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Rencontre avec Alexander Ekman pour son Swan Lake au Théâtre des Champs-Élysées

Alexander Ekman est un homme pressé ! Demandé aux quatre coins de la planète, le chorégraphe suédois – et toujours danseur – vole d’avion en train pour régler ses ballets qui sont aujourd’hui au répertoire d’innombrables compagnies. Il sera en décembre 2017 au Palais Garnier pour la création Play, le moment le plus attendu de la prochaine saison au Ballet de l’Opéra de Paris. Mais c’est au Théâtre des Champs-Élysées que le public parisien peut dès à présent le découvrir avec A Swan Lake créé pour le Ballet National de Norvège, du 29 au 31 mars. De passage pour adapter cette pièce à la scène du théâtre parisien, Alexander Ekman a reçu quelques journalistes pour leur parler de ce projet… et de quelques autres.

Alexander Ekman,

Comment est née cette idée de Swan Lake ? C’était votre proposition ou l’une du Ballet de Norvège ?

Avant de créer une pièce, où que ce soit, j’aime aller voir le théâtre ou elle sera produite. Et dans le cas présent, je suis allé à l’Opéra d’Oslo. Je me suis assis dans la salle, il y a tout ce bois dans l’auditorium et cela m’a tout de suite évoqué la nature. Je me suis dit : « On devrait créer une pièce avec de l’eau ici« . À vrai dire, c’était une idée que j’avais depuis longtemps et très vite, nous avons eu ce projet de construire un lac sur la scène. Après cela, je me suis demandé quelle histoire nous avions dans le monde du ballet qui se passe autour d’un lac (rires). Et il y avait ce ballet Swan Lake. Donc finalement, tout est d’abord venu de l’eau.

 

Et pourquoi avez-vous décidé de ne pas utiliser la partition iconique de Tchaïkovski pour monter votre ballet ?

Pour moi, essayer de créer quelque chose de nouveau est essentiel. J’adore la musique de Tchaïkovski. Mais pour être précis, il n’y a pas dans cette pièce le livret du ballet Swan Lake car je ne reprends pas vraiment l’histoire. Le cygne blanc et le cygne noir sont encore là dans ma version. L’idée du bien et du mal, du yin et du yang, cet aspect-là est toujours présent. Mais en revanche, vous ne retrouverez pas l’histoire d’amour. Si vous cherchez l’histoire de Swan Lake , vous ne la trouverez pas. C’est davantage un ballet sur le ballet Swan Lake. Ici à Paris, c’est une nouvelle version que le public verra. Lors de la création à Oslo, il y avait deux parties. La première montrait plus ou moins Swan Lake tel que le ballet avait été créé il y a 138 ans. Puis il y a une deuxième qui se passe aujourd’hui et où l’on se demande ce qu’est devenu Swan Lake. Bien sûr, lors de mon travail, je me suis interrogé sur les versions de Swan Lake qui avaient existé. Mon ballet s’interroge sur le temps qui passe, sur Swan Lake qui est si spécial et pourquoi se joue-t-il encore.

 

Aviez-vous dansé dans Le Lac des cygnes comme danseur ?

En fait oui. Quand j’étais très jeune au Ballet Royal de Suède, j’interprétais un des quatre assistants du joker. Je fus donc très vite familier de l’histoire et de la musique que j’adore. Pour moi comme pour tous les danseur.se.s, je crois que cette pièce a une place spéciale. Ce fut donc un événement  quand j’ai décidé de monter cette pièce, c’était vraiment important.

 

Que pouvez-vous nous dire de cette nouvelle partition ?

Elle est signée Mikael Karlsson avec qui j’ai créé huit pièces. C’est une partition pour  grand orchestre mais à Paris, nous avons été obligés de présenter la version enregistrée. Le premier acte a des références à la musique de Tchaïkovski et vous pouvez entendre des fragments de l’original, mais le second acte est complètement nouveau. C’est une belle musique, Mikael Karlsson est très talentueux et nous avons une collaboration très étroite.


Comment travaillez-vous durant le processus créatif ?

J’essaye d’avoir totalement précisé le concept de la pièce avant de commencer les répétitions et d’avoir un story-board. Je ne suis pas quelqu’un qui peut improviser la création d’un ballet, j’ai besoin d’être très préparé avant d’entrer en studio pour ce qui est du projet conceptuel de l’œuvre. Après, pour ce qui est des pas à proprement parler, je collabore beaucoup avec les danseur.se.s et nous créons ensemble. Nous avons essayé beaucoup de choses car c’était un défi de créer ce ballet, notamment à cause de l’eau. En studio, nous avons d’abord jeté de l’eau au sol mais cela devenait très glissant et du coup très dangereux. À un certain moment, on a mis des casques pour se protéger et on a même failli annuler la production car beaucoup de gens avaient été blessés. Et la question qui a surgi fut : où est la limite ? Jusqu’où puis-je aller comme chorégraphe ? Ce fut donc un réel challenge mais ce fut très excitant car nos devions trouver d’autres manières de s’exprimer, quelque chose de vraiment nouveau.

 

Et quelles furent les réactions des artistes ?

La sensation de danser sur l’eau est fantastique. Je ne sais pas si vous avez essayé mais si vous ne l’avez pas fait, je vous suggère d’essayer ! C’est vraiment une sensation géniale, une sensation de joie. Bien sûr, pour certain.e.s d’entre eux, ce fut vraiment difficile. C’était nouveau et tout ce qui est nouveau est un peu effrayant. Mais au bout du compte, je crois que cela leur a plu. C’est tellement particulier, tellement unique, je me souviendrai toujours de cette création. Je crois que ce fut le moment le plus excitant de mes douze années de travail comme chorégraphe, surtout quand nous sommes allés sur scène avec les 600 litres d’eau, puis qui ont tout à coup volés. J’étais estomaqué par l’effet.

 

Et les costumes ?

Ce fut aussi un challenge. Ils ont été faits par Henri Vibskov qui est un grand designer danois. Les costumes pour les cygnes blanc et noir sont en Néoprène qui est de fait un matériel de plongée. Pour les autres danseurs, c’est du coton.

 

Et comment le public a réagi lors de la création ?

Ils ne s’attendaient pas à cela. C’est une vision très forte de voir 40 danseur.se.s danser sur l’eau de manière synchronisée. Les gens étaient sidérés et après la première, toutes les représentations se sont vendues très vite et ce fut sold-out. Ce fut un grand succès.

 

À la fin de l’année, vous faites votre entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris avec Play. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?

Je travaille énormément sur ce ballet en ce moment, c’est très présent dans ma tête. C’est une pièce sur le fait de jouer. Et je m’interroge sur : quand jouons-nous en tant qu’adultes et quand jouons-nous en tant qu’enfants. Et quand nous arrêtons-nous de jouer ? Je jouais énormément quand j’étais enfant et j’ai des souvenirs fantastiques de ces moments-là. C’était presque toute ma vie et je me suis demandé quand cela s’arrête-t-il. L’idée est que ce ballet fonctionne comme quelque chose qui nous permet en tant qu’adultes de nous remémorer ces moments de joie intense. Le défi sera d’explorer cela et voir ce qui est possible. Il y aura 36 danseur.se.s et de la musique sur scène, du gospel et des saxophonistes.

A Swan Lake d’Alexander Ekman

C’était important pour vous cette proposition de l’Opéra de Paris ?

Bien sur. Pour moi, c’est comme un rêve qui devient réalité. Et d’une certaine manière, je vois cela comme une étape dans ma carrière et la fin plus ou moins de ma vie de chorégraphe freelance (rires). Car au fond, se produire à l’Opéra de Paris, c’est comme être arrivé au sommet, après cela, je pourrai juste me concentrer sur la création. Plus sérieusement, je travaille en ce moment sur la créativité comme chorégraphe et après douze ans à voyager à travers le monde et à rencontrer différentes compagnies, j’ai envie de concentrer mon travail sur un groupe de danseur.se.s et de monter ma propre compagnie en Suède.

 

Avez-vous été influencé par Mats Ek ?

Bien sur ! Je ne pense pas que cela se voit aujourd’hui dans mon travail mais c’est une influence majeure. Mats Ek a fait tant de grandes choses… C’est ce que je respecte avant tout chez lui, c’est son intégrité et sa force de travail incroyable. C’est une inspiration majeure pour moi. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il va s’arrêter pour toujours. Je vois bien à quel point je suis accroché à la création et à l’idée de trouver de nouvelles choses. C’est un travail difficile bien sûr, car il faut collaborer avec plein de gens différents. Il y a la pression sociale, les questions psychologiques avec les danseur.se.s. Mais quand vous arrivez au bout de ce processus et que le public est là et qu’il aime ce que vous faites, c’est génial. 

 

Comments (1)

  • LB

    Bonjour, après avoir lu vos conseils de spectacle, qui sont habituellement très avisés, j’ai été voir « a swan lake », au théâtre des champs élysées vendredi soir et j’ai été très très déçu, comme la grande majorité des spectateurs ! Je suis un amateur de ballets, tant en danse classique que moderne, et si l’idée de voir s’exprimer les danseurs sur un mince filet d’eau semblait originale et pleine de promesse, le résultat est très décevant. Les danseurs peinent à exprimer toute légèreté et le plan d’eau se transforme rapidement en piètre pataugeoire où les danseurs tentent vainement d’effectuer quelques glissades sans grâce qui tournent très vite au ridicule. La corde de l’humour ne fonctionne pas non plus, avec l’apparition d’un robot, d’un cygne en forme de pédalo ou de boules et de palmes qui font peine à voir . Bref, un spectacle à oublier, je regrette d’avoir dépenser 120€ dans les deux places, on se croyait à un mauvais show dans un palais des sports… mais j’ai quand même pu me consoler hier en allant voir le spectacle de l’école de danse à Garnier, d’un bien autre niveau!

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