EcoleS de Danse – La musique des cours de danse
Pour George Balanchine, « la danse doit sembler être de la musique« . Du berceau français à la conquête de l’Amérique, ces deux arts ont fusionné dans la culture européenne où danse classique et musique se sont liés au gré des cours et des enseignements. Notre dossier ÉcoleS de Danse se penche ce mois-ci sur la musique durant le cours de danse, à travers les différentes écoles : le style Bournonville, la méthode Vaganova, l’école française… Cette étude est réalisée à partir de recherches et d’un savoir pédagogique laissant la place à une interprétation personnelle.
Au son de la corde frottée – Le violon et l’école française
Munis d’un violon et d’une pancarte « céans on montre à danser », les maîtres étaient nombreux à Paris au début du XVIIe siècle. Que ce soit pour la famille royale ou bien de l’aristocratie, ils donnaient leurs cours à domicile. Ils accueillaient aussi dans leurs « salles de maîtres » des apprenti.e.s ou de jeunes danseur.se.s au son du violon en cadençant les pas et chantant les notes. Les élèves apprenaient ainsi les danses à la mode ainsi que les bonnes manières.
Puis Louis XIV institutionnalisa la danse, avant même l’Académie royale de musique. La danse restait intimement liée à la musique. Les « académistes » choisis par le roi étaient à la fois danseurs et musiciens. Dans Le mariage de la musique avec la danse, G.Dumanoir décrivit le métier : « Il faut un fond pour cette pratique , c’est-à-dire qu’il faut de l’harmonie et un chant, des règles et des mesures, des mouvements et des cadences« . Instrument mélodique, le violon peut soutenir une seule mélodie. Il s’impose par commodité. La résolution et tension harmonique sont perceptibles à l’oreille.
Ce savoir musical se transmettait par le maître avec la même exigence que celui des pas. Auguste Bournonville jouait d’ailleurs lui-même du violon durant les cours en répétition. Ses oeuvres chorégraphiques composées pour le violon traduisaient à la perfection les enchevêtrements et la virtuosité de la danse. Le travail du professeur de danse était large à cette époque, mêlant différents arts. La musique comme la danse étaient des savoirs révélés par une seule personne. Jean Jacques Rousseau expliquait : « Ces deux arts sont frères, et se tiennent par la main« .
Au son de la corde frappée – Le piano de la méthode Cecchetti au style Balanchine
Tel un petit orchestre, le piano est l’instrument idéal pour une restitution fidèle d’une musique d’orchestre. Au cours du XXe siècle et de l’industrialisation, la production des manufactures installe le piano dans les salles de danse. Pour Enrico Cecchetti, « la musique a la fonction non seulement de conduire mais aussi de faire effectuer des mouvements de danse gracieux et marqués de manière artistique« . Le passage du violon au piano a facilité l’écoute de l’élève pouvant aisément détecter le rythme harmonique soutenant la technique de la danse. Comme l’exprimait le maître : « Chaque pas de danse devra parfaitement rendre le motif musical et ne devra pas se limiter seulement à la cadence parfaite du rythme, mais devra donner aux yeux ce que le motif donne aux oreilles, de façon que l’on ne puisse imaginer une éventuelle division entre la musique et la danse et que l’on ait la sensation précise que la musique et la danse sont une seule et même chose » selon E.Cecchetti.
La spécialisation des métiers artistiques entraîne la différenciation des métiers de professeur.e et de musicien.ne. Le.la pédagogue n’est plus le.la seul.e faiseur.se de musique durant le cours. Il.elle doit combiner son travail avec celui de l’accompagnateur.rice. Dans la traduction de la méthode Vaganova, quelques partitions de piano se retrouvent à la fin de l’ouvrage. Les exemples pour accompagner les divers exercices sont des extraits de ballets mais aussi des improvisations de S.S Brodskaïa.
Cette alliance de travail entre le.la professeur.e et son accompagnateur.rice peut fonctionner… ou non. L’équilibre est parfois fragile. George Balanchine prévenait : « Faites attention aux pianistes, ils veulent toujours prendre le dessus. Un pianiste devrait se limiter à jouer simplement, avec des tempos exacts« . Il souhaitait que le.la pianiste s’accorde au tempo souhaité par le.la professeur.e. Durant l’exercice, et malgré les difficultés rencontrées par les danseur.e.s, le.la musicien.ne ne devait en aucun cas les suivre. Si la musique était inadéquate, mieux valait le silence. La voix du.de la professeur.e comme le sont des corps en mouvement créaient alors la rythmique et l’énergie attendues.
La musique des cours de danse aujourd’hui
Au XXIe siècle, beaucoup de cours de danse se font sur audio. Les supports sont divers et varient du CD aux applications smartphones. La compression du son a des atouts et des inconvénients. Le.la professeur.se doit transmettre la spécialisation et l’exigence des pas sans omettre l’énergie et le phrasé du mouvement. Sa responsabilité reste la même que celle des « académistes » : transmettre la danse.
Christine
Beaucoup d’éléments historiques que j’ignorais. Passionnant, merci ! La danse est pour moi une manière de rendre visible la musique. J’aime quand on a l’impression que c’est la musique qui suscite le mouvement, qui contracte les muscles, soulève une jambe et propulse le danseur dans ses sauts.
LIEJane
Bien dit ! La responsabilité d’un accompagnateur de danse classe devrait être conscient de ce plaisir détaillé… C’est ainsi qu’il participerait aux jeux plaisir mouvement corporel d’ une classe de danse.
Gabriel
Bonjour,
Tout d’abord j’espère que tout se passe le mieux possible pour vous et vos proches dans cette période.
Je suis ravie d’avoir lu vos recherches , très intéressantes.
Félicitations pour l’ensemble de votre site !