Sortie ciné – Comme ils respirent de Claire Patronik
Les films sur la danse ne sont pas courants. Les bons films sur la danse le sont d’autant moins. Comme ils respirent de Claire Patronik, qui est sorti dans les salles de cinéma le 18 novembre, fait partie de ceux-ci. Ce documentaire suit le parcours de quatre danseurs et danseuses. Plus que leur histoire, Comme ils respirent parle de leurs choix. Pourquoi je danse ? Pourquoi je continue alors que ce n’est pas facile ? De fait, ce film est sur la passion de la danse. La chorégraphie finale, si jolie et optimiste, est une bouffée d’air frais en ces temps troublés. Je danse, malgré tout.
Claire Patronik était au CRR de Paris en sport-étude Danse il y a une dizaine d’années. Elle a arrêté la danse, mais elle se demande ce que sont devenus ses camarades. Elle en retrouve quatre, qu’elle va suivre pendant toute une saison. Où en sont-ils aujourd’hui ? Quelles sont leurs aspirations ?
Il y a Claire Tran (connue aussi par #Lavraieviedesdanseurs). Elle rêvait d’être Étoile classique. On lui a fait comprendre abruptement à 12-13 ans que ce ne serait pas possible. Elle s’est tournée vers la danse contemporaine, elle s’éclate, elle multiplie les projets, et reste toujours émue aux larmes lorsqu’elle se souvient de son renoncement à son rêve de ballerine. Il y a Louise Djabri, ancienne Petit rat, qui a fui les humiliations de l’Opéra de Paris pour le Ballet de Bordeaux. Elle a trouvé sa place dans le corps de ballet, elle a quelques solos, elles cuisine des tartes au carambar pour les premières, elle se projette dans sa troupe (ce n’est pas dit dans le film, mais Louise Djabri a dû ensuite quitter le Ballet de l’Opéra de Bordeaux). Il y a Hugo Mbeng, danseur classique virtuose passé par le Ballet du Capitole. Il est blessé, il ne sait pas s’il pourra redanser, comment il pourra redanser, ni où. Il y a Anna Chirescu, danseuse contemporaine qui a aussi fait des études à Science-Po. Elle danse au CDNC Angers, elle a fondé CCCDanse.
Les quatre artistes ne sont donc pas des Étoiles, des stars. Ce sont des danseurs et danseuses que l’on ne remarque pas, dans le corps de ballet, de projets en projets. La question du choix ne se pose que plus fortement, avec les questions des petits salaires et de totale non-sûreté de l’emploi. Les problèmes ne sont pas évités, comme les relations humaines, comme construire sa vie à côté, comme penser à l’après, comme la douleur. « La danse, je l’aime comme je la déteste. C’est ça la passion« , dit Anna Chirescu. Car malgré les difficultés, il y a quelque chose de plus fort : la scène, l’interprétation… Les quatre artistes en parlent avec des mots simples, mais très forts. Le bonheur de danser se lit sur leur visage à chaque plan. La caméra les suit d’autant plus près, filme le travail, l’échauffement, le moment juste avant de monter sur scène, le stress, aussi le spectacle, ce qui se passe en scène, les regards habités. Comme ils respirent parle de danse, mais filme aussi la danse, beaucoup, de façon assez brute, vivante et sans emballage.
Claire Patronik a fait le choix de se montrer à l’image, à la Maïwenn. Ces retrouvailles sont aussi son histoire, mais la sienne fait malheureusement perdre du rythme à l’ensemble. Claire Patronik reprend la danse (pour le plaisir) et filme ces instants, le retour à la barre, l’essayage de chaussons. Un retour important pour la réalisatrice, mais qui paraît assez anecdotique par rapport aux parcours des quatre danseur.se.s, et finalement assez inutile à la narration. Le film tourne aussi autour d’un projet : une chorégraphie inventée et dansée par cette bande de cinq. Les portraits sont ainsi entrecoupés d’instants de répétition tout du long. Un procédé qui semble là encore assez inutile. Comme ils respirent veut à la fois montrer les multitudes différences entre chaque danseur.se, mais aussi ce qui les réunit. Cette chorégraphie en fait partie. Voir le résultat final, sous le soleil de Paris, est une bulle de bonheur de danser, qui suffit sans problème à montrer la solidarité qui les unis. Bien plus que les instants de répétition sans finalement trop d’enjeu.
La réalisatrice a peut-être voulu mettre trop de choses dans ce film si personnel. Malgré ces quelques maladresses, Comme ils respirent reste un beau portrait de quatre artistes, hors des sentiers battus, qui font leur métier sans autre prétention que de (faire) vivre un moment unique.
Laetitia
J’ai eu la chance de voir ce documentaire avant sa sortie en salle l’an dernier, et j’ai aussi trouvé que c’était un très bon film ! Oui, un peu maladroit par moment, tombant parfois dans les écueils d’un documentaire (un petit côté mélo parfois), mais surtout très fin et intéressant, bien rythmé et donnant à comprendre ce qu’est la vie concrète d’un-e danseur-se aujourd’hui. Les extraits de spectacle sont de plus très beaux ! Je suis vraiment contente qu’il puisse sortir en salle.