La sortie ciné de la semaine : Dancers de Kenneth Elvebakk
Ils sont trois ados de Norvège, trois amis de 14 ans : Lukas Bjørneboe Brændsrød, Syvert Lorenz Garcia et Torgeir Lund. Leur particularité ? Ils veulent être danseurs classiques. Pendant trois ans, la caméra de Kenneth Elvebakk les a suivis dans leur quotidien, leur cours de danse, leur famille, leurs espoirs et leurs doutes. Le tout donne un joli documentaire, intitulé sobrement Dancers, sorti le 27 mai dans les salles de cinéma de France.
Le réalisateur pose d’emblée la problématique : il n’a pas choisi trois garçons pour rien. Kenneth Elvebakk veut montrer aller à l’encontre du cliché persistant qui veut que le ballet soit réservé aux filles, et/ou à des personnes un peu coincées dans un autre temps. Il montre ainsi trois jeunes gens bien dans leur époque, casque sur les oreilles, sac à dos, look d’ado et préoccupations envers la gent féminine (un dernier point toutefois pas vraiment abordé de façon subtile).
Le film réussit d’ailleurs un bel équilibre entre la danse et la vie quotidienne. Si l’on suit les trois jeunes danseurs chez eux et dans leur famille, les classes de danse sont omniprésentes. Presque tout se passe dans le superbe opéra d’Oslo et ses studios aux larges baies vitrées. C’est le travail au quotidien, les gestes répétés, la sueur, la difficulté. Lukas Bjørneboe Brændsrød, Syvert Lorenz Garcia et Torgeir Lund se livrent très honnêtement, entre leurs doutes, leurs espoirs et leur passion de la danse. Leur rire et leur confidence dans les vestiaires aussi. Ils sont trois amis, et l’on comprend que leur solidarité les aide au quotidien. Le montage permet ainsi facilement de s’attacher à ses personnalités, de vouloir les suivre, mieux les connaître, qualité indispensable de toute documentaire sur la danse.
1h13 pour résumer trois ans de vie, c’est toutefois bien court. La narration est parfois brouillonne, on se perd dans les années et la continuité (surtout que la scolarité n’est pas la même qu’en France, et il n’est pas facile de comprendre leur cheminement des classes et écoles). Certains points ne sont qu’à peine effleurés, comme les blessures et la difficulté du corps. Ils ont pourtant entre 14 et 17 ans tout au long du film, donc confronté à la croissance. La question de l’argent (indispensable lorsque l’on veut rentrer à la Royal Ballet School de Londres) est résolue par une pirouette pas très claire.
Mais Dancers évoque aussi un sujet qui n’est pas toujours abordé dans les documentaires sur le ballet : l’élitisme de la danse. Dans le sens où peu de gens réussissent, et que malgré le travail, il y a aussi des danseurs plus talentueux que les autres. Dès le début, la caméra le montre très bien sans le dire : sur les trois amis, il y a en un plus doué que les autres. Il danse plus large, plus grand, plus précis. Il a ce truc en scène ou dans les concours, une ferveur de plus dans la voix quand il parle de la danse. Entre lui et ses deux camarades, il y a un fossé, minuscule, qu’ils ne perçoivent pas mais que le public ressent. Au fil du documentaire, ce fossé se creuse, jusqu’à ce que le plus doué entre à la Royal Ballet School de Londres. Les discours changent, les amis s’éloignent. Dancers veut montrer que les jeunes danseurs sont des gens comme tout le monde. Mais la conclusion est sans équivoque : ceux qui réussissent sont tout de même différents. C’est peut-être pour l’apprenti danseur le plus gros sacrifice.