Ballet National de Cuba – Gala d’ouverture
Voilà sept ans que le public français n’avait plus vu le Ballet National de Cuba, dix si l’on compte sur une véritable tournée de plusieurs semaines. Autant dire que l’attente était forte, la compagnie ayant toujours une solide réputation auprès du public danse. Le gala d’ouverture a donné le ton. L’ambiance est absolument surannée, comme si rien (des costumes à la bande-son grésillante) n’avait changé depuis 40 ans. Mais les danseurs et danseuses du Ballet National de Cuba transcendent absolument tout. Quant à l’école cubaine, elle est toujours aussi vivace et unique en son genre, entre formidable virtuosité sans tomber dans l’uniformité du XXIe siècle (toutes les danseuses, loin de là, ne jouent pas des hyper-extensions), et toujours doublée d’un certain romantisme qui donne à cette danse un charme et une intensité unique.
Rien que le programme du gala d’ouverture du Ballet National de Cuba donne le ton. Le Corsaire, Le Lac des Cygnes, Raymonda, Don Quichotte… Tous les grands pas de deux des ballets classiques sont là, n’allant pas plus loin historiquement que George Balanchine, alors qu’un gala européen ne pourrait se passer désormais du néo-classique de Wayne McGregor, Kenneth MacMillan ou Benjamin Millepied. Le répertoire d’abord et avant tout donc, dans des productions qui n’ont pas forcément bougé depuis 30 ou 40 ans (faute de moyens aussi). Et toutes ces choses que l’on croyait remisé au placard – les collants brillants des danseurs, une bande-son grésillante et aléatoire dans Le Corsaire – sont la normalité sur scène. Mais le charme opère tout de même, grâce aux formidables interprètes de la troupe qui y croient plus que tout et dominent une technique totalement unique, un mélange de grâce et de fougue qui n’appartient qu’à eux.elles.
Viengsay Valdés et Osiel Gouneo ont sûrement formé l’un des couples les plus enthousiasmants de ce gala. Elle est une danseuse expérimentée, Étoile depuis 2001, tandis que lui, âgé de 27 ans, est parti au Ballet de Bavière. En première partie, ils ont proposé un Diane Actéon de rêve, pas de deux brillant et délicieux, au style doucement appuyé sans en faire trop, léger et piquant, où la formidable virtuosité ne semble jamais vaine. Le duo a terminé le gala avec la formidable coda de Don Quichotte, joyeux et enivrant comme on l’aime où la joie de danser l’emporte sur tout. À ne pas manquer dans la version intégrale du ballet.
Yolanda Correa et Yoel Carreño, formé.e.s à Cuba mais au Ballet de Norvège depuis 2010, ont interprété avec beaucoup de romantisme et d’allant le pas de deux de Roméo et Juliette, montrant aussi le goût de la romance de la technique cubaine. Ils ont dansé en deuxième partie un irrésistible Tchaïkovski pas de deux, festif et tout en finesse. La très attendue Anette Delgado, peut-être l’Étoile du Ballet National de Cuba la plus connue à l’international, a au départ désarçonné dans le pas de deux du Cygne noir, dansé avec Dani Hernández. Bras plus secs er regard dur, la danseuse ne semblait pas la plus à l’aise dans le rôle de la femme-cygne. Le duo a donné une toute autre image dans un pas de deux plus néo-classique sur la musique du premier pas de deux de Casse-Noisette, signé d’Ely Regina Hernández. Anette Delgado y a montré toute la finesse de sa danse et son aura naturelle, qui font d’elle une Giselle si réputée.
Le reste du gala était composé de plus jeunes talents. Gretta Morejón et Rafael Quenedit ont ouvert la soirée avec un très propre et musicale Casse-Noisette avant de proposer une étrangeté made in Cuba : le pas de deux Muñecos d’Alberto Méndez, venu tout droit des années 1970 (musique comprises). Son intérêt est tout historique, celui de voir ce que pouvait être la danse contemporaine à cette époque à Cuba, aussi un certain sens de l’humour de Gretta Morejón. Sadaise Arencibia et Luis Valle se sont un peu perdus dans le pas de deux de Raymonda. Mais le stress les a quittés pour ouvrir la deuxième partie avec un formidable pas de deux du Corsaire, peut-être l’un des meilleurs résumés de la technique cubaine. Bien sûr que l’on compte les tours et fouettés (doubles, triples, ça ne semble jamais s’arrêter), et il faut le dire, cela fait partie du vrai plaisir de voir la troupe (les danseur.se.s en sont d’ailleurs bien conscient.e.s et jouent le jeu). Mais tout est toujours dansé avec charme, avec cœur. Tous les ingrédients pour faire craquer les amateur.rice.s de ballet.
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Gala d’ouverture de la tournée duBallet National de Cuba, à la Salle Pleyel. Avec Gretta Morejón, Rafael Quenedit, Sadaise Arencibia, Luis Valle, Viengsay Valdés, Osiel Gouneo, Yolanda Correa, Yoel Carreño, Anette Delgado et Dani Hernández. Jeudi 6 juillet 2017. La troupe est à voir dans Giselle jusqu’au 12 juillet et dans Don Quichotte du 15 au 20 juillet.