La Belle au bois dormant de Béatrice Massin
Entre deux créations (la prochaine est attendue en 2016), Béatrice Massin s’est accordée une pause enfantine. Sa relecture de La Belle au bois dormant lance ainsi l’imagination du jeune public tout en le familiarisant à la danse baroque, quand les plus grands se régalent de cette danse tout en pureté et en finesse (un peu de douceur dans ce monde en folie).
Lorsque l’on s’imagine La Belle au bois dormant, c’est tout de suite une image très XIXe qui apparaît. Pourtant, le conte a été écrit sous Louis XIV, l’apogée de la danse baroque. Béatrice Massin transpose donc l’histoire au Siècle des Lumières.
Aurore est une gamine délurée qui fait tourner en bourrique sa professeure de danse/Nourrice. Il faut pourtant apprendre à danser pour apparaître aux côtés de son père, le Roi impressionnant. C’est ainsi un tout un florilège des danses baroques qui est montré : d’une façon posée et formelle par la nourrice, fofolle et dans l’improvisation pour Aurore. Même si la gestuelle du bras si particulière, la rondeur, les battements de pieds sont bien là. C’est aussi à l’image de la danse de Béatrice Massin, qui est rarement de reprendre les danses baroques telles quelles, mais plutôt de les danser avec notre regard d’aujourd’hui.
Un trio suffit pour danser cette Belle au bois dormant, chacun changeant de personnage pour faire apparaître la Sorcière, puis le Prince. Sous Louis XIV, les femmes ne dansaient pas, se travestir en femme était donc courant sur scène. L’idée est reprise par la nourrice dansée par un homme, mais à l’allure androgyne troublante. Aurore est une jeune fille aux cheveux courts, qui peut aussi avoir l’allure d’un jeune garçon. Mélange des genres et allégories : pas de rouet et pas de fée, la piqure n’est évoquée. Mais la sorcière reste bien plus terrifiante qu’une scène explicite.
Dès que le Prince apparaît, tout se fait plus moderne. Aurore a dormi un peu plus de 100 ans, nous sommes au XXIe siècle. Désiré est un jeune homme dans la lune, arrivant sur l’air de Voi che sapete (et quoi de mieux pour évoquer en musique les affres d’un ado dans les tourments de ses hormones ?). La danse est désormais plus contemporaine, avec une énergie différente, plus tranchée, même s’il y a toujours cette légèreté indescriptible dans l’air.
Désiré a un peu de mal à comprendre la carte et embrasse…. la Nourrice. L’amour ne tombe pas du ciel, il faut le chercher et lui courir après. Mais pas d’inquiétude pour les grand-e-s romantiques : si Béatrice Massin prend des libertés avec le conte, le baiser final ne manque (pour la plus grande joie du jeune public).
La Belle au bois dormant de Béatrice Massin au Théâtre de Chaillot (jusqu’au 16 janvier). Avec Lou Cantor, Olivier Bioret et Corentin Le Flohic. Mardi 6 janvier 2015.
Aventure
Cette critique me donne envie de voir ce ballet, je ne connais rien à la danse baroque, ça me plairait de découvrir…