La Danse, ou le ballet de l’Opéra de Paris vu par Frederick Wiseman
Demain, il y a pleins de films qui sortent : le remake de Fame, le nouveau rôle de Catherine Deneuve (Mères et filles) ou le pamphlet de Nicolas Hulot (Le syndrome du Titanic).
Mais demain, il y en a un autre qui sort dans les salles et qui m’intéresse beaucoup. Il s’agit du dernier film de Frederick Wiseman, intitulé sobrement La Danse. Et sous-titré encore plus simplement Le ballet de l’Opéra de Paris.
Je ne peux pas vous dire que je vais me ruer dans les salles dès demain matin pour le voir, parce que je l’ai déjà vu hier. Par contre, je peux vous en parler dès à présent, histoire de convaincre les quelques rares addict(e)s de la danse qui n’auraient pas envie de le découvrir (il y en a ?), et de convaincre tous les autres.
Et pourtant, je ne l’ai pas complètement aimé. Mais tout de même, un film uniquement consacré à la danse, je ne peux pas ne pas en faire une promo outrageuse.
Qu’est-ce que donc que le film La Danse, le ballet de l’Opéra de Paris ? Il ne raconte pas une histoire, ce n’est pas à proprement parler un documentaire. C’est juste (si l’on peut dire) un film sur la danse.
Pendant trois mois, de septembre à décembre 2007, Frederick Wiseman a promené sa caméra dans les coulisses du ballet de l’Opéra de Paris. Il filme les répétitions, les représentations, les discussions administratives dans le bureau de la directrice, la cantine… Il mélange tout ça et le diffuse tel quel. Sans parole ou presque, sans sous-titre, sans explication, sans entretien, sans interview. La Danse, à l’état pur. Cela aurait pu être monstrueusement ennuyeux du début à la fin si Frederick Wiseman ne savait pas si magnifiquement filmer la danse. Je n’ai jamais vu de telles images, une caméra saisir avec une telle vigueur l’essence de cet art. Les amateurs de danse ne pourront qu’aimer. On est au plus près des danseur(se)s, on entend leur respiration, on vit le spectacle avec eux, on voit leurs muscles se tendre, leurs expressions… C’est beau et saisissant.
Quand aux non-connaisseurs de Danse, je ne peux que les pousser à y aller. Oui, vous, au fond de la salle, qui zappez automatiquement tous mes articles parlant de danse. La danse, vous n’avez pas d’a priori négatif, mais vous ne connaissez pas. La danse, pour vous, c’est joli, vous l’admettez. Ce film montre que justement, la danse, ce n’est pas que joli. C’est un art universel. Je sais, c’est un peu stupide d’écrire ça comme ça. Mais lorsque la caméra se trouve à quelques mètre du (de la) danseur(se) sur scène, qu’elle montre au plus près son corps entier pris dans les émotions de son personnage, et qu’il n’y a pas besoin de faire des études chorégraphiques pour être immédiatement dans son histoire et de ce qu’il(elle) veut nous faire passer, cette vérité nous revient brusquement en mémoire. La danse, un art universel.
Néanmoins, et pour vous prouver que je sais rester très objective, le film de Frederick Wiseman ne m’a pas entièrement convaincu. C’est donc un film sur la danse, qui montre la danse. Sans trame, sans histoire. Et moi, en bonne spectatrice, j’ai un peu besoin de tout ça pour ne pas m’ennuyer. Surtout lorsque le film dure 2h38. Oui, j’avoue, malgré les scènes de danse d’une beauté stupéfiante, j’ai eu plusieurs fois l’envie de regarder ma montre. Je ne l’ai pas fait parce que je n’ai plus de montre, et que j’avais peur de gêner tout le monde en sortant mon iPhone de mon sac. Mais voila, le fait est que, par moment, c’est un peu longuet tout ça. Surtout qu’il y avait de quoi faire une mini-trame, entre les grèves, la nomination de Dorothée Gilbert ou le concours de promotion, qui se déroulaient au moment où Frederick Wiseman y était.
Deuxième défaut, j’ai eu l’impression gênant que Brigitte Lefèvre n’était pas tout à fait naturelle face à la caméra. Peut-être est-ce la critique du Nouvel Obs qui m’a influencée. Mais j’ai eu le perpétuel sentiment qu’elle jouait un peu le rôle de la directrice parfaite, qu’elle soit face à un chorégraphe à lui expliquer la hiérarchie de l’Opéra ou à organiser un voyage pour les sponsors. Et puis le film, s’il montre au plus près la danse, reste en surface de l’Opéra de Paris, cette maison si particulière. Le mythique Tout près des Etoiles arrivait à la fois à montrer la danse et les danseur(se)s dans toute leur splendeur, et en même temps à appuyer là ou ça fait mal (l’expression « Machine à broyer les faibles » vient tout de même de là). La Danse donne une image un peu trop parfaite de cette troupe, et c’est toujours un peu frustrant.
Niveau Etoiles, je n’ai pas fait le compte, mais il me semble qu’on les voit tout(e)s. Aurélie Dupont n’est pas beaucoup filmé, Nicolas Le Riche encore moins, mes deux chouchous. Par contre Marie-Agnès Gillot bouffe l’écran. Sa personnalité attire toujours les réalisateurs, à chaque documentaire sur l’ODP, on ne voit qu’elle. De ses nombreux passages, je retiens surtout une répétition d’un ballet contemporain, de je-ne-sais-pas-qui, avec Pech ou Moreau comme partenaire. Je retiens aussi un passage contemporain sur scène avec Wilfried Romoli, une répétition de Paquita avec Agnès Letestu, une de Casse-Noisette avec José Martinez, Laurent Hilaire en répétiteur, Le songe de Médée (?) avec ? tout simplement hallucinant, un Mats Ek avec Manuel Legris pas mal non plus dans le genre, le sourire d’Angelin Preljocaj, 32 fouettés par MA Gillot, Mathias Heymann pas encore Etoile à l’époque mais déjà explosif… Et puis tous ces moments de grâce chopés par-ci par-là. Le public a d’ailleurs plusieurs fois applaudi spontanément après certains passages.
Et puis au milieu de tout ça, un dialogue d’anthologie. Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmar se disputant lors d’une répétition de Paquita. Il est clair qu’ils ne sont d’accord sur rien, qu’ils détestent tout ce que l’autre adore, qu’ils veulent toujours avoir raison sur l’autre, et que ça se passe comme ça entre eux à chaque fois… Mais le ton reste toujours courtois, et puis quoi encore ?
N’empêche, ce film m’a marqué. C’est en écrivant l’article que je viens de me rappeler que cette nuit, j’ai rêvé de danse. Ce qui m’arrive très, très rarement.
Sonia
J’aimerais pouvoir le voir, mais j’habite excessivement loin! Alors… j’attendrai sagement la sortie DVD. Ton site est vraiment agréable à lire. Merci de Taiwan.
Elisa
Je viens d´apprendre sur ton blog. C´est très joli.
J´aime la danse, mes filles sont danseuses et chanteuses…. de jazz.
A très bientôt
Elisa, Argentine
nicolas
dans le même sujet, j’ai été touché par l’expo d’UFERAS au MEP, beaucoup d’émotion et douceur…ton article est véritablement excellent.
marie
Bonjour,
J’attends aussi avec impatiente la sortie DVD. Il devrait sortir quand
Je recherche également une autre de ses réalisation de 1995 sur l’american ballet theatre à New York…. HELP…
a+
Helen
Allez hop, petite séance ciné dimanche pour aller le voir! 🙂
vieille danseuse
Je n’ai trouvé aucun intérêt à ce documentaire . Montage, images ne sont pas exceptionnelles. de trop longs plans distille l’ennui. Le classique est relativement massacré. Les spectateurs avertis attendont plus (nombre de séquence auraient eu un intérêt majeur si replacées dans un contexte (Pontois et sa fille, C Gandolfi la surnu qui veut entrer dans le CDB etc.) , les autres sortiront ou n’en n’auront pas plus dans leur besace (connaissnce ou émotion) qu’en entrant. Heureusement que j’aime la danse et que me “vautrer” pendant 2h40 dans la sueur et les chaussons me fait encore plaisir, sinon …
Seule B Lefèvre en sort “grandie” pas l’Opéra et encore moins le ballet classique
Au moins avec le DVD nous pourrons mettre en “avance rapide” les moments trop longs …
bon film à tous et merci pour ce blog bien fait et sympathique
> A tous : merci beaucoup pour vos gentils mots, et bienvenue aux nouveaux ! Ce film a l’air en tout cas d’intéresser pas mal de monde, et fait parler de lui. Les avis sont tranchés !
> A Sonia et Marie : le DVD devrait sortir dans 6 mois normalement. J’espère qu’il arrivera jusqu’à Taiwan !
mimylasouris
La rudesse du documentaire m’a un peu désarçonnée sur le coup, mais finalement, je crois que c’est aussi comme cela que Wiseman a réussi à faire un film qui aille au-delà du documentaire pur et dur. Il montre ainsi bien plus de choses qu’il n’en veut bien dire.
Je ne trouve pas que Brigitte Lefèvre sonne faux. Ton impression est peut-être due au montage : prise dans son rôle de directrice de la danse qui a affaire à des personnes extérieures à l’opéra, elle en devient forcément la représentante, et les danseurs n’étant pas interviewés, elle se retrouve la seule à parler. Elle-même s’est trouvée curieuse dans ce film, si l’on en croit sa réaction citée dans les “secrets de tournage” sur allocine.
Dans les dialogues croustillants, je préfère les commentaires lors de la répétition sur scène de Paquita… ^^
Et je ne trouve pas qu’il se dégage une image “trop parfaite” de la troupe. Que dire des plaintes de la jeune génération à propos de la difficulté d’aborder un nouveau répertoire lorsqu’elle ne daigne pas assister aux cours de contemporains hebdomadaires ?
Je ne sais pas si j’ai aimé non plus, mais je m’en contrefiche – ce film m’a également marquée, et je trouve ça plus important.
Beledia
@vieille danseuse : merci pour vos commentaires éclairés, pourriez-vous en dire plus sur les “contextes” que vous avez repérés ? Merci d’avance
Lucile
La répétition qui t’as marquée n’ était-elle pas celle de Wayne Mac Gregor ???
Elle était d’enfer !
Sophia
Bonjour je m’appelle sophia. Hier je suis allée voir ce film, qu’il me tardait vraiment de voir, et votre critique m’a beaucoup plu, car c’est exactement mon point de vue. Je l’ai trouvé intéressant, mais malheureusement, il ya des fois où l’ennui se fait sentir (peut-être aussi le non-confort des sièges de la salle de ciné…). Toujours est-il qu’en grande fan de danse, il y a quelques petites choses que j’aimerai vous poser, car je sens que ces questions vont m’agacer. Par exemple lorsque vous disiez : “De ses nom breux passages, je retiens sur tout une répétition d’un ballet contemporain, de je-ne-sais-pas-qui, avec Pech ou Moreau comme partenaire.”. Est ce que par hasard vous auriez trouvé le nom de ce ballet!? Car mon dieu j’étais scotchée! On décèle sa grande souplesse, et cet extrait était fantastique.
Et pour finir la dernière image que vous mettez :pendant le film on a de nombreux extraits de ce ballet très contemporain, et cela m’intéresserai beaucoup si vous aviez le nom!
Enfin, merci donc pour cette critique que j’ai pris plaisir à lire
Sophia
> Aïe, aïe, aïe, tu me poses une colle Sophia… Surtout que j’ai vu ce film il y a déjà quelques temps, même si je vois très bien de quels passages tu parles. Si quelqu’un a la réponse, qu’il ou elle n’hésite pas.
mimi91250
je n’ai pas pu voir le film est il sorti en DVD, et ou peut on le trouver car j’ai beau cherché mais je ne le trouve pas
> Le DVD est prévu pour le 7 juillet
Michaele Cutaya
Bon alors c’est Janvier 2024, et je viens de regarder le film. donc j’ai quelques trains de retard mais quand meme envie de partager mes impressions ey j’ai apprécié votre texte. Bon d’abord: J’ai beaucoup aimé le film. De voir les repetitions, les relations entre choregraphes et danseurs, les discussions autourd des sponsors (ça a dut faire un trou a la tresorerie la faillite de Lehman Brothers!) et puis le corps des danseurs a l’apprentissage tout ça. fabuleux. néanmoins quelques reflexions me viennent. d’abord oui j’ai trouvé qu’il y avait des longueurs, mais pas là oú je les attendais: ce qui m’a le plus ennuyé c’est les représentations. et particulierement celles de danse contemporaine. j’ai pas trouvé ça tres bon. pas la faute des danseurs, mais la choregraphie et la scenographie. je ne sais pas, ça ne m’a pas touchee, j’ai trouve ça sans tripes. et pourtant a la repetition de Medee, j’ai vraiment trouvé ça superbe, mais paradoxalement la representation avec ces sceaux et ce jus rouge, bof. Deuxieme point, et là peut etre je suis influencée par les débats de 2024, mais quand meme le documentaire est de 2009: j’ai eut beau chercher, j’ai pas vu beaucoup de couleur dans tout ce beau monde. le monde de la danse contemporaine est quand meme tres diverse, mais Garnier non c;est du 99% plus blanc que blanc. j’ose esperer que les choses on un peu changé depuis. Bon peut etre que ce sont des sujets bien connus dans le milieu de la danse, mais par sa sobriété sans discours, le documentaire de wiseman fait quand meme sentir et resoortir des choses .