Roméo et Juliette – Evgenia Obraztsova et le Moscou Théâtre Ballet
Que ne ferait-on pas pour voir Evgenia Obraztsova sur scène ? Aller au Palais des Congrès – salle qui ne se porte pas vraiment à la danse -, écouter un orchestre approximatif sur la partition de Prokofiev. Dans n’importe quel cadre, l’Étoile russe n’oublie jamais ce qu’elle est : l’image même de la ballerine pour qui la scène est un endroit à part.
Evgenia Obraztsova danse Roméo et Juliette depuis ses 18 ans. Alors qu’elle en a aujourd’hui 30, elle a gardé du personnage sa fraîcheur et sa si adorable candeur. Il faut la voir arriver lors de la première scène, à jouer avec sa nourrice. Tout chez elle est un régal de raffinement et de musicalité, à tel point que l’on pourrait en oublier les couacs de l’orchestre. Tout chez elle respire la danse la plus naturelle du monde. Chaque infime partie d’elle est investie dans son rôle, même sur une scène moins prestigieuse que le Palais Garnier et accompagnée d’une troupe moins brillante que son Bolchoï. À tel point que ce qui pourrait être agaçant chez d’autres – du surjeu dans le drame par là, de la minauderie dispensable par ici – ne rend que plus adorable et attachant son personnage.
L’histoire coule de source avec elle. La jolie Juliette vit son amour le plus naturellement du monde, comme son interprète danse le plus naturellement du monde. Elle meurt comme elle a vécu : avec spontanéité, entière, sans demi-mesure. Yevgeny Ivanchenko, Étoile du Mariinsky, était son partenaire. S’il n’a plus forcément l’allure d’un jeune premier, il n’en restait pas moins un Roméo romantique, très attentif à sa partenaire et lui montrant une grande tendresse en scène.
Le corps de ballet du Moscou Théâtre Ballet, qui tourne régulièrement en France, s’est montré en place dans les nombreux passages d’ensemble. Quelques personnalités se démarquaient particulièrement, comme l’interprète de Mercutio – drôle et bondissant – et la danseuse jouant Rosaline. Dommage que les autres soient allés dans l’outrance et la caricature en permanence. Un effet accentué par la grandeur de la salle, où tout doit se voir même du dernier rang ? Cette production aurait peut-être été mieux mise en valeur dans une salle plus intime, plus en harmonie avec la taille de la troupe.
Roméo et Juliette de Yevgenia Merkatoun par le Moscou Théâtre Ballet, au Palais des Congrès. Avec Evgenia Obraztsova (Juliette) et Yevgeny Ivanchenko (Roméo). Lundi 17 février 2014.