qu’à aucun moment ce passage ne se transforme en numéro de foire, les trois artistes ont déployé toute leur magistrale technique pour emmener le public dans un grand huit étourdissant. Et oui, la virtuosité peut aussi provoquer des émotions quand elle est poussée à ce niveau. Le troisième acte est marqué pour sa part par le Jardin animé, le rêve du pacha. Place cette fois-ci au corps de ballet, bien en place, et aux qualités lyriques d’Alina Cojocaru, si à l’aise dans ce genre de danse. Ensuite, il y a des coups de feu, un bateau qui coule, Ali qui tombe à l’eau et visiblement tout le monde s’en moque, et le couple héros qui réapparaît tout heureux accroché à un rocher (un bout du bateau ? une île ? en fait tout ça n’est qu’un rêve ? le débat est ouvert). Un tel divertissement ne pouvait avoir qu’un happy end, forcément.
Le Corsaire d’Anne-Marie Holmes par l’English National Ballet au Palais Garnier. Avec Alina Cojocaru (Médora), Osiel Gouneo (Conrad), Laurretta Summerscales (Gulnare), jinhao Zhang (Lankedem), Yonah Acosta (Ali), Birbanto Cesar Corrasles) et Michael Coleman (le Pacha). Mercredi 22 juin 2016.
Pirouette24
J’ai personnellement moyennement aimé ces spectacles du Corsaire, mais à cause du ballet lui même que j’ai trouvé kitsch et sans intérêt, en revanche j’ai vraiment aimé les danseurs de cette compagnie (j’ai vu Rojo et Cojocaru) , je les ai trouvé scéniques, explosifs, sans limites, moins bridés que les danseurs de l’opéra et plus généreux, en fait ça m’a surtout donné envie de les voir dans d’autres ballets! C’était une très bonne idée de Millepied de les inviter car il sont proposé des choses qu’on ne voit pas habituellement sur la scène de Garnier (en revanche je doute qu’il soient réinvités de si tôt, j’ai ouï dire que Mlle Dupont à très mal prit que Tamara Rojo se permette de nommer une principale sur la scène de l’Opéra ;D…) je me joins au fanclub de César Corales; une star en devenir, car en plus d’être un brillant technicien il raconte une histoire! et j’ai en revanche été déçue par Hernandez que j’ai trouvé assez effacé en fait. Et j’aurai aimé voir Laurette Summerscales dont on m’a dit le plus grand bien!