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La Belle au bois dormant – Laura Hecquet et Audric Bezard

Ce qui est bien (ou pas) avec le Concours de promotion, c’est que l’on a finalement jamais fini d’en parler et d’en débattre. Ainsi, un mois après, l’on pouvait entendre du côté de Bastille : « Mais comment n’a-t-elle jamais pu être promue Première danseuse ?« .

« Elle« , c’est Laura Hecquet. Il y a plus de dix ans, elle rentrait dans le corps de ballet avec l’étiquette de « jeune espoir à suivre ». Elle n’a eu finalement que peu de premiers rôles. Pourtant, lors de sa prise de rôle d’Aurore dans La Belle au bois dormant, elle est bien rentrée en scène comme une soliste aguerrie, fière et brillante. Non seulement elle a déjoué (presque) tous les pièges techniques de ce rôle exigeant. Surtout elle a apporté un personnage construit, de la poésie  et de la finesse, comme si ce rôle n’était pas une première.

Laura Hecquet et Audric Bezard - Saluts de La Belle au bois dormant

Laura Hecquet et Audric Bezard – Saluts de La Belle au bois dormant

Dans l’acte 1, Laura Hecquet met en pratique ce qui a été vu lors de la répétition publique : de la tendresse pour Maman, un peu de timidité pour Papa, de l’intérêt amusé pour ces quatre Princes, surtout des 16 ans triomphants. Si l’Adage à la Rose est resté un peu crispé (avec un petit plantage au pire moment), la danseuse a enchaîné avec une superbe variation. Un soin particulier était apporté au travail de bras, affiné et musical, très vivant. Elle jouait véritablement un rôle, apportant de la théâtralité à ce ballet qui peut sembler un peu plat dans sa dramaturgie. Et sa piqure avait un vrai goût d’émotion et de frayeur.

Le deuxième acte restait un peu en deçà. Audric Bezard a une belle danse, un peu brut de décoffrage par moments, mais quelque chose de brillant dans le geste. Il semblait par contre se chercher un peu sur l’interprétation, ce qui ne pardonne pas sur un solo de dix minutes. Laura Hecquet aussi donnait l’impression de ne pas trop savoir dans quelle direction aller pour ce passage de la vision.

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Mais dès le retour du faste et des paillettes de l’acte III, les deux danseurs ont de nouveau retrouvé toute leur aisance et leur brio. Leur pas de deux fut ainsi véritablement l’apothéose d’un final brillant, à la fois en tant que danseur et danseuse qu’en tant que couple, très bien accordé. Le duo des chats (Lydie Vareilhes et Axel Ibot) fut excellent de drôlerie. L’Oiseau bleu et la Princesse Florine (Charline Giezendanner et Marc Moreau), sans atteindre l’enchantement de Myriam Ould-Braham et Mathias Heymann, furent brillants. Laura Hecquet et Audric Bezard, véritablement roi et reine, conclurent enfin comme il se doit cet acte fastueux, qui emporte vraiment par sa beauté du geste.

Mission réussie, donc, pour ces deux interprètes. Ils ont su vraiment raconter une histoire et y insuffler de la poésie, ce qui n’est pas forcément évident avec cette production où la trame n’a que peu de place. Tant pis pour le corps de ballet, plus brouillon que lors la première, des fées du prologue plus inégales et de l’orchestre qui a multiplié les pains.

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Le Premier danseur devrait désormais avoir plus souvent sa chance dans les grands rôles classiques. Pour Laura Hecquet, c’est un peu plus délicat, sa position de Sujet la ramenant dans le corps de ballet et les petits rôles. Elle a pourtant l’âme d’une soliste et une belle personnalité artistique, tout en délicatesse.

 

La Belle au bois dormant de Rudolf Noureev, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Laura Hecquet (Aurore), Audric Bezard (Désiré), Vincent Cordier (le Roi), Amélie Lamoureux (la Reine), Marie-Solène Boulet (la Fée Lilas), Sabrina Mallem (Carabosse), Bruno Bouché (Catabulte), Charline Giezendanner (Princesse Florine) et Marc Moreau (l’Oiseau bleu). Samedi 7 décembre 2013.

Commentaires (9)

  • MUC

    J´y était et j´ai beucoup aimé. Néanmoins je ne suis pas tout a fait d´accord sur Laura Hecquet, Se planter sur l´adage a la rose…. c´est quand même embêtant.Elle n´a pas bien dosé ses efforts dans des attitudes et tours (où la jambe trop haute au début était très lourde en fin d´exercice). Je comprends qu´elle n´ai pas été promue au concours. Son jeu ne m´a pas convaincue non plus, un peu plat. Audric Bézard lui m´a bien plu. L´oiseau bleu, Marc Moreau superbe, les chats très bien et coquins, une des fées pas vraiment en place (remplacement de dernière minute ?) mais dans l´ensemble spectacle enchanteur. J´ai vu que Brigitte Lefevre était dans la salle mais pas vraiment souriante!

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  • wong

    Effectivement le physique de Hecquet est assez ingrat pour ce type de rôle et les accrocs techniques se sont multipliés on va dire au mauvais moments. La proposition dans l’ensemble est restée fade et appliquée, sans même l’audace d’une prise de risque jusque au final terne et sans apothéose. La déception vient de là . J’ai préféré de bien loin la prise de rôle de Bourdon beaucoup plus fraîche, plus brillante et complètement dans la poésie du personnage. Et même si ce n’était pas toujours parfait non plus, en revanche il s’est passé quelque chose tout au long de cette soirée et le public ne s’y est pas trompé qui a réservé à ce couple Bourdon Duquenne, plutôt insolite au départ, mais très sincère et battant, plusieurs rappels enthousiastes.

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    • a.

      je ne comprends pas bien en quoi le physique de Laura Hecquet est ingrat????? Parce que, sans être un laideron absolu, je signerais tout de suite pour avoir le même qu’elle!

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  • lopatkino

    Tout d’abord, merci à Amélie pour ce compte-rendu, qui a le mérite d’attirer l’attention sur une distribution « secondaire », peu commentée par ailleurs sur le net.
    Je suis ravi pour ma part d’être tombé sur cette distribution, en particulier la merveilleuse Aurore de Laura Hecquet, que je ne connaissais pas.
    Dès son entrée en scène, on sent le personnage vivre et respirer, sans artifice ni afféterie, travers auxquels succombent trop d’interprètes de ce rôle. Elle a de plus une réelle présence sur scène, d’une grâcieuse simplicité.
    Ses équilibres difficiles dans l’acte I suscitaient certes quelques réserves et inquiétudes. Je me suis alors dit qu’en tant que sujet plutôt cantonné à danser dans le corps de ballet, elle n’allait pas avoir assez d’expérience en tant que soliste pour endosser un rôle si lourd.
    Je me trompais, car la suite a été splendide. La ballerine m’a paru complètement libérée, et tout y était : assurance, légèreté, fermeté, précision, vivacité, et surtout, finesse et musicalité, qualités primordiales que peu de danseuses possèdent, et qui me touchent bien plus profondément que la brillance ou la simple virtuosité.
    Je suis sorti du spectacle enchanté d’avoir découvert cette superbe personnalité artistique. Et j’aimerais tant découvrir ce qu’elle est capable d’apporter à d’autres grands rôles du répertoire.

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  • wong

    C’est vrai que je suis étranger, mais en français, un « physique ingrat » veut juste dire un « physique sans grâce »
    et dans la danse, on parle bien du physique d’un danseur, sans porter pour autant un jugement sur les traits de la personne qui va utiliser son aspect physique pour s’exprimer en tant qu’artiste.
    Veuillez toutefois m’excuser de l’expression si elle vous offense….. mais j’ai déjà lu pire !

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    • a.

      J’entends mieux ce que vous voulez dire, mais je ne le trouve toujours pas ingrat, au sens où vous le dîtes. Étrange comme les avis sont tant partagés… j’ai toujours l’impression que tout le monde est emballé quand je le suis et inversement! (trop narcissique???) Je suis toujours si étonnée des divergences de goût! Pourquoi donc la trouvez-vous sans grâce? ça m’intéresserait de le savoir – si c’est descriptible…

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  • wong

    Je dirais que de la diversité des opinions nait la richesse du forum lui même. Ce qui est descriptible c’est ce que chacun attend d’un personnage . Ce qui est effectivement plus délicat à expliquer, c’est pourquoi tout d’un coup le rêve se brouille, soit parce qu’il n’est plus en accord avec le fantasme du spectateur, soit parce que, même à contre emploi
    ( ce qui est mon sentiment pour ce qui concerne cette ballerine dans ce rôle) l’artiste transcende l’imaginaire et fait mouche . C’est (pour moi) le cas également de Ludmilla qui en revanche traverse habilement le miroir. Oui il y a une alchimie particulière qui opère ou non sur la sensibilité de chacun.

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