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Une année au LAAC – Apprentis, amateurs et travail chorégraphique

Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta, Étoile de l’Opéra de Paris, ont créé en septembre 2015 le LAAC, l’Atelier d’Art Chorégraphique. Installé au Théâtre des Champs-Élysées, cet atelier propose une formation à des adolescent.e.s, de jeunes danseur.se.s entrant dans le monde professionnel, des amateurs et des enfants. École particulière (qui d’ailleurs n’a pas le mot « école » dans son nom), le LAAC se veut être différent. Apprenti.e.s sont parfois réunis avec les amateur.rice.s, ils y développent leurs propres chorégraphies et projets, dansent en tant que professionnel.le. aux côtés de Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta. Pendant toute cette saison, Danses avec la plume se glisse dans le quotidien du LAAC. Premier épisode : un cours de danse classique donné par Nicolas Le Riche et une session de travail chorégraphique.

Cours de danse au LAAC

Cours de danse au LAAC

 

Le cours de danse

9h. Le studio en haut du Théâtre des Champs-Élysées se remplit. C’est ici que se retrouvent chaque matin les apprentis-pro du LAAC. Deux fois par semaine, des amateurs et amatrices y participent aussi. À la barre, les niveaux se mélangent spontanément. Nicolas Le Riche, qui donne le cours en ce mardi 27 septembre, fait d’ailleurs des corrections à tout le monde, professionnels ou amateurs. Ce mix fait partie du quotidien du LAAC : pour le spectacle de fin d’année en juin, les professionel.le.s ont demandé aux amateur.rice.s de participer à leurs créations. Pour Jesse, apprenti de 26 ans, ce mélange est un enrichissement. « Travailler avec eux est inspirant. En tant que professionnel, on peut parfois tomber dans une certaine routine. Or, pour eux.elles, danser est toujours un moment incroyable. Ils nous rappellent la chance que nous avons de danser, que danser est quelque chose de sacré« . Jesse a un profil atypique. Gymnaste de haut niveau, il a découvert la danse à 19 ans. Après des études chez Rosella Hightower, il est parti aux États-Unis, d’abord au Washington Ballet puis au Richmond Ballet. Tout se passait bien, mais une grave blessure l’a poussé à revenir en France. Après six mois sans danser, il prend des cours avec Gil Isoart au CND, qui le dirige vers le LAAC. « Pour moi, c’était incroyable de travailler avec Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta« .

25 personnes se placent à la barre. L’accompagnement, qui change régulièrement, est ce jour-là mené par un musicien jouant du piano et du violoncelle, avec une préférence pour une musique plus contemporaine (et même parfois carrément mainstream, les élèves ont eu droit à Get Lucky de Daft Punk pour les grands battements). Nicolas Le Riche circule entre les barres, corrige un bras, un pied. Il ne donne pas forcément des corrections purement anatomiques comme l’incontournable « Tends ta pointe« , il s’intéresse plutôt au mouvement, son amplitude, à la direction du travail. « N’oubliez pas d’avoir un regard qui porte loin« , conseille-t-il. Sa barre contient d’ailleurs beaucoup de mouvements amples, de ports de bras, avec une forte musicalité. L’ambiance est à la fois studieuse et décontractée. Les visages sont concentrés à la barre, mais les rires fusent à la fin d’un exercice de battement spécialement rapide. « J’essaye déjà de faire travailler les entrechats 5. Essayez d’ailleurs d’envisager ces battements presque comme un saut« , conseille Nicolas Le Riche.

La barre se termine au bout de 45 minutes, sans forcément passer par la case étirement. Au milieu, chacun se place vite. Là encore, apprenti.e.s et amateur.rice.s se mélangent, même si chacun.e fait en fonction de son niveau. Nicolas Le Riche travaille là encore le sens du mouvement. « Soyez beaucoup plus simple et épuré. C’est moins Second Empire que l’on ne le croit« , lance-t-il en clin d’oeil. Le travail se fait dans la précision, le détail, la rigueur, mais sans stress. Nicolas Le Riche ne fait ainsi pas souvent de compliment, un « C’est bien » est plutôt rare. Mais sa voix ne trahit jamais aucune brusquerie, restant toujours posée. Les élèves sont tous considérés comme des danseurs et danseuses indépendant.e.s face à leur travail. Au moment de montrer un exercice, Nicolas Le Riche prononce ainsi souvent des « Je vous propose maintenant« , « Je vous invite à«  plutôt que « Vous allez faire« .

 

Travail chorégraphique

À la fin du cours, les élèves se dispersent : certains restent dans le studio pour un cours de perfectionnement. Sept personnes descendent au sous-sol, au studio Opéra, pour travailler une chorégraphie de Jesse. Il s’agit d’un solo entre lui et Emma, une autre apprentie, encadré.e.s de  six amateurs et amatrices. Jesse présente cette pièce au concours Les Synodales, une semaine plus tard. Le petit groupe retrouve au studio un guitariste, Guillaume, et Nicolas Le Riche qui supervise cette séance. Son but n’est pas tellement de dire à Jesse ce qu’il doit faire, mais de le guider dans l’apprentissage de son travail de chorégraphe : savoir diriger ses danseur.se.s, le musicien, le tout avec le temps imparti. Et ce dernier point lui pose un premier problème. Jesse connaît son emploi du temps, mais pas celui de ses interprètes. Or, les amateurs et amatrices doivent partir dans moins d’une heure. « Tu devrais placer tout le monde, surtout les amateurs quand ils sont là« , lui conseille Nicolas Le Riche. Une remarque qui déstabilise le jeune chorégraphe, qui commençait à partir dans une autre direction. Jesse met en place les déplacements de ses interprètes. « Émilie et Maggie seront à un moment ensemble. Est-ce que c’est le message que tu veux faire passer ?« , l’interroge Nicolas Le Riche. Chaque geste doit avoir son sens.

Jesse sait bien où il veut aller, mais a encore du mal à l’expliquer à ses interprètes. « Mais qui on est ?« , lui demande ainsi une amatrice. Le guitariste a aussi besoin de pistes. Il va improviser pour cette pièce de huit minutes, mais il a besoin de directions plus claires et « l’improvisation, c’est aussi une direction« . « Qu’est-ce que tu veux développer durant cette séance de travail ?« , lui demande à son tour Nicolas Le Riche. Jesse revient donc à la base et explique son projet : « La fille est comme un souvenir, un fantôme. Le duo ne représente pas deux personnes ensemble, mais lui dansant avec un souvenir« . Après la séance, il creuse un peu plus : « Ma pièce est à propos de tous les fantômes qui marchent avec nous, les gens que l’on rencontre et qui laisse une trace en nous. Nous somme faits de l’empreinte des autres, nous sommes la somme des gens que l’on a rencontrés« . Ses explications clarifient le travail de tout le monde, danseur.se.s et musicien, même si ce dernier manque encore d’un cadre. Nicolas Le Riche lui conseille alors de donner des comptes à la musique et d’être plus précis dans ce qu’il veut faire ressentir. Jesse reprend alors son duo, en expliquant chaque geste, chaque intention. Sa voix se fait plus directive, il semble mieux contrôler sa séance de travail. « C’est par là qu’il aurait dû commencer« , souffle Nicolas Le Riche.

Jesse est plus à l’aise dans son travail de direction, Nicolas Le Riche le laisse donc développer ses idées. 20 minutes plus tard, c’est Clairemarie Osta qui arrive. Elle vient avec quelques jeunes apprenties pour un travail de répertoire autour de la variation d’Odette du deuxième acte du Lac des Cygnes, dans la version de Rudolf Noureev. Elle s’arrête quelques minutes pour observer le travail de chorégraphe de Jesse. Ce dernier aime avoir ces deux regards différents. « Nicolas Le Riche va me montrer des chemins que je n’avais pas vus. Il me remet aussi dans la spontanéité. Clairemarie Osta me ramène beaucoup dans le sens des choses. Qu’est-ce que l’on est en train de dire ? Elle se soucie de l’unité« .

 

Retour d’expérience

Retour avec Jesse quelques semaines plus tard, une fois le concours des Synodales passé. Il n’a finalement pas gardé les amateurs et amatrices dans sa pièce. « On avait trop peu de temps pour faire les choses bien, je ne voulais pas faire les choses à moitié et faire monter les amateurs sur scène sans qu’ils ne soient mis en valeur« . Jesse est donc reparti sur un duo, « un trio«  précise-t-il, « avec le guitariste« . Travailler avec le musicien est quelque chose qu’il a beaucoup travaillé pour cette expérience. « Communiquer avec un musicien s’apprend vraiment. Il faut apprendre à lui faire confiance. Nicolas Le Riche m’a dit que le plus intéressant était de lui expliquer l’ambiance que je voulais, et non pas la musique que je voulais« . Le chorégraphie n’a rien remporté, mais Jesse est satisfait de son travail. « Je suis allé au fond de ce que je voulais faire. On a bien dansé, on a rencontré plein de gens, vu plein de choses et de propositions différentes. C’est une émulation« .

Pour la suite, Jesse va travailler deux mois avec le Ballet du Rhin, collaborer avec un expert de kick-boxing pour une performance en mars, déjà réfléchir à sa création pour le spectacle du LAAC en juin. « Je me suis aussi rendu compte qu’il vaut mieux prendre une idée et bien la développer plutôt que de multiplier les idées sans les creuser, ce que j’ai tendance à faire« .

 

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