What the Body Does Not Remember, oeuvre inaugurale et jubilatoire de Wim Vandekeybus
En 1987, alors âgé d’à peine 24 ans, Wim Vandekeybus crée sa toute première pièce, What the Body Does Not Remember. Elle lui vaut une reconnaissance internationale immédiate (il obtient avec les compositeurs Thierry de Mey et Peter Vermeersch un Bessie Award) et une place de choix dans la vague flamande, alors émergente, aux côtés d’Anne Teresa de Keersmaeker ou de Jan Fabre. Reprise près de 30 ans plus tard cette œuvre, présentée du 9 au 15 avril au 104, n’a rien perdu de sa modernité ni de son impétueuse jeunesse.
Dès les premières minutes, What the Body Does Not Remember saisit l’attention du public par son urgente vitalité, pour ne plus jamais la lâcher. Le décor est minimaliste : plateau noir, fond blanc, portants de vêtements et rangée de neuf projecteurs posés, de façon symétrique, de part et d’autres de la scène. Ils forment une série de lignes lumineuses sur le sol. En arrière plan, les mains d’une jeune femme se meuvent sur une table en bois. Elles caressent, griffent, ou en frappent la surface, émettant une série de sons qui tour à tour apaisent, irritent, ou font sursauter. Deux danseurs allongés entament sur cette musique percussive une danse répétitive, qui se déploie par ajouts successifs de phrases. Leur synchronisation est parfaite, leur force, leur précision, leur dynamisme, impressionnants.
La pièce se développe ensuite en une succession de saynètes, qui toutes réjouissent. À l’aide de briques de plâtre, de serviettes multicolores ou de plumes, les interprètes d’Ultima Vez, la compagnie de Wim Vandekeybus, semblent revisiter les jeux de leur enfance en convoquant chaises musicales, legos ou autre chat perché. Mais jouer est ici un acte créateur, permettant une infinité de variations, et surtout une expérience vitale, essentielle, à laquelle ils se livrent corps et âmes.
Cependant, comme l’écrit Donald D. Winnicott, célèbre pédiatre et psychanalyste anglais qui travailla beaucoup sur la notion de jeu, « Il faut admettre que le jeu est toujours à même de se muer en quelque chose d’effrayant« . Ainsi, si poésie, rire et tendresse sont très présents dans ce spectacle, violence et folie rodent aussi. C’est le cas lorsque les danseurs et danseuses, sautent avec rage et fracas, semblant vouloir écraser leur partenaire au sol, ou quand les uns effectuent sur les unes d’ambigües « palpations de sécurité ».
Mais quelque soit le registre émotionnel, la danse de Wim Vandekeybus fascine. Par son énergie, toute de contraste entre époustouflante célérité et arrêts sur image d’abord. Par sa virtuosité et la mise en danger des corps aussi, qui semblent tour à tour voler ou s’écraser au sol. Servie par d’admirables interprètes, What the Body Does Not Remember recèle de multiples surprises, qui n’attendent qu’à être découvertes. Vous voilà prévenus !
What the Body Does Not Remember de Wim Vandekeybus / Ultima Vez au 104. Mise en scène, chorégraphie et scénographie de Wim Vandekeybus. Musique originale de Thierry de Mey et Peter Vermeersch. Directeur des répétitions Edouardo Torroja. Stylisme Isabelle Lhoas. Assistants stylisme Frédéric Denis et Isabelle de Cannière. Coordination technique Davy Deschepper. Création lumière de Francis Gahide. Régie lumière Krispijn Schuyesmans. Régie son Bram Moriau. Avec Jorge Jauregui Allue, German Jauregui Allue, Pavel Masek, Guilhem Chatir, Eddie Oroyan, Aymara ParolaRevé Terborg, Claire Lamothe et Léa Dubois. Samedi 11 avril 2015.
What the Body Does Not Remember sera en tournée en France et en Suisse jusqu’en juillet 2015.
Laetitia
Ca donne vraiment très envie de voir cette pièce !!