Olivier Dubois reprend Pour tout l’or du monde : « J’ai pour cette pièce une affection énorme »
Après Noos et Religieuse à la fraise, nouvelle escale au festival (Des)illusions. Cette fois, le théâtre le Monfort met à l’honneur Olivier Dubois en programmant Pour tout l’or du monde, première pièce sous forme de solo qu’il chorégraphia il y a tout juste 10 ans. Un opus à l’ironie ravageuse où ses talents d’interprète et d’auteur éclatent comme au premier jour, et qu’il affectionne tout particulièrement.
Avec le recul, Pour tout l’or du monde peut sembler être le point de bascule entre le magnifique interprète qu’il fut (et est toujours) et le futur chorégraphe de Tragédie, à la tête du Ballet du Nord depuis 2014. Olivier Dubois, lui, parle plus volontiers de cette pièce comme d’un « rendez-vous imprévu« , et même d’un « accident« . Car en 2005, quand la SACD et le Festival d’Avignon lui proposent de créer pour les Sujets à vif de l’année suivante, il est un danseur comblé qui joue Je suis sang et L’Histoire des larmes de Jan Fabre dans la cour d’honneur du Palais des papes. Il n’a pas même le désir de devenir chorégraphe, ne ressent aucune frustration quant à sa condition d’interprète. Pour autant, il accepte le défi, créer une pièce de 30 minutes en collaboration avec un autre artiste, avec grand enthousiasme. Il pense immédiatement à Claire Denis pour l’accompagner. Hélas, celle-ci tombe malade et tous deux se voient contraints de jeter l’éponge à seulement trois semaines de la première. Avec l’accord du Festival d’Avignon, il décide alors d’enfreindre la règle de la création à quatre mains pour s’inventer un solo. Ce sera Pour tout l’or du monde.
Dans cette pièce, celui qui ne signe toujours pas comme chorégraphe mais plutôt comme auteur, « je ne suis pas un chercheur de mouvements« , questionne, avec humour et provocation, le rôle d’interprète. Son approche est, selon lui « carnassière, émotive, émotionnelle, sensible, une approche extrêmement radicale dans son engagement, dans sa prise de risque, dans l’apprentissage de chaque chose et même les moins brillantes« . Entre Lac des cygnes revisité, clin d’œil à un répertoire classique écrasant, et pole dance, condensé violent de l’état du danseur qui s’offre et s’exhibe sur scène, Olivier Dubois règle un spectacle à l’ironie mordante qu’il habite avec brio, élégance, et un engagement total.
On retrouve dans ce premier opus, acte de résistance qui libère le danseur, beaucoup de ses futurs succès. Les barres (de pole dance encore dans Révolution), la référence au répertoire (Faune(s), Prêt à baiser (Sacre # 1) et Mon élue noire (Sacre # 2) ou Spectre). Mais surtout, comme il aime à le dire, son approche du plateau : « C’est un acte politique, un engagement fort, le corps doit être soumis à des turbulences« , et une présence intense qui navigue sur le sensible, l’émotion, toutes choses qui exploseront dans Tragédie. Pour autant, Pour tout l’or du monde est loin du brouillon de jeunesse. C’est une pièce forte, qu’Olivier Dubois danse régulièrement depuis sa création et qui, bien qu’elle n’ait subit aucune modification n’a pas pris une ride. « Elle est très structurée, très écrite, du coup, elle passe le temps... » dit-il, avant d’avouer qu’il a pour celle-ci une affection énorme. Comment alors ne pas s’étonner que le Monfort annonce qu’il s’agit là de ses dernières représentations ? » Je voulais faire une dernière tournée des capitales et arrêter là. Mais je me dis pourquoi, pourquoi arrêter ? En tant qu’interprète, nous sommes tous confrontés à ça, si mes capacités physiques diminuent, si je ne suis plus capable de faire les mêmes choses, alors cette pièce qui navigue aussi sur la virtuosité doit s’arrêter. Mais aujourd’hui mon corps répond, je n’ai pas de problème physique, pas mal, à 43 ans ! »
Pour preuve, Olivier Dubois reste danseur autant qu’auteur. Outre Pour tout l’or du monde, il joue régulièrement Prêt à baiser et s’apprête même à interpréter Tragédie ! « Nous avions fait un pari avec les danseurs. Ils m’avaient dit, si nous arrivons à 100 représentations, tu danses. Nous les avons allègrement dépassées, et je suis donc en apprentissage. Je le jouerai à partir d’Oslo, dans un mois. C’est un challenge autant qu’un partage particulier avec les interprètes, très intime…« .
À venir également une prochaine création, Auguri, présentée en Allemagne puis en septembre à la Biennale de la danse de Lyon. Celle-ci clora sa trilogie Etude critique sur un trompe l’œil, vaste projet ayant pour thème l’Humanité. Après Révolution et Rouge, elle formera avec Tragédie un ultime diptyque. « Je me suis rendu compte en terminant la création de Tragédie que je n’en avais pas fini, qu’il me manquait un volet. Auguri traitera de la quête absolue de l’Homme, le bonheur. Feux, foudres, tonnerres, ce ne seront que des élans, des courses de vitesse, durant une heure trente. » Pour préparer ses 24 danseurs et danseuses à cette prouesse physique, Olivier Dubois s’est adjoint les services d’un entraineur qui travaille actuellement sur les JO de Rio. « Ça va être énorme ce qu’ils vont me donner… enfin j’espère ! On commence la création le mois prochain. » dit-il avec une vorace gourmandise. Son immense impatience est des plus communicatives…
Pour tout l’or du monde d’Olivier Dubois au Théâtre le Monfort dans le cadre du festival (Des)illusions jusqu’au 3 avril.