20 danseur-se-s pour le XXe siècle – Boris Charmatz
Le Ballet de l’Opéra de Paris fait sa rentrée avec une soirée américaine, aussi avec un programme plus original : 20 danseur-se-s pour le XXe siècle de Boris Charmatz. Le chorégraphe n’invente rien, mais met en espace. Le principe ? 24 artistes du Ballet de l’Opéra de Paris investissent les espaces publics du Palais Garnier. En tenue décontractée, ils interprètent de courts extraits de grandes oeuvres du XXe siècle à nos jours, des Ballets Russes au voguing, de Balanchine au Bollywood, de Noureev aux cartoons. Si, au niveau de la danse pure, le résultat reste en général anecdotique, l’opération réussit son but d’attirer un nouveau public et de casser les codes du convenu de la grande maison.
Et, il faut bien le dire, l’ambiance pendant cette 1h30 de vagabondage est séduisante. Chaque artiste danse trois ou quatre extraits, il est donc impossible de tout voir. À chacun-e de vagabonder au gré de ses envies, de la musique. Cette liberté permet tout de suite au public de s’emparer du lieu et de faire comme chez lui. Les plus petits (et il y a beaucoup d’enfants) s’assoient par terre en cercle autour d’une danseuse. Les ados mitraillent avec leur smartphone, certain-e-s échangent quelques mots avec les artistes une fois leur performance terminée. Les musiques se mélangent, les applaudissements aussi, le brouhaha est joyeux et spontané, chose si rare au Palais Garnier. D’office, tout le monde s’approprie le lieu avec naturel, pas plus intimidé que ça par les dorures.
Pour les habitué-e-s, le plaisir est là aussi. Celui de redécouvrir les espaces publics d’abord : la magnifique rotonde des abonnés au sous-sol que l’on oublie si souvent, les foyers sur les côtés, une magnifique rotonde baignée de lumière, la balustrade. Plaisir aussi de voir évoluer les danseurs et danseuses d’aussi près, de croiser leur regard, de voir au plus juste leur travail. Le spectacle est aussi bien de voir Myriam Kamionka danser La Mort du cygne que de l’entendre expliquer ce ballet en mettant ses pointes et en enroulant ses pieds dans du coton.
Néanmoins, passé ce premier sentiment sympathique, le dispositif est un peu frustrant. Car comment, finalement, rendre vraiment l’esprit d’un ballet ou d’un personnage sans pointe, sans costume, sans décor et lumière, sans corps de ballet, sans tout ce qu’il y a autour ? Cela sonne comme si la danse, ce n’était que des pas, et puis c’est tout. Comment rendre Le Sacre de Pina sans la terre sous les pieds, les Noces sans les ensembles, Sérénade sans la lumière bleutée ? Finalement, la plupart des extraits semblent tous se ressembler, les différences se gomment, et les performances ont du mal à aller au-delà du stade du sympathique (ce qui est déjà pas mal, mais c’est au fond très réducteur).
Le procédé prend toutefois une autre dimension dans quelques cas. Celui de l’artiste interprétant un ballet qu’il connaît par coeur, tout d’abord. On est ainsi beaucoup plus dans la transmission d’un répertoire, un vécu plus profond. Alessio Carbone a choisi un débardeur rose comme sur scène pour un extrait abouti de Pas./Parts dans les grands foyers lumineux. Stéphanie Romberg est aussi angoissante qu’irrésistible dans sa pantomime de la Fée Carabosse, jouant avec le public dans le petit salon du soleil. L’idée trouve aussi un autre aboutissement lorsque les artistes sortent du répertoire pour quelque chose de plus personnel. Hugo Vigliotti est fascinant dans ses impros au salon du glacier, Samuel Murez fait rire le public en reprenant des cartoons dans le Grand escalier et Caroline Osmont séduit les plus jeunes en dansant un peu de voguing dans la loggia. Le reste ne dépasse pas le stade de l’anecdote.
20 danseur-se-s pour le XXe siècle de Boris Charmatz, dans les espaces publics du Palais Garnier. Avec Benjamin Pech, Stéphanie Romberg, Alessio Carbone, Caroline Bance, Marie-Solène Boulet, Myriam Kamionka, Yann Saïz, Alexandra Cardinale, Juliette Gernez, Pascal Aubin, Grégory Gaillard, Hugo Vigliotti, Anémone Arnaud, Julia Cogan, Noëmie Djiniadhis, Marion Gautier de Charnacé, Julie Martel, Caroline Osmont, Sofia Parcen, Jean-Baptiste Chavignier, Erwan Le Roux, Samuel Murez, Pierre Rétif et Francesco Vantaggio. Vendredi 25 septembre.