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Le Théâtre de la Ville, ce lieu énigmatique

Après les codes et modes du Palais Garnier, temple de la danse classique, place au décryptage du Théâtre de la Ville. Ce haut lieu de la danse contemporaine peut aussi intimider, avec son image de repaire de bobos-hipsters aux spectacles incompréhensibles. Avouons-le, ce n’est parfois pas qu’un cliché (tout comme le public du Palais Garnier peut lui aussi avoir ses lubies). Mais l’apprentissage de quelques codes pourra tout de suite vous mettre plus à l’aise. Comment s’habiller ? Que dire à l’entracte pour briller ? Quelles bourdes éviter pour ne pas recevoir un regard condescendant, ou pire, un « Chuuut » audible ? Décryptage.

 

Comment s’habiller

Allure décontractée à l’entrée du théâtre, vous êtes au premier regard passablement rassuré-e-. Fatale erreur. La tendance se niche dans les détails : la chemise sortie de telle façon du jean et pas d’une autre, le pull qui tombe comme ci et pas comme ça. Un look faussement décontracté, ça se travaille ! Carreaux et barbe pour ces messieurs, pull immense pour ces dames (si possible en laine équitable) et chignon haut faussement décoiffé (qui doit empêcher la personne derrière de bien voir). Le mauvais détail sera sanctionné par un regard, pas méchant, mais légèrement condescendant et qui vous donnera l’impression de « ne pas en être ».

Théâtre-de-la-ville

Le Théâtre de la Ville

Le point chaussures

Évidemment, les baskets Stan Smith Adidas sont déjà dépassées.

 

Question de clim

Rien de spécial à signaler, tant que l’on est plus bas que le rang T. Au-dessus, une ambiance « Bienvenue au Sahara » – qui peut se décliner en « Immersion en forêt tropicale » si la troupe de Pina Bausch monte sur scène une pelouse (1980, du vécu) – s’installe assez rapidement. Même les plus pointues abandonnent assez vite le pull géant en laine équitable.

 

Accessoire

Les grosses lunettes. Il faudra un jour faire des statistiques sur le nombres de paires de grosses lunettes présentes chaque soir au Théâtre de la Ville.

 

Les applaudissements

Silence religieux requis pendant tout le spectacle, sous peine d’un retournement furieux de vos voisin-e-s accompagné d’un « Chuut » bien sonore. Applaudir après un passage reviendrait à souligner une performance technique, mais c’est de l’art que l’on vient voir ici. Une fois le rideau baissé, tout est par contre permis. Ceux et celles qui ont adoré n’ont ainsi pas peur de se lever, même s’ils sont trois au milieu de 500 personnes, quand d’autres partent avec cinq applaudissements discrets marquant ainsi leur désapprobation. Que ce soit pour un jeune talent obscur ou un chorégraphe incontournable aux 30 ans de carrière. Contrairement au look, pas de règle sur le sujet, chacun-e assume son ressenti (sauf pour Pina, voir plus bas).

 

Que faire si l’on passe une mauvaise soirée

Partir en claquant bien fort son siège, en dérangeant ostensiblement tout le monde et en faisant un maximum de bruit dans les escaliers. Pas de complexe, une soirée réussie au Théâtre de la Ville n’est pas vraiment réussie si des fauteuils ne claquent pas à la moitié du spectacle.

 

Le mythe

Pina. Pina Bausch, chorégraphe allemande pour les non-initié-e-s. On ne l’appelle que comme ça, « Pina« , même si on ne l’a jamais vue. Le spectacle annuel du Tanztheater Wuppertal est un peu la grand-messe, à ne rater sous aucun prétexte et à savourer religieusement. Les règles données ci-dessus s’annulent. Interdiction de partir avant la fin des derniers applaudissements (de toute façon, vos voisin-e-s vous empêcheront de passer) ; interdiction de lancer un « Chuuttt » au-à la malheureux-se qui ferait un peu de bruit pendant la représentation (un regard furieux et réprobateur reste bien sûr autorisé) ; interdiction de ne pas participer à la standing-ovation finale.

 Pina de Walter Vogel

Pina de Walter Vogel

Le moment Bac+15

Quand il faut choisir son abonnement pour la saison suivante. Qui consiste avant tout à s’assurer une place pour la grand-messe Pina. Mais qui ne s’accorde que sous certaines conditions. Et ça change tous les ans.

 

Lecture avant que le spectacle ne commence

Libé (que l’on peut juste amener plié sous le bras, pas besoin de le lire). Ou le livre qui aurait dû avoir le Goncourt.

 

Ce qu’il faut dire pour briller

« Tu vois cette porte-là ? C’est celle de la loge de Sarah Bernhardt« .

 

Discussion à l’entracte

« Et sinon, ça en est où ton projet de pièce de théâtre écolo ?« . Variante : « Et sinon, ça en est où ton projet chorégraphique sur les réfugiées ?« , « Et sinon, ça en est où ton projet de court-métrage sur l’influence du cinéma coréen ?« , « Et sinon, ça en est où ton projet de mise en scène minimaliste de Shakespeare ?« . Tout le monde dans la salle a un projet artistique en cours. Même vous. Il vous suffit de l’inventer.

 

À lancer pour démarrer un bon troll

« De toute façon, il n’y a jamais aucune place de disponible au Théâtre de la Ville« .

 

Breuvage

Verre de rouge, chips, et cake, du simple et pas cher. Mais le mieux, c’est le stand de glaces Miko cônes au chocolat. Un carton à côté d’une table en face du bar, il passe souvent inaperçu (le public du rang T et au-dessus le connaît bien par contre).

 

Ce qu’il faut acheter à la boutique

Le magnifique et imposant livre Carnet d’une chorégraphe d’Anne Teresa De Keersmaeker (à acheter après qu’avant le spectacle, donc).

 

Le petit truc en plus

La sonnerie annonçant le début du spectacle/la fin de l’entracte. Ce qu’il faut de grandiloquent et d’original pour, en se rendant à sa place, être déjà intrigué-e et excité-e par ce qui nous attend de l’autre côté du rideau.

 



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