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Vortex Tempotum d’Anne Teresa de Keersmaeker

Devant un ballet classique, le public ne se pose plus vraiment la question du rapport entre danse et musique. Le Lac des Cygnes par exemple, le deuxième acte semble tellement idéal que l’on ne fait plus attention aux liens profonds qui unissent les pas et les notes. Ou plus récemment, John Cranko a décortiqué des dizaines d’oeuvres de Tchaikovsky pour son ballet Onéguine, donnant une profonde musicalité à sa chorégraphie, qui fait toute la force de l’oeuvre.

Vortex Temporum

Vortex Temporum

Anne Teresa de Keersmaeker ne fait finalement pas autre chose avec Vortex Tempotum, sa dernière création. La chorégraphe a décortiqué la partition du même nom de Gérard Grisey, l’a profondément écoutée et analysée. Cela se voit d’ailleurs dès l’entrée dans la salle : de multiples cercles sont dessinés au sol, au milieu sont installées les chaines des musiciens, sans pour autant que l’un ne prenne le pas sur l’autre. La danse qui est née de cette musique ne l’illustre pas. Elle s’en inspire, y puise sa force, tout en apportant une dimension supplémentaire à la musique. Tout comme, finalement, les deux chorégraphes évoqués ci-dessus.

L’oeuvre se découpe comme Partita 2, précédente création d’Anne Teresa de Keersmaeker. D’abord la musique seule (superbe, de quoi faire succomber tout réfractaire à la musique contemporaine). Puis les danseurs occupent la scène, en silence, décortiquant quelques gestes qui seront la base de la danse. Enfin les deux se rejoignent.

Vortex Temporum

Vortex Temporum

Musicalement (œuvre de « musique spectrale », dont la composition du temps est très codifiée) comme chorégraphiquement, Vortex Tempotum est une oeuvre assez cérébrale. Pourtant, le résultat jaillit instinctivement. Chaque musicien semble jouer sa propre mélodie, tout en étant solidement ensemble. idem pour la danse. Chaque interprète s’exprime tout en donnant une profonde impression collective. Le mouvement semble être les notes. Chacun se développe, suit son chemin, sans jamais oublier les autres. Les regards et les trajectoires se croisent, les mouvements se répètent et s’entre-modifient, se nourrissent. Avec comme résultat l’étrange impression de voir se dessiner devant nous la partition de papier, grâce aux danseurs et danseuses.

On retrouve dans Vortex Tempotum les éléments fondamentaux d’Anne Teresa de Keersmaeker : une danse ancrée au sol qui ne va pas chercher dans l’ornementation, un geste simple et précis, les spirales, le cercle. Si la deuxième partie est un peu aride, les danseurs semblant comme intégrer les mouvements dans leurs corps, la troisième partie est profondément vivante. Les interprètes volent au sol, se courbent dans une danse d’une grande fluidité, portés par la musique. Les cercles s’agrandissent, se rétractent et se croisent, tout comme ce que distingue notre oreille. Une immense symbiose qui touche profondément.

Vortex Temporum

Vortex Temporum

 

Vortex Temporum d’Anne Teresa de Keersmaeker, au Théâtre de la Ville. Avec Boštjan Antončič, Carlos Garbin, Marie Goudot, Cynthia Loemij, Julien Monty, Michaël Pomero et Igor Shyshko. Mardi 29 avril 2014.

 

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