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Premier opus d’EtuDIANSE, une soirée en demi-teinte au CNSMDP

Dans un registre certes différent de celui de l’Opéra de Paris, les futurs artistes du CNSMDP (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) sont appelés à alimenter la diversité de la scène chorégraphique française en lui apportant un style un peu plus décalé. Pour prendre la température d’un tel magma, les soirées EtuDIANSE du 5 au 10 décembre voient se succéder cinq extraits hétéroclites de danse classique, néoclassique et contemporaine.

Conservatoire de Paris

Conservatoire de Paris

Ce premier opus d’EtuDIANSE s’est ouvert sur un extrait des Sylphides revu par Isabelle Ciaravola, nouvelle professeur du Conservatoire. Il n’est pas étonnant que cette Danseuse Étoile néoclassique d’excellence – qui a pris sa retraite à l’Opéra de Paris en février dernier – ait été inspirée par le ballet créé par Michel Fokine en 1909.

Les Sylphides, l’un des premiers ballets abstraits, représentaient la féminité rêvée des romantiques tardifs du début du XXe siècle. Les jeunes danseuses, censées matérialiser l’inspiration du poète, sont radieuses, loin de la mélancolie qui caractérise nombre de muses du XIXe siècle. Sur la scène du CNSMDP, il n’y a plus un poète mais trois poètes, comme concrétiser une profusion de créativité. Avec cet extrait, c’est une jolie parenthèse poétique qui s’offre au spectateur. L’ombre d’un regret toutefois : les jeunes sylphides manquent un peu d’apesanteur dans leur danse. Un point à affiner dans le temps si elles empruntent la voie de la danse classique.

Globalement, les jeunes danseuses et danseurs du Conservatoire semblent plus à l’aise dans le répertoire contemporain que dans le répertoire classique, dans lequel ils/elles sont un peu crispé(e)s. En effet, dans l’extrait de l’épuré Nata Lux (Bernard Glandier), les étudiantes se révèlent plus artistes. Trois danseuses Juliette Fisson, Lou Gulli et Aure Wachter, marchent à la fois contre et à la rencontre d’un soleil pâle – entre chaos et harmonie – pour finir sur le sol, baignées d’une belle lumière dorée. Une pièce énigmatique qui annonce la couleur.

Le morceau Grange (Wilfride Piollet et Jean Guizerix) est une très agréable surprise néoclassique qui fait fleurir de véritables graines d’artistes. Sur une musique psychédélique de Bartók, les sylphides un peu éteintes du début de soirée sont devenues d’envoûtantes villageoises de l’Est, à la danse virtuose et à l’expression incisive. En guise de décor, une fourche est plantée à la droite de la scène. Ambiance inquiétante, comme dans un court métrage qu’Arte diffuserait au beau milieu de la nuit, qui tranche avec la fraîcheur juvénile des artistes en herbe.

En danse contemporaine, la programmation de la soirée est audacieuse. The Hill de Roy Assaf compte trois gaillards énergiques (Antoine Dubois, Nicolas Garsault et Rémy Richaud) qui se distinguent par leur technique et leur sens très professionnel du spectacle. Il faut une certaine imagination pour deviner ce qui s’y passe… L’intrigue est laissée à l’appréciation de chacun. Mais il demeure difficile de ne pas établir un parallèle entre le support musical (fanfare de l’armée israélienne) et la terre sur laquelle est né le chorégraphe. Tout se passe sur une colline imaginaire. Là où coulent le lait et le miel coulent aussi le sang et les larmes. The Hill serait donc une critique politique ?

CNSMDP

Conservatoire de Paris

Enfin, Petite Imposture (Nicole Mossoux et Patrick Bonté) est peut-être une adaptation moderne et condensé de la Comédie humaine de Balzac. Le spectacle entend questionner « l’artifice des postures sociales (…) qui nous façonnent et nous coulent dans des personnalités d’emprunt ». Vaste sujet. Mais concrètement, cela donne quoi sur scène ? Quatre interprètes, deux filles, deux garçons, vêtus d’habits dépareillés de siècles passés, passent de la joie à la peur, de l’attirance à la répulsion, du comique au tragique avec un brio encourageant.

Ce premier opus d’EtuDIANSE, quoique inégal, révèle de jolies surprises et une appétence des étudiant(e)s pour l’audace chorégraphique, en perpétuel mouvement stylistique. Cette initiative mérite donc d’être suivie dans les années à venir.

 

Opus 1 d’EtuDIANSE, avec les danseuses et les danseurs du CNSMDP, du 5 10 décembre 2014, dans la salle lyrique du CNSMDP. Les Sylphides de Michel Fokine, réadapté par Isabelle Ciaravola, avec Joanne Affolter, Monica Barbotte, Victoria Dauberville, Laureline Epaulard, Eireen Evrard, Albane Fro, Romane Groc, Clara Lefevre, Léa Salomon et Melissa Sicre ; Nata Lux de Bernard Glandier, avec Juliette Fisson, Lou Gulli et Aure Wachter ; Grange de Wilfride Piollet et Jean Guizerix, avec Romane Groc, François Aulibé, Monica Barbotte, Jean-Baptiste De Gimel, Clara Lefevre et Cyprien Bouvier ; The Hill de Roy Assaf, avec Antoine Dubois, Nicolas Garsault et Rémy Richaud ; Petite imposture de Nicole Mossoux et Patrick Bonté, avec Juliette Fisson, Lou Gulli, Stella Moretti, Antoine Dubois et Baptiste Martinez. Vendredi 5 décembre 2014.

 

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