2013, bilan d’une année danse et Top 10 des représentations
À chaque 31 décembre son bilan de l’année ! Que s’est-il passé sur la planète danse durant les 12 derniers mois ? Quels événements ont marqué l’actualité du ballet ? Rétro d’une année riche en changements (à défaut d’être riches en représentations inoubliables), forcément subjective, à compléter selon vos souvenirs.
La troupe de l’année (dans les bons comme les plus terribles moments)
2013 a commencé d’une terrible façon pour le Ballet du Bolchoï. Le 17 janvier, son directeur Sergei Filin est victime d’une attaque à l’acide. Ballerine vexée de ne pas être distribué ? Concurrent jaloux ? Alors que l’ancien danseur part à l’étranger pour se soigner et espérer retrouver la vue, le grand déballage commence à Moscou. Pendant 12 mois, la compagnie ne sera pas épargnée, entre une Étoile ultra-mégalo qui s’en va, la rumeur de scandale sexuel ou des accusations racistes sur l’école de la compagnie.
Difficile de faire plus glauque. Pourtant, sur scène, rien n’en paraissait. La troupe n’a même rarement autant brillé que cette année, créant l’événement à chaque spectacle et tournée. Ce sont des Étoiles plus fantastiques les unes que les autres (Svetlana Zakharova, Maria Alexandrova, Evguenia Obraztsova…), des arrivées fulgurantes (Olga Smirnova), des re-créations (Marco Spada), des entrées au répertoire excitantes (Onéguine), des créations… C’est aussi une compagnie qui s’impose un peu partout dans le monde grâce aux retransmissions en direct au cinéma de ses ballets, un succès auprès du public. La tournée parisienne de la troupe en janvier affiche d’ailleurs complet depuis des mois. Le Bolchoï, troupe de l’année 2013 ? Sans aucun doute.
L’arrivée fracassante
Allez, soyons honnête. Même si le bruit courait depuis quelques semaines, personne ne croyait vraiment à l’arrivée de Benjamin Millepied à la tête du Ballet de l’Opéra de Paris. C’est pourtant son nom qui est annoncé fin janvier. La presse s’emballe et multiplie les portraits du danseur Étoile et chorégraphe ultra-demandé. Pourtant, le futur directeur est pour l’instant resté discret sur sa ligne artistique, se contentant de phrases vagues et politiquement corrects pour ne froisser personne. Car les relations sont tendues entre la nouvelle et l’ancienne direction. Benjamin Millepied a ainsi dû attendre 10 mois avant de pouvoir enfin rencontrer ses futur-e-s danseurs et danseuses. En attendant, il a tourné dans le monde avec son L.A. Dance Project, ou avec sa femme l’actrice Natalie Portman lors de premières.
Les départs fracassants
Entre le couple Alina Cojocaru /Johan Kobborg et le Royal Ballet de Londres, cela semblait être une histoire qui dure. Pourtant, coup de tonnerre en juin 2013 : le couple s’en va et fera ses adieux quelques jours plus tard. Les fans sont presque en deuil, mais assez vite consolés. Car deuxième coupe de théâtre, Alina Cojocaru part pour traverser la rue et devenir Étoile à l’English National Ballet, nouvellement dirigé par Tamara Rojo. Un camouflet pour la troupe de Coven Garden, le mercato se faisant en général dans l’autre sens. Johan Kobborg a pour sa part pris la direction du Ballet National de Roumanie.
Plus franco-français, un autre départ a agité le public parisien en juin : celui de Mathilde Froustey. La jolie Sujet adorée du public, qui n’arrivait pas à accéder au poste de Première danseuse, se voit offrir un poste de Principal Dancer au San Francisco Ballet, pour au moins un an. Au-delà d’un choix artistique personnel, ce départ fait réfléchir sur la gestion des talents à l’Opéra de Paris. Elle n’est pas la seule Sujet à avoir été bloquée dans la hiérarchie, par manque de place d’abord, par des promotions qui ne font pas toujours l’unanimité aussi.
Les festivités
2013 fut l’année des festivités, parfois jusqu’à l’overdose. Ce fut d’abord les 100 ans du Sacre du Printemps, avec de nombreuses relectures de la part de chorégraphes contemporains. Ce fut surtout une très belle soirée au Théâtre des Champs-Élysées (qui fêtait aussi son centenaire) avec le Ballet du Mariinsky, qui a dansé la plus ancienne des versions du Sacre et la plus récente (une création de Sasha Waltz).
2013, ce fut aussi l’année du Tricentenaire de l’École de Danse Française. Une commémoration presque pénible pour le public au début, entre déluges de « Suprématie de l’École française » et de « Dédain de la virtuosité » à chaque interview de personnalités de l’Opéra. Sans compter la soirée anniversaire, privatisée et fermé au public populaire par des prix inabordables. Et puis tout s’est bien terminé : une jolie photo dans le grand escalier de Garnier, un adorable et long documentaire sur l’École aujourd’hui, surtout un Gala des Écoles de Danse très festif, où les Petits Rats se sont retrouvés entourés de talents du monde entier.
2013, enfin, ce fut l’année Noureev, célébrée un peu partout dans le monde. À Paris, ce fut paradoxal : une pluie de portraits montrant toute l’importance primordiale de Noureev sur le Ballet de l’Opéra de Paris aujourd’hui, et un gala hommage ennuyeux et triste, préparé visiblement à la va-vite. Il fallut attendre le gala Noureev & Friends par Charles Jude au Palais des Congrès pour retrouver l’esprit de panache et de fougue du célèbre danseur russe.
Les adieux
Agnès Letestu a fait ses adieux en 2013… Et c’est le début d’une page qui se tourne. Elle est la dernière des Étoiles Noureev, la première d’une série de départs qui marquent vraiment la fin d’une époque. Nicolas Le Riche, Aurélie Dupont ou Isabelle Ciaravola vont suivre en 2014-2015. Et qui pour les remplacer ? La nouvelle génération a eu du mal à prendre ses marques cette année, et ne s’est véritablement imposée que lors de la belle série de La Belle au bois dormant, en décembre.
À l’École de Danse, cette année marque le départ de deux grands pédagogues : Francesca Zumbo et Bernard Boucher.
Le retour
C’est une fracture de fatigue qui a mis du temps à guérir, mais qui y est finalement arrivée. Pendant plus d’un an, Mathias Heymann a été loin de la scène. Son retour, fulgurant, fut l’un des rares grands moments du gala Noureev de l’Opéra de Paris. Un solo court, Manfred, à peine quelques minutes en scène, mais tout était dit. La fougue, le bondissement, le charisme, l’envie… Mathias Heymann était de retour, au plus grand de sa forme. Il n’a depuis cessé de briller à chacune de ses apparitions.
Les nominations
L’Opéra de Paris a vu deux nominations cette année : Eleonora Abbagnato en mars sur Carmen et Alice Renavand en décembre sur Le Parc. Deux nominations qui ont questionné (mais pourquoi avoir attendu tout ce temps ?) ou qui n’ont pas forcément rencontré un enthousiasme débordant malgré la qualité de ces deux danseuses. La nouvelle génération doit attendre encore un peu.
Les déceptions
Le Ballet de Vienne était attendu de pied ferme par le public parisien aux Étés de la Danse. Mais le résultat n’était pas forcément à la hauteur de l’attente, entre un premier programme peut-être un peu trop ambitieux et une longue série de Don Quichotte, donné à peine six mois plus tôt à Paris. La troupe n’a aussi pas eu de chances avec quelques blessures. Malgré sa qualité et l’aura de Manuel Legris, la compagnie n’a donc pas fait ni le plein ni le buzz. Côté création, Le nouveau Boléro très attendu de Sidi Larbi Cherkaoui pour le Ballet de l’Opéra de Paris a déçu. Derrière un discours séduisant sur la façon de renouveler un mythe, ce ne fut que de jolies lumières et de la poudre aux yeux. Vite vu et vite oublié.
Dans la catégorie gâchis, le CNSMDP arrive en tête avec l’éviction de Clairemarie Osta, un an tout juste après avoir été nommée directrices des études chorégraphiques. Pas un mot sur son programme pédagogique, il ne s’agissait que d’une guerre personnelle.
Top 10 des représentations
1 – La Sylphide Mathias Heymann/Evguenia Obraztsova
Sur le coup, ce ne fut pas forcément un moment incroyable. Mais les mois passant, ce sont décidément ces images qui me reviennent en tête : la si délicate façon de danser d’Evguenia Obraztsova, le charisme de Mathias Heymann, le corps de ballet si accordé, le parfum si particulier de cette version de Pierre Lacotte… Un beau moment de danse.
Énormément d’imagination, douze formidables talents, une danse virtuose et libérée, de l’émotion et du rire… Un vrai coup de coeur décidément pour ce jeune chorégraphe.
Il y a toujours du Pina Bausch dans un TOP 10 danse… Kontakthof, ce fut dense et très prenant. Une soirée parfois violente mais dont on ressort étrangement apaisé. Unique.
4 – Carmen de Roland Petit par Nicolas Le Riche et Eleonora Abbagnato
La première de Carmen en mars avait laissé un goût de déception. L’oeuvre aurait-elle mal vieilli ? Il suffit de la voir quelques jours plus tard avec Nicolas Le Riche et Eleonora Abbagnato pour être sûr du contraire. Un moment intense, violent et charnel.
5 – Evguenia Obraztsova et Tamara Rojo au Gala Noureev & Friends
Pour l’absolu charme stylistique de la première dans La Belle au bois dormant. Pour l’engagement émotionnel total de la deuxième dans L’Histoire de Manon, capable de vous faire pleurer en trois minutes. Deux grands moments dans un gala d’une très haute tenue, dont le public parisien n’était pas habitué.
Et de la sixième à la dixième place sans ordre
Doux mensonges de Jiří Kylián (avec Eleonora Abbagnato, Vincent Chaillet, Alice Renavand et Stéphane Bullion), le Faune de Nicolas Le Riche, la série de La Belle au bois dormant dans son ensemble, La Nuit des Étoiles à Bruxelles et la confrontation des deux Faunes Nijinsky/Jerome Robbins à l’Opéra de Paris.
Et vous, quel est votre bilan danse de l’année ?
Joelle
Ce n’est pas un Top 10, mais un Top 12, et j’aurais pu faire un Top 15 sans problèmes :
3 Fevrier : Kaguyahime (avec Alice et les tambours !)
5 février : S. Sakharova dans un Gala des Etoiles bof au Palais des Congrès (mais 10 minutes sublimes – La mort du Cygne…)
6 mars : Gala Hommage Noureev (Garnier) avec le retour flamboyant de M. Heymann et un Romeo et Juliette sublime par N. le Riche et L. Pujol
15 avril : Gala du Tricentenaire (ah ce défilé….)
1er juin : remplacement de dernière minute de FM par M. Heymann dans l’Oiseau de Feu sans oublier les autres Faunes et le Boléro !
10 juin : Désordres 3ème étage à Rueil
24 juin : La Sylphide (MH/EO)
30 juin : Sacred Monsters (S. Guillem et A. Khan) : Waouh !
29 septembre : La fameuse Dame aux Camélias (IC/KP)
10 octobre : Les adieux d’A. Letestu (pour l’émotion)
Octobre : Le Boléro de Béjart à l’Opéra Royal de Versailles
25 décembre : La Belle (MH/MOB)
Pascale M.
Ah oui, Evguenia Obraztsova dans « La Sylphide », mon n° 1 aussi !
Fate-biscuit
Une très bonne année selon moi, qui a le mérite de s’être montrée riche en rebondissements! J’ai senti le monde de la danse bouillonner…pas vous? 🙂
Agathe
Maria Alexandrova s’est gravement blessée le tendon cet été et est immobilisée depuis. Je ne pourrais pas la mettre dans les étoiles au sort étincelant en 2013.
a.
Impossible de donner un top 5 de spectacles parce que je n’en ai pas vus assez cette année 2013, il faudrait en avoir vu au moins 15 pour que le top ait un sens. En revanche, je propose un petit « top perso »… 1) Hervé Moreau , une révélation, dans la Dame au camélia (mais je crois qu’il m’aurait fait le même effet dans tous les ballets de la terre) – pour m’avoir fait aimer, comme au premier jour, l’amour passion! 2) Le corps de ballet de l’opéra dans la sylphide d’abord, puis dans le Belle ensuite ; 3) Amandine Albisson, sylphide si délicate, au travail de pied si subtil ; 4) Josua Hoffalt dans la la longue, lente, belle, profonde variation de Désiré, plus désirant que désiré d’ailleurs ; 5) Le sacre de Nijinsky que je n’avais encore jamais vu… (honte à moi!); 6) Les danseurs masculins, qui chaque fois me marquent presque davantage que les ballerines, ce qui est fort nouveau pour moi… ; 7) Alice Renavand pour l’ensemble de sa carrière (euh, on peut?) – bonne année!
Estelle
Je suis d’accord avec vous, j’ai été plus émue par les danseurs que les danseuses durant cette année 2013.