Tree of codes de Wayne McGregor : un ballet « hipster » à New York
Après une création mondiale cet été à Manchester, Tree of Codes, la nouvelle pièce de Wayne McGregor, collaboration entre sa compagnie et le Ballet de l’Opéra de Paris, fait escale à New York dans la salle du Park Armory.
Il était légitime que la première escale de la tournée mondiale de Tree of Codes soit New York, la ville du romancier américain à succès Jonathan Safran Foer. Le livre éponyme constitue, sinon le livret, du moins l’inspiration pour cette pièce ambitieuse. Wayne Mac Gregor ne se soucie guère de narration dans son œuvre et à l’instar de L’Anatomie de la sensation, bâtie sur l’imaginaire du peintre Francis Bacon, Tree of Codes n’est nullement une mise en espace ou en gestes du roman de Jonathan Safran Foer. Pas de synopsis dans le programme et pour cause : ce livre est moins un récit qu’une œuvre inclassable, bâtie à partir d’un autre roman mythologique de l’écrivain polonais Bruno Schulz The Street of Crocodiles (1934) que Jonathan Safran Foer a littéralement découpé pour créer un objet hybride qui relève autant de la littérature que de la performance (ndlr : Vous me suivez ?!).
Et le résultat est stupéfiant : 80 minutes d’une danse à grande – et parfois très grande ! – vitesse. Sur le plateau, six danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris et neuf de la compagnie Wayne McGregor se succèdent dans une série d’ensembles, de solos, de pas de deux ou de pas de trois sur une partition pop-électronique créée par le DJ star britannique Jamie xx.
Celles et ceux qui connaissent le style du chorégraphe britannique ne seront guère dépaysés ou bousculés : son goût immodéré pour les hypers extensions et les mouvements près du sol, son usage spécifique de torsions extrêmes du buste, ses portés acrobatiques mais toujours élégants, sa manière de transformer les danseurs et les danseuses en corps invertébrés, tout le vocabulaire de Wayne McGregor est là. L’ensemble est d’une cohérence parfaite : les artistes des deux compagnies se sont fondues comme naturellement pour cette œuvre techniquement exigeante et truffée de pièges.
Mais hélas ! les danseur-s-es sont le plus souvent perdu-e-s dans une scénographie magistrale signée Olafur Eliasson, qui a créée un système de miroirs géants et vitres translucides dans lesquels se reflètent à l’infini tout à la fois les artistes sur le plateau et les spectateur-rice-s. Ce dispositif magnifiquement éclairé produit une mise en abyme vertigineuse qui devient le personnage principal de l’œuvre. Les danseurs et danseuses ne sont plus à ce moment-là qu’un faire-valoir de l’œuvre du génial plasticien danois : ils semblent comme au service de la scénographie quand ce devrait être l’inverse.
Dommage ! Car il y a des moments très réussis. Marie Agnès Gillot qui a déjà travaillé avec Wayne McGregor, livre un solo et un pas de deux d’une infinie poésie et domine la distribution par son charisme sans jamais écraser ses partenaires. Tout aussi convaincant est Jérémie Bélingard qui bouge en rampant tel un félin. Superbe !
Il faut attendre les dernières minutes de Tree of Codes pour qu’enfin la danse reprenne ses droits et se débarrasse de ce générique branché tendance hipster qui nuit à l’œuvre. La scénographie se fait alors moins présente pour laisser la place à un final virtuose qui est comme un précis de l’œuvre de Wayne McGregor : intense, rapide, élégant. C’est un petit moment – trop court – de pur bonheur chorégraphique.
Tree of Codes par la compagnie WayneMcGegor et le Ballet de l’Opéra de Paris, avec Marie-Agnès Gillot, Jérémie Bélingard, Sébastien Bertaud, Lucie Fenwick, Julien Meyzindi, Lucie Vareilhes ( Opéra de Paris), Catarina Carvalho, Travis Clausen-Knight, Alvaro Dule, Louis McMiller, Daniela Neugebauer, Anna Nowak, James Pett, Fukiko Takase, Jesica Wright (compagnie Wayne McGregor). Armory Park New York. Lundi 14 septembre 2015.