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Etudes – Le Gala de l’Académie Princesse Grace

Le mouvement de leur danse provient peut-être du rythme des vagues qui les berce. Libres et ondoyants, les élèves de l’Académie Princesse Grace ont présenté leur spectacle annuel, Les Études, sur la scène de l’Opéra Garnier de Monte Carlo. À l’évidence, le spectacle est plus qu’une démonstration scolaire de courtoisie. Les Études s’avère être une pépinière prometteuse de fortes individualités, davantage artistes en herbe que visages anonymes d’un corps de ballet. Pour laisser à chacun-e la possibilité d’exprimer sa singularité intérieure, le spectacle a été concocté comme un programme éclectique toutefois marqué par les influences chorégraphiques qui prévalent à Monte Carlo. À l’issue de la représentation, une chose était certaine : l’Académie Princesse Grace forme des danseurs et danseuses du XXIe siècle qui ont vocation à essaimer au-delà des frontières de la Principauté.

 Marina Fernandes da Costa Duarte et Gustavo Ferreira Chalub – Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot

Les élèves diplômé.e.s cette année ont d’abord proposé Pas d’Adieux, composé de plusieurs duos aux inspirations éclectiques. Le néoclassique monégasque par excellence (Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot) a ainsi côtoyé l’élégance grave de Sidi Larbi Cherkaoui (In memoriam). La pétulante Marina Fernandes da Costa a offert sa vivacité rieuse à l’héroïne bien connue du drame de Shakespeare. Elle a restitué avec beaucoup d’esprit la chorégraphie épurée de Jean-Christophe Maillot, dépoussiérant par son interprétation une Juliette ternie par des siècles d’usure. Lignes pures et drapés fluides donnent le ton d’un pas de deux enivrant de nuances, d’émois adolescents et d’esquives furtives avec Gustavo Ferreira Chalub, réceptif  à cette effervescence des sens. La spiritualité anthracite de Michelle Pinelis et de Mikhail Kinley-Safranoff a ému dans l’univers intimiste et viscéral d’In memoriam, que Sidi Larbi Cherkaoui a chorégraphié sur des chants polyphoniques corses. Deux âmes en peine ployant sous la pesanteur de l’existence, les deux interprètes ont séduit par leur maturité artistique ; ils ont coloré à leur façon une oeuvre touchante qui oscille entre profane et sacré, comme une ode aux défunts.

D’autres grands mythes ont été revisités, au premier chef desquels Carmen de Sara Lourenco. Malgré leur jeune âge, Nicole Conti et Luca Afflito s’emparent avec succès de ce mythe brûlant pour proposer un corps à corps fougueux, nappé d’humour. Les élèves de l’Académie embrassent également le répertoire contemporain à pleine bouche avec, par exemple, Les Indomptés (Claude Brumachon) qu’Andrea Marino Gambazza et Giovanni Tombacco, virils et caïniques,  interprètent torse nu, en jean brut, dans une gestuelle gémellaire à la puissance tellurique. Les apprenti-e-s s’essaient aussi à des pièces plus arides voire fiévreuses comme Black Swan. Lisa van Cauwenbergh – au casque d’or – et Jaat Benoot font leur la chorégraphie « très Picasso » de Marco Goecke qui surprend par les mouvements brusques et âpres du haut du corps, un contraste avec la musique suave de Tchaikovsky.

May Nagahisa – La Bayadère de Roland Vogel d’après Marius Petipa

Quant à l’excellence académique de l’école, elle s’est illustrée dans le pas de deux de l’acte III de La Bayadère à travers May Nagahisa et Iacopo Arregui. Fluette et gracile, May est un cerisier en fleur. La finesse de sa gestuelle, précise, expressive, n’occulte pas la sensibilité artistique de la future ballerine. Elle danse en ponctuant chaque phrase ; ses bras, ses mains et ses jambes distinguent le point de la virgule, marquent des parenthèses qui s’éternisent. Ses gestes s’étirent à l’infini à la faveur d’un port de bras sophistiqué. Les Russes ont déjà détecté le potentiel : la jeune Japonaise va faire ses débuts au Théâtre Mariinsky, d’ordinaire hermétique aux interprètes étrangères. Son partenaire se montre à la hauteur, fort d’une assurance technique et scénique qui magnifie Solor.

En deuxième partie de soirée, le gala s’est décliné sous la forme du ballet Études au découpage plus classique, avec tous les élèves en scène. Ouvertement inspiré de l’oeuvre d’Harald Lander, dont on retrouve la symbolique, l’esthétique épurée et la musique, ce programme est parcouru de diverses influences chorégraphiques, de Mats Ek à Jiri Kylian en passant par William Forsythe. L’ensemble a été revisité par Eugenio Buratti, Julien Guérin, Sara Lourenco, Jean-Christophe Maillot, Michel Rahn, Jeroen Verbruggen et Roland Vogel qui sont restés fidèles à l’esprit du ballet original en modernisant le propos ainsi que le vocabulaire chorégraphique, tantôt classique tantôt néoclassique voire très contemporain. Le final se savoure comme un feu d’artifice en noir et blanc, laissant place à la virtuosité démonstrative qui est la marque des grandes école de danse. Les « Gracieux » comme les « Gracieuses » de l’Académie sont déjà prêt.e.s à entamer une belle carrière à l’étranger : tous les élèves de dernière année sont déjà embauchés dans de grands ballets européens. L’Académie Princesse Grace, la déclinaison chorégraphique du projet européen ?

Études – Académie Princesse Grace

 

Les Études par les élèves de l’Académie Princesse Grace. Pas d’Adieux, avec May Nagahisa et Iacopo Arregui T. Saltini (La Bayadère de Roland Vogel d’après Marius Petipa), Lisa Van Cauwenbergh et Jaat Benoot (Black Swan de Marco Goecke), Michelle PInelis et Mikhael Kinley-Safronoff (In Memoriam de Sidi Larbi Cherkaoui), Andrea Marino Gambazza et Giovanni Tombacco (Les Indomptés de Claude Brumachon), Nicole Conti et Luca Afflitto (Carmen de S. Lourenco), Marina Fernandes da Costa Duarte et Gustavo Ferreira Chalub (Roméo et Juliette de Jean-Christophe Maillot) ; Études de Luca Masala, Eugenio Buratti, Julien Guérin, Sara Lourenço, Jean-Christophe Maillot, Michel Rahn, Jeroen Verbruggen, Roland Vogel. Michelle Pinelis, Luca Afflitto et Lisa Van Cauwenbergh. Samedi 24 juin 2017.

 

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