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Alvin Ailey American Theater aux Étés de la Danse – Programme Dove / Wheeldon / Brown / Ailey

Nouvelle soirée, nouveau programme pour les interprètes de l’Alvin Ailey American Theater au Théâtre du Châtelet. Composé de trois pièces présentées pour la première fois en France par la compagnie, il se clôt comme souvent par l’irremplaçable Revelations, en guise de bouquet final. Si le public, c’est une tradition cette saison, fait un véritable triomphe à ses magnifiques interprètes, la qualité des œuvres présentées est inégale et Bad Blood d’Ulysse Doves comme Grace de Ronald K. Brown n’ont pas de quoi totalement séduire.

Bad Blood d'Ulysses Dove

Bad Blood d’Ulysses Dove

C’est Ulysses Doves qui ouvre le bal avec Bad Blood. Passé par la compagnie de Merce Cunningham avant de rejoindre celle d’Alvin Ailey (puis l’Opéra de Paris au sein du Groupe de Recherche Chorégraphique, mais c’est une autre histoire), son univers est emprunt de ces deux influences. De ce fait, le terme de moderne jazz ne paraît, pour une fois, pas totalement usurpé en ce qui le concerne. Vêtus d’académiques ou de collants blancs révélant leur corps athlétiques, sept danseurs et danseuses rivalisent de pirouettes poings fermés, de grands ports de bras bandant leurs muscles, en solos ou ensemble, de portés périlleux dans de physiques pas de deux. Malheureusement, l’impeccable technique et l’énergie des interprètes ne réussit pas à faire oublier le manque d’originalité de la chorégraphie (créée en 1984) qui, comme la musique de Peter Gabriel et Laurie Anderson sur laquelle elle se déploie, a mal vieilli.

Heureusement, vient ensuite l’enchanteur After the Rain Pas de Deux de Christopher Wheeldon. Créé en 2005 pour le New York City Ballet, il est la première pièce du chorégraphe britannique à entrer au répertoire de l’Alvin Ailey American Theater. L’épure de la musique d’Arvo Pärt et de la chorégraphie envoutent. Ce soir-là, Sarah Daley et Antonio Douthit-Boyd en livrent une version d’une grande beauté. La danseuse, au port de buste classique et à la technique parfaite semble s’envoler, légère, dans les bras de son partenaire. Tous deux dansent à l’unisson, offrant un pur moment de grâce et d’émotion.

After the Rain Pas de deux de Christopher Wheeldon

After the Rain Pas de deux de Christopher Wheeldon

Après ce doux intermède, retour aux racines afro-américaines de la compagnie avec Grace, œuvre de Ronald K. Brown créée pour elle en 1999. La pièce s’ouvre sur un solo, remarquablement interprété par Jacqueline Green, qui, sur le standard de Duke Ellington Come Sunday, mêle intelligemment danse africaine (pour le bas du corps) et néoclassique ou contemporain (pour le haut de corps). Le brassage des techniques continue de faire loi dans les tableaux qui suivent, entre jazz et danse africaine, sur des musiques variées allant de la house de Roy Davis à l’afrobeat de Fela Kuti. Hélas, la dimension spirituelle voulue par Ronald K. Brown, qui affleurait dans la scène inaugurale, peine à percer ensuite. La pièce, emmenée par onze danseurs et danseuses charismatiques qui ne cessent d’impressionner par leur vitalité et leurs qualités techniques, tient plus de la démonstration que d’un chemin vers la grâce.

Mais vient enfin l’heure de Revelations, pièce mythique d’Alvin Ailey. Emblématique de l’univers du chorégraphe et œuvre signature de la compagnie, elle est une de mes proustiennes madeleines. Sa seule évocation fait renaître des mois de juillet à courir les festivals, de Châteauvallon en Arles, d’Avignon à Nîmes, des brises légères le soir tombé venant soulager l’écrasante chaleur diurne, des décors de théâtres antiques, des émerveillements de petite fille devant des jupes virevoltantes et ombrelles blanches. Bien des années plus tard, presque tout est là. Le triste et beau Pilgrim of Sorrow, le rituel et virginal Take me to the Water, l’entrainant et si gai Move, Members, Move, les vibrants chants des spirituals, l’irrésistible Rocka My Soul et même les martellements de pieds qui accompagnent les applaudissement, tant le public est conquis. S’il m’a manqué, sans doute, ce petit supplément d’âme qu’offre l’atmosphère des festivals du Sud et l’éblouissement des premières fois, impossible d’en faire le reproche à la chorégraphie qui reste intemporelle, aux interprètes dont la technique toujours parfaite sert  une ferveur et un enthousiasme aussi remarquable que communicatif.

Grace de Ronald K. Brown

Grace de Ronald K. Brown

Finalement, ce programme n’est sans doute pas le meilleur des 27 représentations de l’Alvin Ailey American Dance Theater aux Étés de la danse, puisque Bad Blood comme Grace, par leur manque d’originalité et de profondeur déçoivent. Reste cependant la délicate finesse d’After The Rain, le plaisir toujours renouvelé de Revelations, et la flamme d’une troupe excellente et charismatique. Lorsque l’on assiste au triomphe, de bravos en standing ovations et rappels, que réserve les spectateurs et spectatrices du Châtelet à la compagnie d’Alvin Ailey, force est de constater que le chorégraphe comme ses successeurs, ont amplement réussi dans son ambition de « casser le mur entre le public et l’artiste » !

Revelations d'Alvin Ailey

Revelations d’Alvin Ailey

L’Alvin Ailey American Dance Theater au Théâtre du Châtelet, dans le cadre des Étés de la Danse.

Bad Blood d’Ulysses Dove, avec Sean Aaron Carmon, Demetia Hopkins-Greene, Jeroboam Bozeman, Belen Pereyra, Collin Heyward, Danica Paulos et Daniel Harder.

After the Rain Pas de deux de Christopher Wheeldon, avec Sarah Daley et Antonio Douthit-Boyd.

Grace de Ronald K. Brown, avec Jacqueline Green, Akua Noni Parker, Jamar Roberts, Jeroboam Bozeman, Marcus Jarrell Willis, Yannick Lebrun, Kanji Segawa, Renaldo Maurice, Hope Boykin, Fana Tesfagiorgis et Sarah Daley.
 
Revelations d’Alvin Ailey, avec Daniel Harder, Hope Boykin, Demetia Hopkins-Greene, Ghrai DeVore, Antonio Douthit-Boyd, Samuel Lee Roberts, Elisa Clark, Sean Aaron Carmon, Collin Heyward, Belen Pereyra, Matthew Rushing, Fana Tesfagiorgis, Yannick Lebrun, Marcus Jarrell Willis et Kanji Segawa.

Lundi 20 juillet 2015.

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